Séminaire organisé par Marcus Coelen et Claire Nioche-Sibony
Mardi 8 octobre, 12 novembre, 10 décembre de 19h à 21h (exceptionnellement la 1ère séance aura lieu à 19h30) Salle 086A – rez-de-chaussée du bâtiment Condorcet – 4. rue Elsa Morante – Paris 13°
Le paradoxe de l’individuation humaine, c’est qu’elle se forme par emprunts à des traits venus de ceux et de ce qui apportent une marque qui sera transformée et intégrée.
Ce bricolage par lequel l’individuation produit un soi est autant une inscription qu'un effacement ou une tentative d’effacement. Si nous disons « bricolage » en reprenant ce terme lévi-straussien, c’est moins pour insister sur les éléments épars dont est faite une singularité que pour porter notre enquête sur le phénomène d’inscription qui est autant effacement ou retrait. En proposant le terme de trait unaire (Einziger Zug) pour caractériser ces emprunts, Freud ajoutait qu’on ne parlerait plus d’identité mais d’identification pour caractériser ces emprunts.
Comme einziger Zug, le trait unaire, partiel, aléatoire, est un trait parmi d’autres, sauf qu’il est la possibilité même de tout compte. Tout l’écart, dans ce moment de la formalisation, tient à ce que le trait unaire se situe dans la logique du signifiant : il est ce signifiant refoulé qui efface la perte de l’objet, le signifiant aveugle de chacun. C’est le lest du symbolique. Isolé de tous les autres, en dehors des autres quoique parmi d’autres, il permet l’opération de signifiance. Lacan le situe aussi dans « la disparition intermédiaire », y trouvant l’occasion de relire le fort-da freudien.
Nous souhaitons reprendre la manière dont le terme de « trait » est conceptualisé dans le séminaire de 1961 de Jacques Lacan, L’Identification.
Pour proposer une relecture de L’Identification, nous sommes partis d’un constat à la croisée des chemins : ces mots de trait, retrait, rature, recouvrent un problème largement implicite et qui pourtant affleure avec insistance dans de grands textes comme ceux de Freud, Lacan, Heidegger ou Derrida. S’il ne s’agit pas de pures coïncidences lexicales, nous pouvons prendre ces mots comme départ et motif de lecture pour parcourir méthodiquement une constellation de textes, sur lesquels ces mots laissent filtrer une lumière nouvelle. Des questions, des croisements et même des gestes ou des décisions de pensée apparaissent à la faveur de cette enquête textuelle. Le trait et le retrait semblent ne pas entrer dans le conflit entre épistémologie et pensée de l’être, comme d’avant la distinction du pensable et du non pensable.
Ces mots : trait, retrait, rature, pris comme guide et comme méthode de lecture, donnent une importance particulière à l’incontournable dimension de ratage, à l’absence de rapport, autant qu’ils ouvrent à une pensée de la trace, du frayage, de l’identification, de l’évanouissant – de ce qui est inscriptible comme de ce qui échappe à toute inscription. Termes pour ainsi dire infrastructuraux, par rapport à ces distinctions qui divisent le langage et la pensée, ou l’épistémologie et l’ontologie, ils permettent à la pensée de se défaire des catégories préalables de nature épistémologique, dialectique, ou ontologique.
Le trait, par exemple, ne peut être réduit ni comme forme, ni comme temps, ni comme espace ; il se pense différemment de l’essence comme de l’événement. Il est pensable à la fois en direction d’une pensée conceptuelle de l’identification primitive et comme ce qui échappe irréductiblement au propre. Unité sans totalité, unarité sans identité, supplémentarité, soustraction : voici quelques-uns thèmes connexes qui nous intéresseront dans notre cheminement philologique et psychanalytique.
Corpus :
FREUD
Esquisse d’une psychologie
Psychologie des masses et analyse du moi
LACAN
Séminaire IX, L’Identification
Lituraterre
HEIDEGGER
Essais et conférences
Identité et différence
DERRIDA
L’écriture et la différence
La différance
« Le retrait de la métaphore », Psyché
« La mythologie blanche
», Marges