L’expertise INSERM sur les psychothérapies : ses dangers, réels ou supposés [1]


Comment comprendre ce que dit l’expertise INSERM sur les psychothérapies ? A quelles sortes d’objection est-elle exposée ? Quelles sont celles qui sont fécondes, et celles qui le sont moins ? Ces questions, en les posant devant votre société, je m’efforcerai de prendre la mesure ce qui risque de changer pour la psychiatrie du « cadre », dans leur prolongement pratique. Car on n’imagine pas une telle débauche d’expertise ne pas déboucher sur un projet d’une standardisation de la prescription des psychothérapies (sur le mode, encore futuriste, mais plus du tout impossible, d’une conférence de consensus ou d’un guide des bonnes pratiques, comme déjà, à l’instigation de l’ANAES, sur la dépression).

            Mais je voudrais également ouvrir deux perspectives plus marginales, à partir de cette réflexion ; l’une touchant le statut du psychisme, ou de la subjectivité, laquelle serait menacée d’une altération profonde sous ce qu’on présente de façon apocalyptique comme les coups de boutoir du scientisme en psychiatrie (neurosciences, classifications statistiques, psychométrie généralisée, méthodes biologiques, TCC, etc.) ; l’autre, de ton également optimiste, sur les prétendus risques que courraient les démarches cliniques habituelles dans le contexte social et intellectuel présent.

            Je travaillerai en essayant de faire valoir un certain d’arguments et aussi de paradoxes, en espérant éclairer les enjeux différemment (plutôt en philosophe des sciences).

 

Il s’est dit en effet tellement de choses fausses sur cette expertise, qu’on ne sait plus si on doit s’attaquer à son contenu ou aux déformations diverses et diversement intéressées de sa réception. Je ne suis pas sociologue, aussi vais-je m’intéresser quand même à son contenu, pour autant que j’y ai compris quelque chose.

En tous cas, il y a trois idées que je récuse :

  1. L’idée que l’appréciation scientifique de ce qui est en cause dans les psychothérapies serait en soi un attentat scandaleux contre le « sujet », et que rien de ce registre ne doit être évaluable. Car il est faux que le psychanalyste le plus subjectiviste et le plus anti-scientiste du monde ne se serve jamais du mot « mieux » pour parler de ses « patients » en « cure ». Et il est faux qu’il ne change pas, avec « l’expérience », de critères pour évaluer ce qui va effectivement mieux ou pas. Ce n’est rien concéder au discours dominant, c’est tout simplement permettre à son propre acte de s’effectuer en obéissant à des normes de pertinence, voire le justifier devant des pairs. Or on ne voit absolument pas pourquoi ce « mieux » serait a priori indépendant de toute mesure, quelle qu’elle soit.
  2. L’idée qu’il serait non-éthique de se livrer à une démarche d’évaluation, ou plus finement, que les procédés d’évaluation en eux-mêmes (comme l’usage des files d’attente comme équivalent du placebo) seraient non-éthiques. En effet la preuve qu’il serait plus éthique de ne rien évaluer du tout repose, dans les versions que j’ai lues, sur un cercle logique : c’est parce qu’on ne doit pas « évaluer le sujet » qu’il faudrait s’abstenir. Or, l’idée qu’on ne doit pas évaluer le sujet implique déjà une définition de la cible ultime des psychothérapies, laquelle confère automatiquement la supériorité aux thérapies psychodynamiques (TP) : non pour des raisons empiriques, mais par définition, puisqu’elles sont seules à s’occuper du sujet. Donc l’argument de l’éthique n’est valide que comme conséquence dérivée d’un premier argument caché, mais lui, tout à fait non-éthique : seules les TP sont de « vraies » psychothérapies, et les TCC, par exemple, des techniques de conditionnement vaguement « vétérinaires » (comme dit quelque part Winnicott). Si on refuse d’entrer dans ce cercle (éthique, donc sujet, donc validité spécifique des TP, donc sujet, donc éthique), le problème reste entier. Et qu’est-ce qui prouve, d’ailleurs, non de façon éthique, mais empirique, que les TP ne sont pas supérieures aux autres, au moins dans certains cas ? Avec l’argument éthique, on se prive de cette hypothèse, qui a pourtant ses atouts.
  3. L’idée qu’il y aurait une contradiction dans l’expertise, laquelle commence dans la « synthèse » (presque le seul texte qu’on cite) par autolimiter sévèrement la portée de ses conclusions, mais qui ensuite affirme la supériorité moyenne globale des TCC sur les TP dans la littérature. Or, autolimitation n’est pas autodestruction ! La différence est d’autant plus sensible que pour les auteurs de l’expertise, une revue de la littérature existante n’est évidemment pas un réexamen empirique des données sur lesquelles elle se fondait (ce qu’est une méta-analyse idéale). Or ces autolimitations sont pour une part capitale liée à cette distinction : on peut à la fois dire que dans l’état actuel des travaux on a le résultat A, mais que la méthodologie de ces travaux, une fois qu’on en a un panorama relativement exhaustif, pourrait être améliorée, et éventuellement nous faire demain conclure B. De plus, la « synthèse » ne reflète pas vraiment bien le corps de l’expertise ; quand on lit la section consacrée aux TP, on serait plutôt porté à leur reconnaître une efficacité objective supérieure à celle finalement retenue (l’auteur de cette section, J.-M. Thurin, s’en est d’ailleurs offusqué et n’hésite pas à s’interroger sur ce qu’on a fait de sa contribution). Il est donc plus utile de saisir les raisons de détail de la réécriture anti-TP de la « synthèse », que de rechercher à bon marché des autoréfutations globales. Tout se passe en effet comme si même au sein de la communauté de la psychopathologie quantitative, il n’y avait pas débat. C’est faux.

 

Ceci posé, je voudrais revenir sur trois paradoxes (ma liste n’est pas exhaustive, mais ils n’ont pas été mis à mon avis suffisamment mis en valeur dans la polémique) :

 

Paradoxe 1 : S’il faut une enquête si détaillée, c’est que la différence globale entre TP et TCC est statistiquement si petite, que dans le cas individuel, avec la comorbidité et le reste, on serait bien en peine de dire qui devrait se voir prescrire quoi. Il est donc faux d’affirmer, comme on l’a lu, que l’expertise INSERM conclut brutalement à l’inefficacité des TP et à la seule utilité des TCC. De fait, les écarts observés n’ont en valeur absolue comme en valeur relative strictement rien à voir avec ceux qu’on observe avec des antibiotiques ou des anticancéreux (comparés, par exemple et au hasard, à des pilules en sucre remboursées par la sécurité sociale). Elle est même si petite, qu’elle semble largement dépendante du mode de définition des pathologies soumises à traitement [2] .

 

Ce paradoxe a une importance pratique : la tâche du clinicien va devenir de plus en plus compliquée. En effet, il risque d’être pris entre deux feux. A droite, on va exiger de lui qu’il se conforme aux bonnes pratiques devant certaines pathologies, à gauche, on va lui rappeler qu’il ne soigne pas des maladies mais des malades, que la co-morbidité est la règle, et que les études dont il dispose portent sur des entités pures qui ne l’éclairent pas vraiment. D’ailleurs, on devrait aussi se pencher sur les alternatives à l’approche catégorielle, prévues dans le prochain DSM5, alternatives dont l’examen critique n’a rien à voir avec la lassante dénonciation du « scientisme » du DSM, et qui sont des alternatives épistémologiques. Car outre la comorbidité, il y a tout le problème des gens qui tombent « entre » deux catégories. La tendance est donc de plus en plus à une approche dimensionnelle. De plus, on devrait voir, suite à cette expertise, et précisément parce qu’elle ne dit pas n’importe quoi, se développer de nouvelles études « naturalistes », plus respectueuses des réalités quotidiennes, études qui, on l’oublie, précèdent souvent les études « contrôlées ». Il serait donc dommage que le discours anti-scientifique en matière de psychothérapie l’emporte, et que de tels travaux soient considérés comme des scandales, sans qu’on comprenne ni ce qui les motive, ni le genre de réel fort instructif sur quoi ils butent, ni comment ils parviennent à circonvenir leurs biais.

On n’a donc pas fini de voir des expertises sur les psychothérapies.

 

Paradoxe 2. Pourquoi la différence finale est-elle si petite? Pour une première raison, peut-être : c’est qu’il y a une illusion psychométrique au principe de toutes ces évaluations.

 

L’idée qu’on puisse évaluer la culpabilité, l’insomnie, la difficulté relationnelle et la chute de la libido, puis opérationnaliser ces mesures avec des scores sur des échelles, me paraît non pas absurde, mais nécessairement limitée, et faussement précise. C’est pourtant là l’hypothèse d’une convergence de facteurs causaux à l’œuvre dans les questionnaires. En effet, semble-t-il, on ne prend pas en compte les effets de composition logique (où chaque item est une raison des autres) et leur renforcement réciproque : la culpabilité déprimante de ne pas avoir encore réussi à dormir et donc de compromettre ses relations avec sa femme coupant toute envie sexuelle, voilà un tout dont la masse psychologique globale excède par principe sa définition comme : telle mesure de culpabilité + telle mesure de l’insomnie + tel nombre d’échecs érectiles + tel score d’anxiété, etc.

Or nos jugements cliniques naïfs (mais pas si naïfs) tiennent spontanément compte de ces effets holistiques. Bien des TP sont sensibles, exemple rebattu mais frappant, au fait que la disparition de certains symptômes reflète plutôt leur transformation dans un tout. Quand l’obsédé vieillissant est devenu évitant et a encore rétréci ses investissements d’un cran, en quoi la chute du nombre d’épisodes anxieux est-elle signe de mieux-être ? Néanmoins, elle se mesure. Cet argument, ou un équivalent un peu plus faible, est en général considéré comme valide : en psychologie sociale, par exemple, il a mené à l’abandon de protocoles de recherche entiers. Mais en psychopathologie quantitative, tout se passe comme si on n’en avait jamais entendu parler. L’opérationnalisation aboutit à récuser tout ce qui met en cause le concept d’une cohérence mentale. Or, si on allait jusqu’au bout, on devrait considérer l’inaptitude de certaines méthodes de quantification des progrès thérapeutiques d’un patient à coïncider avec nos intuitions ordinaires, non comme des preuves que ces intuitions (à la base des TP) sont fausses ou pré-scientifiques, mais au contraire comme la preuve que les théories quantitatives objectivées du mental sont erronées ou structurellement lacunaires ! Ce serait aller un peu trop loin, en niant qu’il existe des régularité naturelles (par exemple de l’affectivité) relativement stables quels que soient les réseaux de motifs et de raisons entrecroisées où elles émergent. Entre les deux, en tout cas, la discussion ne peut pas donner a priori la palme à la méthode la plus objectiviste ou la plus fiable statistiquement : car c’est à un méta-niveau qu’il faut décider de la plausibilité relative de l’objectivation statistique, en fonction des faits mentaux en cause. Mais cette discussion-là se fait par concepts, non par chiffres.

On comprend pourquoi douter des preuves psychométriques de la supériorité d’une thérapie (TP ou TCC) : surtout si les écarts sont faibles, on peut légitimement demander quel rôle joue la méthodologie de la mesure elle-même. Notez bien que ceci n’est pas une critique de la quantification en tant que telle ni une dénonciation du scientisme en général ; c’est une question conceptuelle sur ce qui norme l’usage légitime et rationnel d’une méthode. C’est une indication, également, de la différence entre la mesure du mental et la mesure du biologique : les contours des processus sont plus difficiles à fixer dans le psychique que dans le vivant.

En tout cas, il n’est pas exclu que la prétendue naïveté du jugement clinique (qu’on reproche parfois aux psychiatres du « cadre », par opposition aux entretiens dirigés en vigueur dans les hôpitaux universitaires) soit, en fin de compte, une norme supérieure pour la clinique. Certes, les cliniciens traditionnels ne savent pas forcément pourquoi ils font ce qu’ils font. Mais cette ignorance au niveau du savoir explicite témoigne en même temps d’un savoir-faire que le curieux succès des psychothérapies les plus informelles met avec force en avant. Parce qu’après tout, elles sont peut-être moins efficaces, mais pas inefficaces. C’est troublant.

 

Paradoxe 3. L’expertise INSERM fait partout l’hypothèse implicite que TP et TCC sont des méthodes réellement indépendantes. Car si c’étaient deux manières de décrire les mêmes processus, on ne pourrait pas les comparer statistiquement (pensez au « freudien » et au « beckien » non comme deux techniques distinctes de manipulation de la chose mentale, mais comme deux idiomes plus ou moins traduisibles l’un dans l’autre).

 

Or, est-ce établi ? Les postulats athéoriques et parfois platement pragmatiques des stricts comportementalistes excluent par principe la possibilité que les processus causaux sous-jacents dans les TC ou les TP soient les mêmes. De même, les postulats humanistes de nombre de praticiens des TP minorent d’avance tout ce qui dans la guérison pourrait n’être qu’effets non-spécifiques (du reconditionnement, par exemple). Mais franchement, entre le patient à qui, au cours d’une séance de relaxation, on demande de visualiser mentalement des scènes d’angoisse et d’en parler sans y céder (une technique de désensitivation banale avec les TOC), et l’analysant allongé sur un moelleux divan, associant librement et se confrontant à sa résistance en tentant de symboliser une obsession sous transfert, où passe la différence réelle ? [3] La chose se corse quand de plus en plus de praticiens des TCC exploitent des procédés typiques des TP : par exemple, ils sollicitent les patients pour qu’ils se considèrent comme des « chercheurs associés », des experts de leur maladie, qu’ils se documentent, etc. (Les psychanalystes ne sont donc plus les seuls à fournir des grilles d’auto-interprétation à leurs patients.) Or, bien malin qui peut opérationnaliser un tel facteur, quand consentir à une évaluation permanente devient un des ingrédients de la qualité de la relation thérapeutique avec le médecin cognitiviste...

En soulignant ces paradoxes, je tente de comprendre pourquoi l’expertise INSERM n’arrive pas à cerner exactement la teneur du différentiel TP/TCC. Il se pourrait que la seule chose qu’on puisse faire, soit d’énumérer les obstacles constitutifs à une caractérisation de ce différentiel (voire d’empêcher qu’on en parle comme d’une chose clairement définissable). Je ne vois pas, en plus, en quoi se contenter de cela serait moins scientifique. Leçon en tout cas pour le prescripteur de psychothérapie : s’il fait correctement son travail clinique, et s’il suit son intuition bien cultivée, il ne risque guère de se tromper gravement.

Plus rassurant, je n’ai pas trouvé.

 

Je conclus sur une autre question vive. Je me suis efforcé de ne jamais entrer dans ce débat spécieux du « sujet » contre la « science ». Au contraire, je pense qu’il y a des raisons épistémologiques de critiquer et de rendre hommage à l’expertise INSERM sans l’accabler de défauts imaginaires, éthiques ou autres, et cette critique est très complexe. Car les polémiques ont fait remonter à la surface un serpent de mer qu’il est temps peut-être de trucider, même si cela déborde la problématique de la prescription. Ce serpent, c’est l’idée que « derrière » cette expertise, c’est le statut du sujet psychique qui serait en cause, et qu’« on » s’efforcerait de le neurobiologiser pour l’exclure. Je crois que cette idée, qui sert à susciter des effets de groupe, repose trop souvent sur un pur sophisme. Ce sophisme est le suivant : si les TP ont de l’effet, c’est parce que cet effet révèle la véritable cause des troubles psychopathologiques, et que la chaîne causale qui a créé le symptôme est remontée et systématiquement inversée. Or comme l’opération interprétative du psychanalyste est d’ordre verbal et psychique, la disparition du symptôme prouverait la nature ultimement psychique et verbale de la cause du symptôme. La théorie du refoulement, chez Freud, prend souvent cette forme : elle lie hypothèse étiologique et action clinique et les rend mutuellement indissociables [4] . Or, je ferais remarquer ceci : rien ne prouve que l’effet  matériel d’une psychothérapie (TP ou TCC, d’ailleurs) doive remonter à « la » cause du symptôme pour le guérir. On peut aussi imaginer que d’autres structures sont créées par l’intervention, que le trouble fonctionnel initial n’est pas vraiment atteint, mais que d’autres possibilités s’ouvrent qui dispensent d’y recourir, et d’en subir le dysfonctionnement.

Pourquoi craindre des découvertes neurobiologiques sur l’autisme ? La trisomie 21 est un trouble génétique. Pour autant, cesse-t-on de parler aux trisomiques ? Cesse-t-on d’enrichir leur socialisation, y compris sexuelle ? Mutatis mutandis, je ne vois pas de raison à ce qu’on cesse de psychanalyser les autistes et leurs familles, même si une composante génétique forte est demain prouvée. Bien au contraire, l’exigence d’une telle prise en charge ne pourra que croître, puisque malgré ce défaut génétique, on se trouvera toujours devant des enfants capables d’échanges incroyablement sophistiqués. Ce qu’on perdra donc, ce n’est pas la pratique clinique ; c’est l’idée que telle pratique clinique est la bonne à cause de son appendice étiologique (par exemple, les théories de l’attitude inconsciente de la mère, par exemple, qui serait « cause » de l’autisme au même sens que telle lésion de tel chromosome).

Le souci du sujet ne peut donc pas disparaître du fait de découvertes en psychiatrie biologique. Ce n’est tout simplement pas possible, sauf à ne pas saisir que la référence au sujet est immanente à nos interactions ordinaires. En revanche, ce qui risque de disparaître, ce sont les théories du sujet quand ne voient pas qu’elles font, et mal, le travail des explications scientifiques, et qu’elles ne sont, je pèse mes mots, qu’un cognitivisme pour littéraire, rêvant de déterminisme « du signifiant » au même sens que celui des neuropsychologues, pour jouer le même rôle de vérité positive. Ce que je crains, c’est donc qu’on instrumentalise la légitime sauvegarde d’un « sujet » en médecine mentale comme moyen d’imposer subrepticement des théories du sujet aveugles à leur scientisme, ou le déniant. Or « l’ordinaire », et notamment l’immanence à la langue de cette notion de sujet, peut être fort compliquée à élucider.

De ce point de vue, je trouve que la psychiatrie du cadre, qui a tant d’années construit le noyau de la clinique française, a peut-être prématurément renoncé à rivaliser avec la psychiatrie universitaire (qui s’inscrit toute, et heureusement, dans la médecine expérimentale et biostatistique). Sans nier les contraintes sociales qui s’exercent avec une force évidente, je ne crois pas que la pratique quotidienne de la folie soit condamnée à n’avoir pour débouché qu’un discours sur la place du fou dans la société. Au contraire, une ambition vraiment intellectuelle, et pas uniquement militante, de cette pratique traditionnelle, reste souhaitable. La réflexion sur la psychothérapie, à cet égard, et sur les raisons de prescrire telle ou telle, devrait perdre son allure de bricolage institutionnel en situation de pénurie, et donner lieu à un discours argumentatif serré. Car si on dépouille le psychiatre du cadre même de ce savoir spécial qu’est son savoir-faire clinique, appuyé sur une tradition et une culture, au profit d’un encadrement standardisé de la prise en charge, scientifiquement objectivé par des statistiques, que lui restera-t-il ?

 



[1] Version allégée d’une conférence au Congrès de Dijon 2003 de la Société de l'Information Psychiatrique. Merci à Jean-Claude  Penochet pour ses commentaires ; plusieurs éléments ici discutés sont le fruit de mes échanges avec Philippe Cialdella et Jean-Michel Thurin. Ce texte est un version de travail d'un article à paraître dans L'information psychiatrique.

[2] Je pense en outre que la polarisation du débat entre TP et TCC au détriment du troisième larron, les approches familiales-systémiques (TFS), est justifiée. Car les TFS examinées se revendiquent de méthodologies réductibles à des modèles psychodynamiques ou cognitivo-comportementales, ou d’un mélange des deux. 

[3] Daniel Widlöcher avait déjà fait cette observation.

[4] La place manque pour les nuances. Je ne vise qu’une vulgate théorique, et ne porte pas de jugement dépréciatif sur les pratiques et les résultats de ceux qui s’en contentent.