La
nature humaine : usages d’un concept philosophique chez Winnicott
(Exposé à une journée
scientifique consacrée à La nature
humaine, de Winnicott, par le département de sciences humaines
cliniques de Paris 7 en octobre 2004).
Il
existe en philosophie, sans qu’il vaille la peine de faire plus que la
mentionner, je crois, tellement elle est en soi problématique, une distinction traditionnelle
entre l’essence de l’homme, la nature humaine, et la condition humaine (l’épistémologie
récente y ajoute les questions relatives à l’homme des sciences de l’homme, qui
recoupent difficilement celles traitées dans le schéma classique)[1] .
C’est
donc un problème recevable que de savoir si la référence à la « nature
humaine » est ou a toujours été implicite dans ce que la psychanalyse
dit de l’être humain, si, par suite, la psychanalyse s’inscrit dans l’histoire
de ce concept, et si elle en subit
qu’elle le veuille et le sache ou pas, les conséquences (du point de vue de
sa construction argumentative). Réciproquement, on peut aussi se demander
légitimement si c’est juste une version
particulière de la psychanalyse (ici, celle de Winnicott) qui a besoin de
ce concept pour se déployer systématiquement. On pourrait imaginer d’autres
versions de la psychanalyse s’appuyant sur l’idée de condition humaine, ou
de l’homme des sciences de l’homme, ou des versions essentialistes. Mais du
même coup, rien non plus n’empêche de se demander si ce ne serait pas plutôt
une impasse foncière que de recourir si peu que ce soit à une notion philosophique
pour systématiser les apports psychanalytiques (à supposer, bien sûr, que
la dite notion philosophique de nature humaine ne soit pas plus forte et rusée
que les espoirs naïfs de faire sans !).
Convoqué
comme philosophe et psychanalyste, je sais bien pourtant qu’on s’intéresse plus
à ce que je pourrais apporter sur la dimension philosophique de la nature
humaine qu’à mes réflexions sur la teneur proprement psychanalytique du livre
de Winnicott, et donc, je sacrifie mon intérêt pour cette dernière à la
caractérisation de ce que Winnicott met en cause dans son titre, Human Nature[2] .
Il est assez facile, en effet, de retrouver dans ce livre
une tension entre deux acceptions opposées et pourtant éminemment intuitives chacune
de ce qu’on pourrait appeler « nature humaine », acceptions qui sont
en fait des véritables filets conceptuels jetés sur les phénomènes, et qui ont
la propriété frappante (c’est bien pour cela que la tradition savante les a
privilégié) de ramener sur le sable plus encore de poissons qu’on n’aurait
d’abord supposé.
Soit celle, pour d’abord camper
Outre-manche avec un auteur qu’aucun Britannique cultivé n’aurait pu ignorer,
défendue par Hume dans le Treatise on Human Nature. Elle a trois éléments essentiels: a) rien
n’est inné (pas d’âme, ni d’intellectualisme, comme il est acquis depuis Locke,
avec l’inflexion supplémentaire d’un athéisme au moins méthodologique) ; b)
les valeurs sont des projections de notre esprit (y compris la vérité, la causalité,
la finalité, la liberté et les valeurs morales), esprit dont le cœur est la
puissance de l’imagination à créer de nouveaux ordres de relation entre idées ;
c) les régularités expérientielles de l’habitude, donc l’apprentissage, font
tout le tissu changeant de notre vie. Hume est anti-métaphysique, sceptique,
nominaliste. Posée comme moderne, cette acception de la nature humaine s’oppose
à celle d’Aristote, qui s’interroge sur ce qu’est l’homme « par
nature ». S’il y a une nature de l’homme, c’est ainsi en conséquence du
sens qu’on donne au terme nature, qui est au fond un opérateur théorique chez
Aristote au moins autant qu’un thème d’enquête. Car, a) la nature est en toutes
choses un principe interne de croissance et de développement organisé; b) le
mouvement naturant est engendré entre des contraires (du précoce au mûr, du
malade au sain ) ; c) il faut donc distinguer forme, matière et simple
privation de forme (ce que Platon ne fait pas, la privation de forme renvoie à
l’informe et l’informe à la matière), pour penser le dynamisme propre de la
trans-formation d’une substance laquelle reste elle-même en évoluant vers ses
propres fins ; d) corrélativement, le concept même de nature implique
qu’il y ait des passages impossibles d’un être à l’autre, aucune méta-morphose d’une substance en une autre différente, ce
qui fait du « passage » de rien à quelque chose, ou de quelque chose
à rien (genèse et corruption) un problème entièrement original. On voit ainsi
que les définitions de l’homme (animal parlant, animal politique, être qui
désire naturellement savoir, etc.) sont aussi bien des conséquences que des
prémisses de ce maître-concept de nature, le vivant
qu’est l’homme, à la fois corps et esprit, offrant une source d’exemples
innombrables à cette dynamique finalisée de l’actualisation de la vie-puissance, de seuil en seuil, jusqu’à l’âme et
l’intellect. L’idée même de développement et d’éducation (paidéia)
de « stade » en « stade » fait toucher cela du doigt. Aristote
est donc métaphysique, dogmatico-théologique (dans
ses lectures chrétiennes), holiste.
Du
coup, on se prend à rêver, malgré les signaux contraires qu’envoie la
radicalisation philosophique de leurs analyses, à une frange d’intuitions
communes entre les visions à la Hume de la nature humaine (athée, anti-finaliste)
et celles imprégnées d’Aristote (Dieu ou un équivalent est un principe d’ordre,
finaliste), dans l’idée que l’un et l’autre cernent quelque chose de la
puissance immanente du développement de la vie, avec un sens aigu de la
créativité et de l’accomplissement. A mon avis, et ce serait là un bon motif de
la référence de Winnicott à la nature humaine, le concept de self (i.e.
de ME/not-ME) chez Winnicott est au carrefour de ces
soucis. C’est en effet un concept qui se situe délibérément au-delà de la
tripartition freudienne moi/surmoi/ça. Pour la soutenir, il est bon ainsi de ne
pas perdre de vue l’équivalence logico-grammaticale
qui unit le thème de la nature (au sens final) et celui du soi :
« naturellement », c’est « de soi-même » (sponte sua). Le soi est un horizon
intrinsèque de la pensée d’Aristote jusqu’au paradoxe suprême (divin ou gödélien, comme on voudra) du « moteur qui se meut soi-même »
(et meut le reste). Il est extraordinairement délicat de penser la vie et son
articulation à l’esprit en économisant l’idée que la vie est automotrice, et
que la réflexion spirituelle n’est que la forme consciente, abstraite, de cette
autoposition : un self jaillissant d’une spontanéité autonome. La véritable
difficulté, à cet égard, est de savoir si l’on peut réellement aller plus loin
que la tripartition freudienne, ou si tout effort de la dépasser aboutit à en décomposer
à nouveau le résultat en ces vieilles instances, en vérifiant juste leur indépassabilité (self est alors soit un mot vide,
soit une régression théorique au pré-freudien).
Il
est facile de repérer chez Winnicott ces philosophèmes au travail. D’un certain
point de vue, ce n’est pas tellement étonnant : l’ambiance intellectuelle
britannique de l’époque, du moins chez les post-wittgensteiniens (Anscombe, Austin, etc.), est aussi à la recherche d’une pensée
non-dogmatique (i.e
non-positiviste) du soi et surtout du réel ;
on relit à cette fin Hume et Aristote. Winnicott pose d’ailleurs bien des questions
dont il ignore peut-être l’importance pour les philosophes dits du
« langage ordinaire »[3] . En même temps, on reconnaît
chez lui la force de la tradition psychologique et philosophique
britannique : l’importance de la notion de feeling, mais aussi l’attention
à l’histoire comme source d’assurance empirique, au common
sense et à l’enracinement pratique des théories.
Par commodité, essayons de ranger en tableau les
« emprunts », ou « influences » les plus notables aux deux philosophes.
Du
côté aristotélicien :
Du
côté humien :
Jusqu’à
quel point ces différents versions de la nature humaine sont–elles compatibles,
voire se corrigent l’une l’autre en respectant un espace d’intuitions
psychologiques mieux parcouru par un regard psychanalytique ? Ce n’est pas
clair. L’équilibre que vise Winnicott paraît être celui des exigences du
développement finalisé (la psychogenèse infantile), mais sans rien sacrifier de
la possibilité permanente d’une créativité imaginaire radicale, laquelle
n’arrive cependant pas à la fin, mais scande chaque étape du développement, un
peu comme si à chaque étape, la suivante était inouïe. Tout cela aboutit à des
effets d’inversion de la plus commune des rhétoriques freudiennes, dont les formules
séduisantes structurent la logique de développement de la nature humaine vers
le self.
Ainsi,
pour Winnicott, l’angoisse de castration est-elle « bienvenue »[10] , et n’est plus cette agonie impuissante dans le prégénital à quoi
on la réduit, car elle permet de continuer à vivre, et même que de continuer à
faire vivre le père dans le symbole[11] . L’introduction d’une telle continuité à la
fois théorique et psychologique au sujet ce qu’on invoque souvent comme un
critère pour séparer psychose et névrose se prolonge alors dans une nouvelle attention
au devenir-réel du self dans la psychose.
C’est là tout autre chose que la problématique de la prise de conscience du self
névrotique, parce qu’elle fonde en droit la fameuse (et contestée) technique de
la régression extrême, et l’appuie sur l’architecture téléologique intrinsèque
de la psychogenèse. Pour que ce ne soit pas une pure manipulation de
l’imaginaire, il faut en effet cette architecture sous-jacente qui n’est
pas la simple formalisation d’une pratique empirique, mais la constitution de
l’expérimentable humain même, livrant ses formes authentiques dans la
conceptualité psychanalytique (et justement : une conceptualité
entièrement dépendante, à mon avis, d’une notion philosophique de la
nature humaine). De là découle également, d’ailleurs, l’équation corrélative thérapeute
= mère (étayée, si j’ose dire, sur le holding réel), laquelle, sans ce
concept développé de nature humaine, aboutirait à une réduction du
contre-transfert au maternage. Mais du coup aussi, la position dépressive
apparaît comme la clé de voûte de la nature humaine selon Winnicott[12] . Et l’on comprend mieux chez Winnicott que
chez Melanie Klein pourquoi ce n’est pas un stade (plus exactement, une
anticipation présente dès l’origine du « dernier stade », celui de
l’intégration phallique-génitale terminale) :
c’est en effet, littéralement, un organisateur téléologique (dont l’action est
en soi interminable[13] ) qui ne raconte pas la psychogenèse des
conflits moi/ça/surmoi, mais qui dit d’avance le mot de la fin : le self
intégré[14] . Parfaitement conscient de cette fonction
d’opérateur téléologique de la position dépressive, Winnicott en vient même à
reprocher à Melanie Klein d’avoir supposé cette dépression structurale comme un
épisode historique réel, i.e. cliniquement datable, chez tous les
enfants[15] .
On
voit donc chez Winnicott les contraintes conceptuelles de la psychogenèse se
déployer dans leur environnement spéculatif et métaphysique
« naturel » : une idée néo-aristotélicienne du développement
actualisant des puissances, une vision du changement déterminé entre des
contraires (et non d’un conflit entre aspirations contradictoires), que tempèrent
des postures anti-métaphysiques plus humiennes, donnant le primat à la vie concrète
et imaginative de l’esprit, non à des achèvements intellectuels ou
« intellectifs », et du moins en tendance, à une vision relationnelle
de la vie sensible.
Bien
des difficultés subsistent, néanmoins, et si je les mentionne, c’est pas pour
redire de façon plus philosophique ce qu’on pourrait aussi bien déduire des
concepts et des pratiques psychanalytiques de Winnicott ; c’est pour
souligner la dépendance de ces difficultés à l’égard d’une tension dans le
concept philosophique de nature humaine auquel il a recours.
C’est
qu’il est difficile d’être post-kleinien.
Car
même la version non-spéculative,
anti-métaphysique et psychologisante que Melanie Klein fournit de la pulsion de
mort, et qui parfois semble déchoir à n’être plus qu’une forme archaïque
d’agressivité, c’est encore trop pour l’édifice de la nature humaine winnicotienne. Tout est mis au compte de la pulsion d’amour
primaire, au point que l’agressivité est désignée de façon toute négative :
c’est le « sans-pitié » qui précède le
souci comme son contraire[16] ; de même, Winnicott préfère parler de
désintégration plutôt que de non-intégration[17] . A ces indices, et si l’on accepte de reconnaître
au travail chez lui une vraie grammaire logique des concepts psychanalytiques,
cette logique demeure celle du rapport de la privation à la forme, quelque
chose de l’altérité radicale est sans cesse esquivé. On
ne sera donc pas surpris que cette logique de la forme et de la privation de
forme (à substrat matériel identique) se retrouve au lieu où on
l’attendait : l’asymétrie entre les sexes, bouteille à l’encre de la
physiologie chez Aristote (où la femme est comme privée de la forme
complètement développée qui constitue l’homme, et où elle fournit à l’embryon
la seule matière, le mâle apportant la forme). L’enfant mâle doit donc bien
avoir, pour Winnicott, un équivalent de la sensation vaginale[18] , au-delà de ce qu’il s’en représente via
la culture ou les autres pulsions orificielles,
si on doit arriver à un accomplissement génital du self. Car l’en priver,
ce serait faire de lui un être génériquement différent de la fille. Du coup, le
phallus est un symbole de l’individualité vivante, mais surtout pas de l’altérité
des sexes (conformément à ce que Lacan pointe avec insistance, la dimension de
recouvrement impossible associé au phallus). Mais ce qu’on gagne ainsi en
cohérence d’un côté, on le perd d’un autre. Car tout de même, la castration pose
problème. C’est « l’anormal qui fait apparaître le normal », note
Winnicott[19] . Cet énoncé n’est pas compatible avec aucune
idée téléologique de la nature humaine. Et de fil en aiguille, on s’aperçoit
que le self est agité par des contingences auxquelles son développement
interne ne le prépare en rien, tant il est difficile de plonger harmonieusement
la nature humaine dans la nature tout court... Tout se
passe comme si au-delà de la différence des sexes, au cœur même du dispositif
ME/not-ME, c’était le réel en général qui n’était pas
fait pour l’homme (pour lui plaire). Et Winnicott, parfois, d’hésiter : y
a-t-il développement et intégration parce que rétrospectivement on constate
qu’il y en a eu (du moins, en termes aristotéliciens, « la plupart du
temps » : ôs épi to polu) ? On peut ainsi comprimer le mauvais objet
kleinien dans un schéma, où il serait comme apprivoisé dans un rôle fonctionnel
(« servir » d’autre)[20] . Mais c’est purement verbal. C’est comme
dire que « le rassemblement du self constitue un acte d’hostilité envers
le not-ME »[21] . On ne demande pas mieux, mais cette
constitution n’est pas un processus, c’est une définition. Et je crois que si
les conséquences cliniques s’en font directement sentir, c’est évidemment dans l’étude
du stade anal : c’est le problème du persécutoire-paranoïaque
qui ne s’évacue pas, justement, mais qui insiste, mettant en échec sa prétendue
fonctionnalisation-inclusion dans le développement du
self[22] .
Tout
cela est finalement assez facile à retrouver, comme une ambiance théorique
globale de Human Nature, qui a
cependant l’avantage de mettre dans une lumière plus crue ce qu’on est tenté
ailleurs de verser au mérite des « bonnes intentions » de Winnicott,
ou de traits plus ou moins attachants de sa personnalité et de son humanité, si
connues. Plus intéressant, peut-être, est le point d’inconciliabilité
terminale des deux notions de nature humaine qu’il s’efforce, explicitement ou
pas, en tout cas porté par la puissance organisatrice de leurs deux schèmes
rationnels, d’accorder à sa clinique du développement de l’enfant et de l’être
humain. Car Hume ne se marie pas bien avec Aristote sur un point crucial, et
Winnicott vire à la fin à l’idéalisme subjectiviste dont l’empiriste
britannique est sans doute l’introducteur majeur dans la tradition
philosophique, quels que soient les analyses exemplaires qu’il a consacré à la
nature relationnelle de la sensation : « Le narcissisme primaire, ou
bien le stade qui précède l’acceptation du fait de l’environnement, est le seul
état à partir duquel l’environnement peut être créé »[23] . Formule, à mon sens typique, car il se
confirme là que la présence de l’Autre (serait-ce l’étayage maternel
originaire, l’espace Autre de la fantaisie), celle de l’Autre en tant qu’Autre,
finit par disparaître. Le self, point ultime d’intégration, était donc présent
au départ comme exclusif de l’Autre, et Winnicott ne tire rien de la
merveilleuse ambiguïté humienne, qui déporte sans cesse la fantaisie et le
pouvoir du sensible (référence subjectiviste s’il en est) vers une vie qui
excentre l’esprit, l’arrache tendanciellement à sa pétrification en un
« moi » (qui n’existe pas, sauf le temps de l’illusion qu’il existe),
et qui voue cet esprit sentant et imaginant à des rencontres sans finalités ni
normes prédéfinies. Winnicott, en somme, ne va pas jusqu’au bout de la logique
de la relation qu’il avait pourtant très bien étendue (au-delà de la fantaisie
humienne, dans ses enracinements psycho-corporels). Le
cercle au contraire se boucle : la pulsion d’amour primaire remplace dans
ses effets la pulsion de mort kleinienne, et le narcissisme primaire, qui en
est le point de départ, déréalise toute négativité qui contaminerait à la
source la pulsion d’amour primaire. C’est ce cercle qui est le cercle ultime de
la nature humaine chez Winnicott. C’est également lui qui permet de mesurer les
enjeux de la position de Lacan, notamment quand Winnicott bute sur l’énigme du
passage originaire du narcissisme primordial à la relation d’objet[24] . Le paradoxe, c’est néanmoins le sentiment un
peu gênant que le sens du mal comme tel a ici été entièrement métabolisé par un
sens aigu, chez Winnicott, de la souffrance psychique. C’est d’ailleurs une
difficulté profonde : si on attache au mal et au négatif des prédicats
d’altérité extrêmes (le réel comme « impossible », etc.), on peut
raisonnablement se demander comment on pourrait bien en pâtir, en souffrir, et
à la fin comment une histoire de la souffrance psychique pourrait simplement
s’inscrire. Du moins la réponse n’est pas entièrement triviale. Quoi qu’il en
soit, on peut bien être idéaliste pour les problèmes qui concernent la représentation
de notre vie mentale ; cela ne change pas grand-chose. En revanche, à mon
avis, cela change quelque chose pour ceux du réel, auxquels nous donnons ou
tentons de donner des réponses éthiques ― en particulier si on déduit les
concepts descriptifs de la vie psychique des tâches de clarification
conceptuelle exigées par cet abord éthique de la vie psychique[25] .
[1] Très
grossièrement, à la question de l’essence de l’homme se rattachent les
questions relatives à son impermanence, qu’elle relève du paradigme divin de la
création, ou des constantes inviolables de l’espèce (Freud a ainsi, souvent,
mais pas toujours, une idée naturaliste biologisante
des faits essentiels de l’espèce humaine) ; à celle de la condition
humaine, celle de l’existence concrète, historique, de l’être humain, surtout
envisagé du point de vue de son individualité « libre » (Sartre
s’oppose ainsi à l’essentialisme).
En revanche, je
rappelle que le naturalisme au sens contemporain, celui des neurosciences, par
exemple, relève d’une question au départ distincte : il s’agit de savoir
si le modèle théorétique que les sciences naturelles offrent à la connaissance
est susceptible d’éclaircir, ou même de dissoudre, les enjeux traditionnels de
la philosophie. C’est par une extension en grande partie verbale et
opportuniste que ce naturalisme cognitiviste retrouve des motifs naturalistes
au sens traditionnel (les naturalistes actuels se servent en général de
« ponts » comme des exégèses de la causalité dans la nature, selon
Spinoza ou Hume).
[2] Je cite la traduction signée par le mystérieux
Bruno Weil, Gallimard, 1990 (abrégée NH ci-dessous).
[3] Quand il range parmi les questions cruciales
celle du sens philosophique que mot « réel » (NH 146).
[4] NH 149 : Et la santé, dans la question des
soins donnés à l’enfant, n’est pas une fin, mais un début. »
[5] NH
163 : « La norme est entre les deux extrêmes ».
[6] Quelque chose de la pensabilité
de la coupure est en cause, ici. J’ai été étonné de rencontrer là l’inverse et
le symétrique de la position de Lacan, qui, en quête d’une archéobiologie
de l’objet (a), pense le rapport au placenta qui intéresse Winnicott dans sa
perspective continuiste, au contraire, comme
« première » séparation.
[7] NH 127.
[8] NH 150.
[9] NH 87 et 150.
[10] NH 63.
[11] NH 69.
[12] NH 112.
[13] NH 157.
[14] NH 102.
[15] NH 115-116.
[16] NH 107.
[17] NH 157.
[18] NH 63.
[19] NH 71.
[20] NH 100.
[21] NH 163.
[22] NH 110.
[23] NH 169.
[24] Je le souligne parce qu’on a tendance à rapprocher
trop vite, à mon goût, « objet transitionnel » et « objet (a) » en perdant
de vue l’incompatibilité des systématiques conceptuelles sous-jacentes. Voir NH 201.
[25] A cet égard, je suis infiniment moins troublé par
les impasses réelles ou supposées de Winnicott dans ses expériences de
régression extrêmes avec divers patients, que par son aveuglement évident
devant Masud Khan.