La fabrique de l'amour au Grand siècle

Sur La Princesse de Clèves, Norbert Elias et la culture de l'intériorité

(version de travail d'un essai à paraître)


Leçon de tenèbres

Pourquoi devrions-nous croire que nous comprenons ce que désignait le mot amour dans un texte écrit il y a plus de trois siècles et demi ? Suffit-il pour cela que nous soyons touchés, d'une manière qui nous semble ressemblante à l'expérience décrite par les protagonistes d'une passion, suffit-il que nous comprenions, même partiellement, la logique dramatique qui les rapproche et les éloigne, suffit-il enfin que le vocabulaire, et même une partie significative de la rhétorique et de la logique des sentiments qu'ils déploient dans un univers de fiction soient encore parlant à nos oreilles ?

L'anthropologie contemporaine s'intéresse de plus en plus aux sentiments et notamment à l'amour, un thème dont l'importance croit, parce que tout le monde se rend bien compte que l'étude de la parenté, qui demeure un des paradigmes de scientificité de la discipline, doit bien avoir quelque chose à voir avec une anthropologie encore à naître de la sexualité et de l'amour, du moins dans un nombre considérable de cultures. Du coup, la question de l'universalité de ce que nous appelons en Occident l'amour romantique, en désignant par là le choix exclusif d'un individu par un autre, vient vite au premier plan1. D'autant plus vite, qu'avec l'amour romantique surgit aussitôt la question d'une expression « antisociale » de la subjectivité « pure », y compris dans les sociétés aux formes les plus rigides. Il est ainsi extrêmement tentant d'élaborer une anthropologie de l'exception aux règles sociales dont l'amour romantique serait la pierre de touche. Dans un livre fondateur, Lila Abu Lughod s'est ainsi intéressé aux sentiments « sous le voile » dans les cultures bédouines dominées par l'honneur, mais où la poésie joue au quotidien un rôle extraordinairement intéressant, socialement consacré, notamment parce que les femmes y détiennent le premier rôle2. C'est également devenu un lieu commun de l'anthropologie politique contemporaine d'observer le potentiel antisocial des histoires d'amour dans toutes sortes de sociétés traditionnelles confrontées au problème de la modernisation et de la montée de l'individualisme. On ne se rend guère compte des mutations dans les mentalités que provoquent les soap operas de la télévision dans le monde arabe. On a pourtant remarqué combien leur diffusion accompagne une transition probablement irréversible, entre une culture du mariage arrangé, qui se modifie en laissant progressivement les femmes disposer d'un droit de veto sur le conjoint que leur famille leur prévoit, droit de veto qui évolue progressivement en possibilité de choix parmi des alliances possibles, pour sonner pour finir le glas du mariage arrangé comme institution normative. Osera-t-on le dire? C'est à des phénomènes de ce genre qu'il faudrait comparer La Princesse de Clèves. Le roman d'amour serait partout un facteur de détraditionnalisation et de promotion des idéaux subjectivistes-individualistes, qui entrerait par principe en conflit avec la contrainte sociale, morale ou religieuse.

Il ne fait guère de doute en effet, pour un historien des mentalités, que l'idéal de l'amour que promeut notre roman serait inintelligible en dehors du contexte de la cour de Louis XIV, et de la formidable fabrique de l'individualité moderne qu'a su y détecter Norbert Elias3. Et, dans une certaine mesure (je me propose ici d'essayer de déterminer laquelle), les aventures des amants de Madame de La Fayettte sont paradigmatiques d'un certain degré de liberté conquise contre les obligations du rang et les puissantes contraintes qui sont associées dans la haute aristocratie de l'époque. Et c'est incontestablement pourquoi, comme fascinés par ce degré de liberté, si relatif soit-il et si tragique en soit l'issue, il nous est si tentant d'y lire une sorte de préfiguration de l'amour romantique comme nous le connaissons, ou pensons le connaître. Car l'amour romantique, dans les sociétés qui sont les nôtres, est régulièrement décrit comme la seule forme d'amour possible entre individus. Un de ses paradoxes est qu'il est banal de le présenter à la fois comme un antidote affectif souverain à l'atomisation de la société individualiste bourgeoise, et, dans le même temps, d'en faire un sentiment antisocial qui porte aux nues un idéal de singularité subjective, idéal nié au quotidien par les grises et mornes interactions des agents rationnels individuels de la politique ou du commerce. Cela seul devrait nous arrêter. Car un tel paradoxe, si vif pour nous, n'a aucun sens au Grand Siècle. En lisant quoi que ce soit comme de l'amour romantique dans La Princesse de Clèves, faisons-nous donc autre chose que donner une information sur notre situation anthropologique ? Faisons-nous autre chose que sonder les ténèbres dans lesquelles se tient pour nous un ensemble de sentiments qui nous semblent si proches et si touchants, mais qui obéissaient cependant à des règles et des normes sociales révolues, et reflétaient sans aucun doute des vécus que l'histoire ultérieure, autrement dit le triomphe de l'individu romantique et bourgeois, a rendu quasi impénétrable ?

Pour l'anthropologie, d'autre part, il ne saurait y avoir d'extraterritorialité sociale de la subjectivité. Le plus intime, le plus singularisant, le moins partageable obéit en réalité à des normes impérieuses. L'amour romantique impose ainsi à ses partenaires une égalité telle qu'elle va jusqu'à rendre leurs moi individuels substituables l'un à l'autre, par exemple. La meilleure preuve qu'il s'agit (ou s'agissait) bien d'une norme sociale forte, c'est la lamentation collective sur la crise qui le frapperait aujourd'hui : ainsi Anthony Giddens faisait-il remarquer qu'il échoue de plus en plus à fonctionner, comme autrefois, comme opérateur « antisocial » d'affirmation de la subjectivité. Dans ce rôle, la passion purement sexuelle, où les effets de libération liée à la déclaration publique de son homosexualité, remplacent même parfois la traditionnelle déclaration d'amour comme paradigme de l'auto-affirmation individuelle4. Ces facteurs, et d'autres encore, montrent bien combien l'amour romantique qui a fait norme sociale de l'attraction exclusive d'un individu pour un autre ne fait certainement pas exception à la régulation sociale des sentiments, et qu'il en subit les vicissitudes historiques. Ses promoteurs au XVIIIe siècle, Rousseau parmi d'autres, en était éminemment conscient, et c'est bien au paradigme de l'amour « classique » qu'il pensait offrir une alternative originale. Ce en quoi consistait cet amour classique leur était infiniment plus présent qu'à nous. Un bon argument en faveur de l'idée que La Princesse de Clèves constituait effectivement pour Rousseau un tel sommet qu'il ne pouvait envisager qu'une construction entièrement distincte de l'amour et du roman d'amour pour lui faire pièce, au nom du sentimentalisme, c'est que la quatrième partie de La Nouvelle Héloïse est explicitement mise en vis-à-vis de La Princesse de Clèves - si l'on en croit Rousseau en personne au tout début du livre XI des Confessions.

Opacité donc : engendrée par la difficulté de concevoir un système d'affects et de raisons, de pratiques et de sentiments, comme par-dessus et même à l'encontre de ce qui a socialement façonné nos intuitions de l'intime et du privé de l'amour. Avec l'invention de l'amour romantique est en effet né ce sentiment coextensif à notre vie d'individu, qui nous fait croire qu'il existe des expériences privées, subjectives et asociales qui seraient comme éternelles. Depuis, c'est toujours de façon beaucoup plus intellectuelle que sensible et vécue que nous devinons combien le « cœur », varie historiquement, et qu'il est toujours réglé par des formes sociales. Et nous n'y croyons que du bout des lèvres.

Or cette opacité de l'amour dans La Princesse de Clèves éclate avec une seconde opacité, qui lui est corrélative : celle des rapports entre les hommes (et les femmes) régis par la contrainte curiale. J'ai dit plus haut que pour nos yeux, les amours de la princesse de Clèves et du duc de Nemours paraissent s'opposer aux contraintes de la vie de cour comme la liberté à l'esclavage. Ce qu'il convient au contraire de méditer, avec Elias, c'est combien la rationalité curiale façonnait des individus qui ne pouvaient sentir et exprimer l'amour que selon des voies et par des moyens où ce qui leur paraissait le plus privé et le plus individuel était au contraire maximalement contraint dans sa forme comme dans son contenu, et contribuait de manière implacable à établir et renforcer ce qu'il y avait de plus rigide dans leur identité sociale et leur statut.

Divisons donc la difficulté. Resituons d'abord la fabrique de l'amour dans une perspective à la Elias, autrement dit en appréciant comment la « galanterie » est une composante intrinsèque de la fabrique de l'individu moderne. Jusqu'à quel point, toutefois, faut-il suivre Elias dans une analyse sociologique très déterministe à cet égard, c'est aussi ce que j'interrogerai. Il semble toutefois que nous ne nous guérirons jamais de lire dans les amours de la Princesse une préfiguration de notre amour romantique, si nous n'explorons pas jusqu'au bout la logique de la distance qui s'oppose dans l'amour classique à la logique de la projection dans l'amour romantique. Car la conjonction et la disjonction des amants n'y obéissent pas aux règles de la « fusion » imaginaire des moi, et donc du « deuil » d'une partie de soi dans la fin de l'amour, auxquelles nous somme habitués, au point de les confondre avec la seule logique possible de l'amour. Enfin, plutôt que d'en rester à des rencontres qui ne sont peut-être que des coïncidences sur l'augustinisme de Madame de Lafayette, je vais hasarder quelques hypothèses un peu hardies. L'une d'entre elle consiste à prendre au sérieux une figure pascalienne bien connue : celle du « double délaissement », en le transposant de la théologie à l'amour. L'autre, plus critique, consiste à soutenir que le conflit intérieur des amants n'ouvre nullement, dans l'amour classique, sur une « vérité inconsciente » dérobée aux acteurs, mais sur tout autre chose, et qui est la mise à nu de la corruption du cœur humain.


L'homme de cour, sa femme et sa maîtresse

La Société de cour décrit la naissance d'une figure nouvelle de l'homme, l'individu moderne défini par l'autocontrainte (Selbstzwang) émotionnelle, la retenue et le contrôle total de l'action. Le corrélat psychologique de cette retenue dans le comportement extérieur, c'est le creusement d'une « intériorité » d'où l'individu observe son propre corps, autrui et le monde extérieur comme autant d'entités qui se détachent de lui, et qui s'objectivent en dehors du moi. Ainsi de la séparation radicale de l'esprit et du corps, au point que la question se reposera sans cesse dans la métaphysique de l'âge classique, après Descartes, de savoir même comment leur interaction est possible ! C'est là pour Elias un sous-produit théorique de l'âge de l'intériorisation forcenée et de la retenue de l'agir. Mais il ne s'agit en rien d'une simple idéologie. C'est une véritable transformation des habitus : la construction d'un appareil psychique inédit destiné à assurer le contrôle intérieur de soi-même (Selbstkontrollapparatur). Pour Elias, la psychologie historique de l'homme de cour a en effet pour contexte un processus lent de transformation des rapports de force dans la société, à mesure que l'absolutisme monte en puissance. La confiscation exclusive (suite à la Fronde) entre les mains du roi des moyens de la violence armée, d'une part, et, d'autre part, avec l'appauvrissement de la noblesse impuissante à tirer de ses terres des revenus suffisants, la capacité de redistribution que confère au roi la levée des impôts, conjuguées l'une à l'autre, permettaient à Louis XIV de tenir les Grands sous sa coupe, et avec eux l'ensemble de la noblesse. En Grande-Bretagne, par contraste, jamais les Grands ne tomberont à ce point sous la coupe de la couronne - une des raisons couramment alléguées étant que l'enrichissement de l'aristocratie par les affaires n'y a jamais été frappé, comme en France, du sceau de l'infamie. En Prusse, au XVIIIe siècle, le Grand Frédéric préférera une armée de nobles hauts fonctionnaires et officiers supérieurs de l'armée à une cour d'oisifs. Mais à Versailles, un nouveau type d'homme a pris forme : le courtisan. Il ne peut conserver son rang qu'avec la faveur du prince. Il se trouve en outre en concurrence directe avec tous les autres aristocrates pour les places rémunératrices et les honneurs. Elias fait alors observer que ces contraintes et ces interdépendances sociales façonnent en chacun les structures psychiques qui leur font écho. La lecture des mémorialistes, au premier rang desquels Saint-Simon, lui permet de mettre en évidence, dans ce contexte, la valeur suprême de la dissimulation des intentions ambitieuses, donc du parfait contrôle de soi dans les gestes et les mimiques, le poids du rituel des apparences, des manières, de l'art de parler, en sorte que les traditionnels conseils donnés aux gentilshommes depuis la Renaissance se changeaient désormais en habitus profondément incarnés, inculqués depuis l'enfance, et coextensifs à la condition noble. Aussi, pour finir, « quand le courtisan parvenu à l'âge adulte se regarde dans la glace, il découvre que ce qu'il avait pratiqué au début comme un simple moyen de dissimulation est devenu un élément constitutif de sa physionomie »5.

L'essentiel des analyses d'Elias mettent cependant l'accent sur l'ambition, autrement dit sur la compétition entre nobles pour se gagner les faveurs du prince. Ce n'est pas qu'il ait complètement ignoré la question de la galanterie, pour citer cet autre maître-mot de La Princesse de Clèves. Mais pour ce qui regarde l'amour, il s'est surtout intéressé à L'Astrée. L'interprétation sociologique de la bergerie consiste à y lire une idéalisation du passé campagnard d'aristocrates durement soumis à la nouvelle rationalité curiale, l'art offrant un refuge aux vaincus : les nobles indépendants. Honoré d'Urfé est ainsi dépeint comme le représentant typique de « la couche moyenne des nobles », qu'Elias décrit comme une de ces couches sociales « à deux fronts », divisée entre la contrainte croissante que fait peser sur eux la logique supérieure de la cour, dans le nouveau régime de dépendance absolutiste, et la nostalgie d'une authenticité perdue, qui nimbe aux couleurs du rêve un état social révolu, mais qu'on ne saurait plus adopter sans déchéance6.

Certains traits de La Princesse de Clèves confirment et étendent cette lecture de L'Astrée. Je trouve ainsi particulièrement éloquents que Madame de Lafayette ait situé l'action juste avant le règne d'Henri IV. Nul doute en effet que ce dernier ait marqué une césure décisive dans l'exercice de la royauté. Dernier roi-chevalier au sens fort, premier gentilhomme parmi ses gentilshommes, tel Henri III, il est aussi celui qui refusa toujours, malgré ses promesses, de convoquer les États-généraux et de partager avec la noblesse sur laquelle il s'était appuyé contre l'Espagne et le pape un pouvoir qu'il lui devait pourtant. Mais chez Madame de Lafayette, l'expression politique voilée d'une certaine nostalgie ne se décolore plus dans les teintes fades de la bergerie. En projetant dans un passé dangereusement précis les apparences d'une cour « éternelle », mais où ses lecteurs avertis savaient fort bien que l'équilibre des forces jouait alors souvent en faveur des Grands, elle montre même ses attaches non pas dans les couches moyennes de la noblesse, mais dans ses couches les plus élevées, et rêve aux temps qui avaient précédé sa complète sujétion.

Plus profondément, peut-être, en donnant à la galanterie le pas sur l'ambition (qui n'a pour ainsi dire aucune part dans le roman) elle fournit la contre-épreuve de l'analyse d'Elias sur l'homme et la femme de cour. C'est en effet l'amour, prodigieusement civilisé ou dénaturé, qui entre pour une part dans les attributs de la puissance de séduire et de dominer, mais qui, d'un autre côté, met à nu les forces mêmes que le processus forcé de dissimulation et de contrôle de soi, autrement dit les pierres de touche de la rationalité curiale, n'arrive justement jamais tout à fait à dominer. La distanciation, constitutive de l'intériorité, expression pure de la retenue dans l'action, prend alors une chair qu'une analyse centrée sur l'ambition ne pouvait pas tout à fait révéler : elle s'érotise.

Ce qui nous touche dans La Princesse de Clèves, cette distinction où la vérité des sentiments ne saurait que filtrer, dans un écart toujours rigoureusement maintenu entre les apparences et l'inscrutable réalité du « cœur », n'est nullement à cet égard une construction psychologisante. C'est, de part en part, dans l'action par excellence, en un mot dans l'acte de parole, l'effet du contrôle total que les bienséances forcent chacun d'exercer sur le contenu manifeste de ce qu'il dit. Ce qui seul peut alors filtrer, c'est l'énonciation, dans son ineffable distance d'avec l'énoncé. L'écart entre ce qui est littéralement dit et ce qu'on y fait entendre, écart qui confère un statut paradigmatique à la litote hyperbolique dans le dialogue des courtisans, ne doit sans doute pas, ainsi, se comprendre comme l'expression d'un certain état d'esprit amoureux qui préexisterait aux formes obligatoires de l'expression polie. Au contraire, c'est l'impératif de retenue dont cette rhétorique de la litote hyperbolique est le moyen d'expression logique et « naturel » qui creuse chez les partenaires de la conversation amoureuse cette intériorité passionnée que nous croyons éternelle. Si l'on perd de vue que la retenue et le contrôle de l'action s'accomplissent dans la retenue et le contrôle de l'acte de parole, donc de l'énonciation, dans un contexte où tout ce qui peut être prononcé est soumis à des normes implacables, on s'imagine donc que la psychologie des amants se manifeste dans leur manière de parler. Mais c'est l'inverse. L'amour ne prend sa texture intérieure que sous la contrainte de maîtrise qui pèse sur le moindre geste et le moindre propos entre courtisans conscients de leur rang, et de leur dépendance à la faveur du prince.


Causes sociales et raisons morales

 

Faut-il cependant croire, avec Elias, qu'il n'y a aucune rationalité autonome dans la logique des sentiments, et qu'ils sont purement et simplement « rationnels » selon qu'ils se montrent ou non adaptés aux jeux dialectiques de contrainte et d'interdépendance sociale où ils doivent se manifester historiquement ? Peut-être pas. Et je propose sur ce point de s'écarter d'Elias, pour qui, sans la moindre hésitation, on ne doit appeler « raison » (et, par extension, toute la « grammaire logique » des motifs rationnels, des émotions et des actions) que ce qui résulte de cette bonne adaptation des individus à leur environnement social - en somme, à peine mieux qu'une idéologie qui rationalise après coup les effets de la configuration sociale globale sur les actions, les affects et les pensées7.

Ce primat de la causalité sociologique sur tous les contenus psychologiques, étendu jusqu'à leur logique, laisse sceptique. En particulier quand il s'agit de l'amour. En effet, parmi les actions, il en existe en effet certaines qui ne peuvent arriver à leurs fins que si elles ne la visent pas directement. Depuis Jon Elster, on les appelle « effets essentiellement secondaires » (d'actions qui visent autre chose)8. Il est bien connu, par exemple, que vouloir dormir empêche de dormir, ou que vouloir être « naturel » vous rend aussitôt artificiel. Mais l'exemple archétypique d'un tel effet, c'est se faire aimer. Quiconque cherche à se faire aimer par des voies directes produit plutôt l'effet opposé : quoi de plus odieux qu'un tel individu, qui cherche à vous complaire en tout, ou qui met en avant des qualités qu'on serait content de remarquer sans qu'il vous les jette à la tête ? Or il s'agit là d'une propriété de l'amour qui appartient à sa grammaire logique : qu'on ne puisse se faire aimer « directement », mais toujours justement en laissant à autrui, dont on veut se faire aimer, l'initiative d'accorder l'amour qu'on en espère (sinon, ce n'est pas du « véritable » amour), initiative qu'on ne peut que guider « indirectement » dans le sens espéré, un tel dispositif contraste en soi (autrement dit quelle que soit la configuration sociale environnante) avec d'autres types d'action dont les effets sont, eux, « directs » (comme, par exemple, se faire respecter, où, à l'inverse de se faire aimer, vouloir obtenir l'effet indirectement serait un aveu de faiblesse). Aux effets essentiellement indirects des actions, se rattache tout ce qui relève de la volonté de se changer soi-même (puisqu'il est exclu que le moi à changer soit justement le même moi qui se change lui-même) - observation capitale pour toutes les formes de conversion morale ou religieuse, voire de psychothérapie. Il en va de même avec ce qui vise à faire faire quelque chose à autrui « librement » - puisque, par définition toujours, éduquer autrui, le convaincre de changer le cours de ses actions de lui-même, implique qu'on s'abstienne de le manipuler. Bref, les actions dont les effets sont essentiellement indirects sont au cœur des activités sociales.

On note tout de suite combien certaines configurations sociales et morales spécifiques non seulement valorisent, mais explorent de manière privilégiée les rapports entre individus qui reposent sur ce type d'effets. À cet égard, la cour selon Elias n'est certainement pas un lieu où se gagner l'amour ou le respect d'autrui, et encore moins une obéissance « librement » consentie, soient des attitudes simplement adaptées au système contraignant des rapports de force entre individus, aux hiérarchies ou à l'honneur. C'est la rationalité inhérente au processus de civilisation que d'en passer par ces effets essentiellement secondaires. Les considérations sur l'exercice (aussi indirect que possible) de l'autorité monarchique, par le détour de la « grandeur » et de la « faveur », par exemple, sur l'art d'obtenir le respect sans avoir jamais à se faire respecter (par la force, ce qui est interdit à tous sauf au roi) et, bien sûr, la galanterie entre Grands ne sont donc ni des formations idéologiques ni des rationalisations a posteriori de ce qu'on est bien obligé de faire sous la contrainte des forces sociales. La rationalité curiale s'y démontre par excellence. Car le succès se mesure aux réponses plus ou moins habiles, voire géniales, que les acteurs apportent aux problèmes redoutables d'une action aux effets essentiellement indirects, et c'est dans ces actions-là plutôt que dans aucune autre que s'investit le processus d'intériorisation et de retenue hypercontrôlée de l'agir. Au sommet de la pyramide, le roi est même celui qui est le plus strictement soumis à cette loi : celui pour qui la contrainte de la galanterie parfaite et celle d'un respect obtenu uniquement par les mouvements de force brute les plus infimes possibles (un simple regard) sont d'autant plus fortes qu'il détient le pouvoir « physique » de faire faire à peu près tout à presque tous.

La Princesse est un compendium de ces nouveaux habitus curiaux dans le registre affectif. La femme à laquelle un Grand pourrait prétendre de par son rang seul, il faut en outre qu'il la conquière par une « cour » qui l'idéalise, en sorte qu'elle soit mise en position de condescendre à l'amour qu'on lui porte, moyennant quoi, en tant qu'objet, elle est élevé au même niveau que celui de son amant - qui n'aura fait, dans tout cela, que condescendre à ce qu'elle condescende, en l'élevant là où lui-même est élevé. D'où l'inversion paradoxale du précepte de Publicus Syrius, à quoi conduit ce dispositif : Adulter est uxoris amator acrior. Car le Prince de Clèves, dans une formule dangereuse, prétend aimer sa femme avec passion, et vouloir en être aimé comme par une maîtresse9. La domination par la retenue dans la domination, la retenue comme puissance sur les âmes, cas inédit de l'effet essentiellement indirect, pénètre ici l'affectivité dans toute son ampleur, la dénature, mais surtout, fait sentir tout le poids et le prix de sa civilisation.


Le double délaissement des amants

 

Le privilège des effets essentiellement secondaires demeure subordonné au système social, moral et psychologique qu'ils forment tous ensembles à une époque donnée. Toutes s'appellent les unes les autres, et s'offrent mutuellement leur modèle problématique. Se convertir (quand il est si facile, sous l'empire de l'amour-propre, de croire se convertir en servant secrètement son orgueil, son vieux moi non régénéré), en imposer à autrui sans jamais rien lui imposer directement ni évidemment, se faire aimer, enfin, mais en se dissimulant comme être désirant sous la figure d'un serviteur soumis des désirs de l'autre, autant d'actes dont la formule théorique est aussi simple que l'exécution pleine d'embarras. Mais alors, au lieu du mot abstrait de système, préférons une image : celles de tiraillements subjectifs qui se répètent, de la théologie à la politique, et de l'art de mener les hommes à celui de mener les femmes qui vous mènent.

L'augustinisme dans La Princesse de Clèves a été depuis longtemps remarqué10. Peut-être pourrait-on oser lire dans ce roman, transposé aux amants, une figure théologique essentielle à la réflexion contemporaine. Le « double délaissement du juste » est une manière sophistiquée de rendre compte, dans le contexte théologique des disputes sur la grâce, de l'articulation intime entre la justice divine et la liberté humaine de pécher. C'est à la fois parce que Dieu retire au pécheur sa grâce que ce dernier pèche, et parce que ce dernier est pécheur que la grâce est sans force en lui, puisqu'il s'éloigne de Dieu. De façon symétrique et inverse, le juste est entièrement entre les mains de Dieu et sa vie droite n'est un mérite que de façon entièrement indirecte : comme un mérite dont il n'a, si j'ose dire, la grâce, que par l'opération première de Dieu. L'essentiel, ici, c'est que tout ne me vient que de l'autre, au moment même où c'est de mon initiative la plus propre qu'il s'agit. Dieu (comme le roi, comme l'aimé) est toujours mis en position de me dispenser d'abord la grâce (ou les gratifications, ou les bonnes grâces) requise pour que je puisse me tourner vers lui avec amour, soumission et reconnaissance. Mais s'il y a « délaissement » (disgrâce du prince, désamour de l'objet), c'est l'effet d'un éloignement dont le principe se trouve dans l'agent, et non dans son Autre idéal. On ne quitte jamais que quelqu'un qui ne vous retient pas, même s'il vous conserve complètement autant que vous allez complètement vers lui.

En matière d'érotisme, c'est pour nous extrêmement étrange. Car c'est le ressort d'un amour tout sauf projectif au sens fixé par le sentimentalisme et le romantisme : « se retrouver » dans l'autre (jusqu'à, dans la rupture du lien amoureux, faire l'expérience douloureuse de perdre une partie de son propre moi). Voyez la première rencontre du Prince de Clèves et de Mademoiselle de Chartres. Le Prince ne « projette » rien sur elle. L'aveu de son amour n'est rien de plus que grâce rendue à l'éblouissement ressenti sous les rayons admirables qui émanaient d'elle11. Au fond, qu'avons de mieux pour rendre compte d'un dispositif aussi dérangeant que d'inverser la formule freudienne de la mélancolie ? C'est n'est plus, ici, « l'ombre de l'objet [dont on n'arrive pas à accepter la perte] qui tombe sur le moi » - et qui le plonge dans la dépression et l'auto-accusation. C'est le soleil radieux de l'objet enfin trouvé qui tombe sur le moi et qui l'arrache soudain à son inexistence. Cette initiative non-consciente de l'autre qui fait qu'il se fait d'abord aimer crée donc l'amour qui en retour relance un amour toujours plus conscient chez l'objet (qui doit s'en étonner lui-même, en prendre peu à peu conscience), en un mouvement qu'on pourrait appeler le « double attachement ». Son affinité avec la découverte spirituelle, lente et surprise, de la profondeur et de l'antériorité de l'amour de Dieu pour la créature est assez patente. Toutefois, la condition impérative de ce double attachement vient d'être exposée : chacun doit s'y défier de soi. Sa mère le dit d'ailleurs en ces termes à Mademoiselle de Chartres, la condition de l'amour heureux, c'est « la défiance de soi-même ». Dans l'univers contraint de la cour, l'expansion spontanée du sentiment (quoi que ce soit de projectif, où l'on s'attendrait à être accueilli par l'autre) serait la route sûre du malheur. Madame de Lafayette le fait d'ailleurs sentir aux circonstances dans lesquelles la Princesse et Nemours se rencontrent : on les a prévenu, bien trop prévenu l'un de l'autre. Ils pressentent qu'ils sont voués l'un à l'autre, et la scène du bal, ce face à face fatal, est d'emblée une rupture catastrophique de l'asymétrie des partenaires et de l'emboîtement réglé de leurs autocontraintes, qui sont les marques et les garanties d'un amour vivable.

Tout se défait, dans La Princesse de Clèves, lorsque le Prince de Clèves, dont Madame de Lafayette a déjà pointé l'imprudence, déclare devant sa femme qu'eût-il été à la place de Monsieur de Sancerre, il aurait consolé sa femme de l'état d'avoir un amant. Dès lors, et je reprends à dessein le mot de Pascal, il ne la « retient » plus. Le caractère érotiquement dévastateur de cette remarque en passant nous est à peu près insensible, précisément parce que notre économie érotique renverrait alors une Princesse de Clèves « romantique » aux sources internes de son amour pour le Prince (il peut bien dire ce qu'il veut, je n'en sais pas moins ce que j'ai placé en lui). Mais chez un homme qui s'est retrouvé passionné d'elle comme d'un astre dont les rayons l'avaient touché sans qu'elle le sache, ce propos terrible, désastreux, vide ce lieu idéal, extérieur, d'où, créée comme aimable, elle pouvait aimer en retour celui-là seul qui l'y avait installée. La consoler d'avoir un amant, c'est briser ce miroir, où chacun non pas projette son moi sur l'autre, mais reflète la projection de l'autre sur son moi, et ne consiste que dans et par ce pur reflet.

Contre-épreuve de cette hypothèse : l'ultime tentative de réparation que Nemours propose à la Princesse, en en appelant à l'amour de soi (« Écoutez-moi, Madame, écoutez-moi : si ce n'est par bonté, que ce soit du moins pour l'amour de vous-même12. »). C'est un lieu où l'augustinisme foncier du roman transparaît. Il y a eu un épanchement de cet amour de soi au-dehors, mais vers une autre créature, et cet épanchement, potentiellement infini, puisqu'il peut et doit conduire à Dieu, n'a donc rencontré que le vide. Des reflets de reflets, il n'est resté que des faux-semblants - à quel amour de soi revenir, dès lors ? Et quel soi ?La voie en est bien perdue.


Amour romantique, amour classique

 

Il y a une réponse triviale à la question de savoir si l'amour romantique est, ou pas, un universel anthropologique - avec, pour corrélat, la question de savoir comment différentes sociétés infléchissent ou déforment cet état « naturel » de l'amour. C'est tout simplement que les romantiques (mais c'est déjà vrai du sentimentalisme du XVIIIe siècle) ont élaboré leur érotique par contraste avec une idée alors prévalente de l'amour, qu'on pourrait provisoirement qualifier d'amour « classique ». La Princesse en a été le paradigme. Il s'agit là bien sûr d'une approximation grossière, même s'il est aisé de la rendre plausible du point de vue de l'histoire de la littératur. Je la prends ici comme un moyen de problématiser l'opacité anthropologique de certaines émotions apparemment transparentes.

Si l'on suit ce fil conducteur que l'amour, dans le contexte général de la rationalité curiale, est une dimension constitutive de la fabrique d'un nouvel homme, plusieurs éléments devraient cependant redevenir intelligibles. Dans cette contrainte à la retenue et à l'intériorisation, il est en effet évident que l'abîme qui sépare désormais les « âmes », et notamment les « grandes âmes », détruit la moindre évidence de sexualité. Une phrase qui en d'autres lieux à fait couler beaucoup d'encre, « il n'y a pas de rapport sexuel », relève ici de l'axiome qu'on n'a pas à mentionner. Au degré de singularisation subjective et de retrait en soi idéalisés par la rationalité curiale (et dont la contrepartie spirituelle dans la religiosité augustinienne qui la redouble est assez connue), ce qui paraît si provoquant chez un Lacan est même un fait de base du processus de « civilisation des mœurs ». Sans doute est-ce pourquoi, pour suivre la suggestion de Laurence Plazenet, La Princesse de Clèves est traversée d'une onde indiciblement pornographique - qui se hérisse en vagues constamment courbées par le flux et le reflux des échanges « galants ». Il en transpire de façon immanquable qu'il n'y a rien, absolument rien, que la Princesse et Nemours se refuseraient l'un à l'autre, si... Il serait superficiel de projeter notre symbolisme sexuel sur ces échanges (la « canne des Indes » prétendument phallique en est un exemple aussi lamentable que rebattu). Les lecteurs de Madame de Lafayette sont des lecteurs avertis de Théophile de Viau. Et ils savaient parfaitement ce qu'il se passerait, si... Simplement, nous avons difficilement accès à l'idée qu'une litote puisse être à la fois si envahissante et à ce point hyperbolique.

Il serait aussi complètement anachronique de s'imaginer qu'il y a là quoi que ce soit de « refoulé » - un inconscient, donc, qui ferait retour. L'érotisme dans sa forme la plus crue n'est certainement pas ici refoulé, il est très consciemment réprimé, y compris par des moyens coercitifs (la triste mort de Théophile de Viau, puisque je viens de le citer, et la leçon terrible qu'elle donnait aux contemporains, leur économisait tout mécanisme psychologique de refoulement). Plus sociologiquement, le genre de conscience et d'individu qui peut avoir un inconscient freudien, avec toutes ses conséquences pour l'amour et la sexualité, est loin d'être né. C'est pourquoi Valincour fait une remarque juste quand il note que la Princesse demeure longtemps dans une ignorance frappante du fait qu'elle est aimée13. Elle ne le sait pas non plus « inconsciemment » (même sous la forme banale d'aimer « à son insu »). Ce que nous attribuons à l'inconscient (et ce que nous en déduisons pour expliquer la « fausse conscience » des acteurs), il faut au contraire le rattacher au processus de fabrication de la conscience individuelle moderne : c'est le moi lui-même qui devient une instance de filtrage et d'autocontrôle. L'épisode de la lettre au vidame de Chartres14, cette bouffée de perversité libertine qui traverse à un moment stratégique l'intrigue éthérée entre Nemours et la Princesse, en est un indice sûr. On serait bien en peine de détecter les effets freudiens d'un « mentir vrai » (faire voir en feignant de cacher) trahissant, à l'insu des protagonistes, la vérité inconsciente de leurs désirs. C'est au contraire la dialectique des apparences poussée à l'extrême, jusqu'au paradoxe d'un filtre des émotions prenant pour finalité ce filtrage lui-même, y puisant l'essentiel de la volupté de se faire aimer - au point que le moi censé se retenir derrière ce filtre n'est pour finir plus rien, ou plus rien qui vaille...

Il en va de même avec le conflit intérieur des amants, et surtout de la Princesse, sur lequel nous projetons avec précipitation nos propres « conflits psychologiques ». Les « contrariétés », si souvent notées dans les mouvements intérieurs des protagonistes, ne disent rien d'un désir, ou d'une poussée sensuelle inavouable mais cependant riche d'une intentionnalité propre, bien structurée, et qui rendrait raison au second degré de leurs attitudes irrationnelles. Il n'y a au contraire pas le moindre « sujet » profond du désir, qui pointerait là sous une conscience aveuglée. Le secret dernier de l'amour de la créature pour la créature, c'est purement et simplement la corruption du cœur - nul inconscient. Il en ressort que nous ne sommes pas plus malins que les contemporains, quand nous imaginons déchiffrer dans les péripéties les plus surnaturelles de la Princesse des anticipations confuses du recours à une telle intentionnalité inconsciente. Valincour s'offusquait de la promenade invraisemblable qui conduit Nemours précisément au pavillon où la Princesse vient s'abandonner à ses rêveries. Derrière ce hasard, nul inconscient pour tirer les ficelles. Valincour y voyait une ficelle « tragique » déplacée dans un roman. L'implication morale est transparente derrière ce jugement sur ce qui est propre ou pas à un genre littéraire donné. Traduisons donc : c'est beaucoup trop charger un roman d'amour que de l'étayer sur un ressort aussi grave que la justice divine en marche.

Voilà pourquoi, peut-être, La Princesse de Clèves n'est en rien un précurseur du « roman d'analyse » (comme le concevait Paul Bourget, par exemple). Ce n'est pas davantage le roman d'un « amour éternel », à retrouver toujours tel qu'en lui-même sous le masque changeant des situations sociales et historiques. Qu'est-ce alors ? Une machine de guerre infiniment subtile dans une lutte sociale sans merci. La Princesse, comme roman, c'est-à-dire comme forme mineure (du moins, rapportée à la tragédie), est un moyen très ingénieux de diffuser l'ethos qui garantissait l'ordre aristocratique de la domination. Elias s'était posé la question de savoir comment des plus hautes sphères de la société, un pareil ethos de la retenue pouvait devenir désirable aux couches sociales inférieures (bourgeoises, notamment) - en sorte que ces couches absorbent les conditions morales et psychologiques de leur propre sujétion. Car, bien sûr, il ne faut jamais, dans un tel ordre, que le supérieur se donne à imiter à l'inférieur (ce serait déjà déchoir, ce serait manifester un manque de  grandeur ») ; il faut que l'inférieur s'illumine en touchant à ce qui lui donne le sentiment de se déverser d'en haut, mais comme sans l'avoir jamais visé, comme par une pure effusion de grâce. Roman anonyme, mystérieux, et donc diffusé par d'excellentes mains vers un cercle s'élargissant lentement de privilégiés jugés capables de le goûter, un tel ouvrage (avec la querelle de son attribution liée à l'effacement stratégique de Madame de Lafayette) condense tous les réquisits de la diffusion de l'ethos curial - et comme on voit, faire admirer cet ethos est un nouveau cas d'effet essentiellement secondaire. Sauf qu'il touche moins les règles de l'ambition, auxquelles Elias s'est attaché, que la fabrique de l'amour, et la façon d'y impliquer les femmes comme autant d'acteurs nécessaires, sans laisser donc en rien le sentiment et la passion perturber l'ordre désiré par le roi.


1Le coup d'envoi a été donné par William R. Jankowiak et Edward F. Fischer , "A Cross-Cultural Perspective on Romantic Love", Ethnology , 1992, 31, n° 2 , pp. 149-155. Aujourd'hui, on ne sait plus où donner de la tête.

2Lila Abu-Lugohg, Veiled Sentiments: Honor and Poetry in a Bedouin Society (2000), University of California Press.

3Norbert Elias, Das höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Sociologie des Königtums und des h¨fische Aritokratie mit einer Einleitung : Soziologie und Geschchtswissenschaft, Neuwind et Berlin, Hermann Luchterhand Verlag, Band 54 [1969] ; trad. fr. P. Kamnitzer et J. Etoré, La Société de cour, Paris, Flammarion, 2008.

4Anthony Giddens, Modernity and Self-Identity : Self and Society in Late Modern Age (1991), Stanford University Press.

5Norbert Elias, p.272.

6Norbert Elias, p.281, pp.292-293.

7Norbert Elias, p.107.

8Jon Elster, Le Laboureur et ses enfants. Deux essais sur les limites de la rationalité, trad. fr. A. Gerschenfeld, Paris, Minuit, 1987.

9La Princesse de Clèves, p.125.

10Philippe Sellier, « La Princesse de Clèves : Augustinisme et préciosité au paradis des Valois », Images de La Rochefoucauld. Actes du Tricenternaire, 1680-1980 (1984), Paris, Presses universitaires de France, pp. 217-228.

11La Princesse de Clèves, p.83-84.

12La Princesse de Clèves, p.239.

13Jean Baptiste Henri de Valincour, Lettres à la Marquise de *** sur la Princesse de Clèves (1678) ; éd. C. Montalbetti, Paris, Garnier-Flammarion, 2001.

14La Princesse de Clèves, pp.152-154.

9