(exposé aux journées "La psychanalyse malade de l'histoire" de l'Ecole lacanienne de psychanalyse)
Une clarification, pour commencer. « Histoire », comme on sait, a deux sens. Il y a l’histoire qui est la somme des événements advenus (res gestae), et l’histoire comme science de l’historien, dont l’objet sont ces événements et l’intelligence de leur enchaînement. Parlant d’histoire de la psychanalyse, c’est d’abord au second sens, mais pas exclusivement, on va le voir, que je prends l’expression. Ainsi, les controverses et paradoxes que je vais énumérer (sans prétention à l’exhaustivité) touchent le travail concret des historiens de la psychanalyse, tout spécialement parce que l’histoire de la psychanalyse exemplifie l’ambition de certains historiens d’offrir d’abord une critique historique de la psychanalyse, et de manière si poussée, que la critique aboutit à une destruction de l’objet même de cette histoire, qui n’aurait jamais été, depuis l’origine, qu’une forme de l’erreur, de l’illusion, de la fraude dans quoi on chavire toujours quand on refuse de se confronter aux faits — autrement dit, justement, quelque chose d’anhistorique. La thèse que je soutins, à cet égard, c’est que cette critique historique échoue par impuissance philosophique à se poser les problèmes conceptuels préliminaires. Le plus souvent, ainsi, l’historiographie critique fait semblant d’opposer des « faits » aux assertions de Freud, alors que ce qui est en cause, ce sont bien sûr les manières de les construire, puis de les intégrer dans des démonstrations historiques proprio sensu. On dira : il en va toujours ainsi ! Mais non : les « faits » qui intéressent la polémique sont ici d’une nature spéciale, puisque ces faits impliquent très souvent des explications préalables sur ce que sont les réalités psychiques, comment on les individue, comment on les rapporte, dans quelle mesure on peut, ou pas, les décontextualiser, toutes choses que l’historien doit attendre du philosophe (de la psychologie, des sciences, etc.).
Je ne propose ici aucune démonstration en forme, et je voudrais plutôt qu’on entende ces quelques pages comme un témoignage. Sans révéler plus qu’il ne faut, ce que je vais dire ici reflète les leçons que j’ai retirées de ma correspondance, parfois houleuse, avec certains protagonistes des polémiques actuelles, ainsi que mon scandale devant le traitement réservé aux travaux de plusieurs historiens et sociologues de ma génération, en France et à l’étranger — sans doute aussi ma perplexité et mon énervement devant la pauvreté des questionnements et la sottise des réponses.
J’ai aussi tenté d’aller aux extrêmes, moins donc pour dessiner une carte actuelle de ces polémiques et de ces réflexions diverses, que pour offrir une boussole, avec quatre points cardinaux, qui déterminent où qu’on se trouve des directions structurellement contraires, et sur lesquelles chacun se règle pour garder son cap. Je concentrerai donc mes remarques sur quatre grandes références du champ, l’historien des sciences Frank Sulloway, le philosophe et historien de la psychiatrie Mikkel Borch-Jacobsen, mais aussi, pour les motifs qu’on va voir, Jacques Derrida, et l’historien des religions et des mentalités Michel de Certeau.
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Comment faire dans le cadre de l’histoire des sciences l’histoire d’une non-science ? Tel est le dilemme de Frank Sulloway, dont Freud, Biologist of the Mind [1] continue d’incarner aux yeux de la communauté savante anglo-saxonne un achèvement exemplaire de l’historiographie de la psychanalyse.
Le postulat méthodologique de l’entreprise est intuitif : faire de l’histoire des sciences, c’est contribuer a posteriori à une entreprise d’objectivation. S’il n’y a pas eu d’accord sur les hypothèses, de résultats cumulés, de validation ultérieure obtenue par d’autres voies que celles prévues en théorie et logiquement indépendantes, c’est qu’il ne s’est tout simplement rien passé (scientifiquement). L’histoire de l’inconscient freudien, ainsi, doit avoir la même forme que celle du phlogistique ou des rayons N. De façon un peu plus fine, mais que Sulloway ne développe jamais, l’histoire d’une pseudoscience (seule case laissée à côté de la case « science »), s’étaie toujours sur une impasse épistémologique, qu’elle radicalise. Chez Freud, c’est ce que Sulloway a identifié comme le « psycholamarckisme » : l’idée récurrente d’une transmission héréditaire directe des caractères psychique acquis, dont la phylogenèse freudienne du refoulement est un exemple. L’historien engagé dans cette tâche a donc de son côté besoin d’un caution préalable, d’ordre épistémologique : que la psychanalyse est bien une non-science, autrement dit une pseudoscience. En 1979, quand paru la première édition, Morris Eagle et Robert Holt fournissaient cette caution. Dans la seconde édition de 1992, c’est Adolf Grünbaum. Pour un historien ordinaire, ce n’est pas anodin. C’est aussi la preuve qu’un livre comme celui de Sulloway reflète l’histoire des arguments anti-freudiens, qu’il est donc pris dans leur mouvement d’arrière-plan, et qu’en même temps, il les constitue comme des outils anhistoriques, et qu’il masque leur histoire propre dans l’histoire qu’ils permettent.
L’argument historico-critique de Sulloway est si fameux que je le rappellerai en peu de mots. Freud n’a jamais été capable de différencier le refoulement normal et le refoulement pathologique sans faire appel à des considérations biologiques. Il a au contraire lancé le mythe du caractère psychologique de la psychanalyse (déduit de son auto-analyse) en déniant ce qui est par là même devenu sa « cryptobiologie » (alimentée d’emprunts cachés à la sexologie de son temps). Il n’y a pas grand-chose à penser de ce genre d’explication grandiose de la pensée inavouée de Freud, que les distorsions innombrables qu’autorise sa transformation en axiome exégétique : dès l’instant où il n’est plus question de le remettre en cause, toutes les citations contraires deviennent des preuves du maquillage éhonté auquel Freud était forcé de se livrer pour sauvegarder la nature ultimement psychologique de la psychanalyse ; l’histoire ultérieure du mouvement analytique est entièrement réductible à la ruse sociologique et intellectuelle qu’il faut déployer pour continuer à immuniser la doctrine du fondateur contre son vice initial.
On voit ainsi pourquoi l’histoire de la psychanalyse n’est pas n’importe quelle histoire, pour Sulloway. C’est une histoire exemplaire, parce qu’elle donne à observer directement le destin historique forcé de la doctrine : les psychanalystes ne pouvaient pas faire autrement qu’héroïser l’auto-analyse de Freud comme découverte psychologique princeps de la psychanalyse (et donc faire de leur « redécouverte » psychologique personnelle des bases de la doctrine le critère d’un accès authentique à sa vérité). La psychanalyse est ainsi la seule discipline qui a voulu s’approprier son origine historique, parce que précisément, là, quelque chose devait rester caché. Ce que Sulloway propose ainsi, c’est de « construire une histoire naturelle de l’histoire elle-même » : elle se résume à l’appel, exaltant d’originalité, à inclure l’équation personnelle du chercheur et ses intérêts dans le champ de la connaissance.
Passons sur la consternante nullité de la présentation même purement scolaire de la pensée de Freud. Beaucoup plus débonnaire que moi, Michel Plon remarque juste en passant que dans cette montagne de papier (je viens hélas de nommer le souriceau dont elle accouche), le mot « transfert » apparaît une seule fois. C’est parlant, si j’ose dire, mais logique, puisque le transfert (si on y soustrait la référence à l’hypnose des sexologues d’alors, à qui Freud a tout volé), fait partie de ces arguties surajoutée qui ont contribué au mythe psychologisant de la doctrine. Mais je pense que Sulloway, avec une ironie beaucoup plus involontaire qu’il ne suppose, a fixé dans son livre une des règles pérennes de la grammaire de la réfutation anti-freudienne, en histoire et en philosophie des sciences. Je ne parle pas ici du recours en forme de clin d’œil au vocabulaire du « déni », mais d’un véritable système d’immunisation de la critique anti-freudienne contre toute critique d’aucune sorte (et pas juste psychanalytique, même épistémologique). Ce sophisme comporte cinq temps :
Conclusion générale : l’histoire est le vrai remède contre la psychanalyse, car elle est la seule à offrir « le temps qu’il faut » au triomphe de la vérité — elle est au fond une sorte de cure contre le mirage de la cure freudienne.
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Prenez maintenant la psychanalyse dans d’autres coordonnées, non plus celles de l’histoire des sciences (qui a le plus grand mal à penser l’histoire d’une non-science, pour qui, tendanciellement, les pseudosciences sont sans histoire scientifique), mais celles de l’histoire des représentations. Les questions qui se posent, en fait, dans ce registre-là, sont comparables aux questions précédentes : comment peut-il se faire que la psychanalyse n’ait pas encore été expulsée de l’histoire ? Comment peut-il encore se trouver des gens qui « y croient » ?
Je laisse de côté les dénonciations ordinaires des « mensonges freudiens », anciennes et désormais entièrement (et heureusement) dépendantes de recherches historiques beaucoup plus informées [3] . Ce sont ces recherches qui désormais comptent. Et l’intérêt tout particulier de la démarche de Mikkel Borch-Jacobsen est la contradiction assumée, à mon avis tout à fait féconde, dans laquelle il les déploie.
En effet, il conjugue d’un côté la recherche policière d’indices textuels et matériels de la manipulation par Freud et d’autres du contenu clinique des cures (en créditant toutes les contradictions dans les comptes rendus, les observations par d’autres médecins, les démentis a posteriori des intéressés, etc., d’une valeur objective suffisante à nourrir le soupçon sur les « faits » invoqués dans les textes fondateurs de la psychanalyse) ; et d’un autre côté, il tient avec force une position constructiviste radicale, qui lui permet de réduire systématiquement les confirmations ou corroborations extérieures comme des artefacts suggestifs, dont la source est la complaisance de patients ou d’élèves manipulés. Ce n’est pas tout à fait, pourtant, « pile je gagne, face tu perds » (l’essence des deux sophismes décrits plus haut, psychanalytique et anti-psychanalytique). Ce mélange de positivisme policier et de constructivisme théorique est en réalité conceptuellement articulé. Ainsi, le problème n’est jamais pour Borch-Jacobsen de savoir si la psychanalyse est une erreur ou une illusion scientifique, car son constructivisme lui interdit de valoriser purement et simplement l’opposition du vrai et du faux), c’est de savoir quelle consistance épistémique spéciale doit avoir un tel mensonge pour se perpétuer et perpétuer à longue distance historique, jusque chez les praticiens contemporains, sa force mystificatrice. On ne ment en effet qu’à partir de vérités reconstituables, et la fraude de Freud commence à partir d’extrapolations qui n’étaient pas sans fondement : c’est l’argument bien connu des guérisons spontanées prises pour des effets causés par la thérapie appliquée, ou de la faute logique du post hoc propter hoc dans ses variantes innombrables. De fait, il faut plus à une théorie explicative quelconque, pour la corroborer, que les effets qu’on lui attribue. Il faut donc que Freud ait observé « quelque chose », et que là-dessus, on puisse objectiver au départ la falsification que ce « quelque chose » a subi ; c’est la condition pour que des années plus tard, d’autres répétant la démarche freudienne aient le sentiment qu’il y a bien le germe de la conception initiale, et qu’ils aient ainsi au moins une raison de croire ce qu’ils croient, la dite croyance étant évidemment ensuite contaminée — la complaisance pour (l’allégeance à) la théorie qu’on préfère étant dans l’espèce humaine la tare exclusive des freudiens —, par les exagérations mensongères supplémentaires du fondateur. Le nœud de l’affaire, du moins comme je la comprends, consiste à dire que les « bonnes raisons » freudiennes ne manqueront donc jamais, et que le seul moyen d’en dissoudre l’apparence, c’est d’osciller constamment entre pointer sur un détail concret la contradiction factuelle, et globalement récuser l’appui que fournissent des confirmations qui manifestent la soumission imaginaire des crédules. Si à l’occasion, on peut découvrir quelques cas patents de charlatanerie, c’est encore mieux [4] .
Séparons ici les deux choses, quand même.
Qu’il y ait chez Freud des contradictions patentes, révélant à mon avis de façon claire qu’il a exagéré et falsifié à des fins intéressées les résultats de certains de ses cures difficiles, cela me paraît acquis. J’irais même dire que la plupart (pas tous) de ces arrangements avec la vérité sont explicables dans les situations cliniques mêmes qui sont décrites : elles tiennent, si je puis oser cette conjecture, du règlement de compte avec les patients, ou avec les collègues (comme Breuer, ou Jung). Mais je ne crois pas pour autant que le règlement de compte soit un objet qui échapperait par principe à l’examen psychanalytique (même s’il est simplet de tout ramener au « contre-transfert », supposé instructif, de Freud sur tel ou tel).
Ceci posé, quelles conséquences en tirer ? Du mensonge de Freud, doit-on inférer la généralité épistémico-socio-historique de la fraude psychanalytique ? [5]
C’est sur ce point précis que Borch-Jacobsen a la décence de proposer une philosophie de la croyance, là où l’on n’avait précédemment qu’une épistémologie de la vérité scientifique, impuissante à expliquer la persistance de l’erreur et même son amplification en phénomène de société. Cette philosophie repose sur une théorie de la suggestion généralisée, dont je ne peux retracer ici la filiation avec Tarde et les psychologues qui l’ont inspiré (Delboeuf, Bernheim, bien connus de Freud), ou encore avec la théorie « mimétique » de Jean-Pierre Richard. En tout cas, c’est plus que l’affirmation classique selon laquelle Freud n’aurait jamais surmonté les paradoxes de l’hypnose, c’est un mécanisme impérieux de propagation « épidémique », qui crée du social. Ce n’est pas non plus un opérateur logique ad hoc, réservé à la polémique antifreudienne : on peut l’appliquer à des objets différents, comme par exemple les « épidémies » américaines de troubles de la personnalité multiple, et, j’en suis bien persuadé, à l’étrange conglomérat actuel de rationalisation scientifique des thérapies comportementales et cognitives et d’associations de patients, travaillant à la légitimation médicale de leurs troubles et à la défense sourcilleuse de la cause supposée de leur guérison. Elle a surtout un gros avantage sur les usages anti-freudiens traditionnels de la suggestion : elle ne s’embarrasse pas de considérations empiriques. Ainsi, quand Grünbaum dit que les résultats psychanalytiques sont des effets de la suggestion, sa conception naturaliste et épistémologique de la causalité devrait le contraindre à étayer cette thèse par des protocoles expérimentaux démontrant le pouvoir psychologique de la suggestion à provoquer précisément ces effets. Mais justement, il n’y en a pas : personne n’a jamais été capable de construire des protocoles expérimentaux stables de l’hypnose ni de la suggestion (en psychologie sociale expérimentale ou en neurobiologie), qui échappent à la critique, et les seules « lois » qu’on en dérive sont des généralisations dépourvues de pouvoir prédictif. Non : la suggestion de Borch-Jacobsen est une structure anthropologique sui generis qui noue désir et croyance sous les espèce de la complaisance et de la soumission épistémique, d’individu à individu, et à quoi il n’est tout simplement pas question d’échapper.
Comme on voit donc, la validité de la critique historique radicale que suggère Borch-Jacobsen repose sur des considérations philosophiques préalables : existe-t-il quoi que ce soit comme une « suggestion généralisée » ? Si ce n’est pas le cas, et je crois que ce n’est pas le cas, il ne reste plus de la critique historique que les résultats du positivisme policier (à la Peter Swales). Mais la généralisation des fraudes freudiennes, si elles sont si avérées qu’on peut le croire, à la totalité de l’édifice psychanalytique ne tient plus, puisqu’il manque la charnière cruciale qui soumet les « bonnes raisons » initiales de Freud à l’amplification délirante en un phénomène social de soumission complaisante, à quoi se réduirait la suite. En effet, Freud n’a pas pu tout inventer (la suggestion est un processus passif, au moins « quelque chose » doit vous suggérer au départ de croire ce que vous croyez) : dans ce « pas tout » réside le noyau réel qu’on ne peut que concéder à Freud. Mais si d’autres plus tard tombent sur ce « pas tout » (des histoires de famille, de sexualité, des refoulements manifestes, des lapsus révélateurs, que sais-je ?), on ne peut plus leur imputer de devenir psychanalystes à partir de ces seules prémisses, sous l’effet de l’intoxication de la culture ambiante. On est, je crois, obligé de leur reconnaître quelque chose comme des raisons de refaire (éventuellement) un parcours qui les met dans les pas de Freud. En tout cas, on ne peut plus traiter leurs justifications comme des blagues. Car c’est là où le bât blesse : Borch-Jacobsen croit à un pouvoir causal direct de la suggestion sur le contenu de ce qu’on croit. Pour lui, au moins s’il s’agit de psychanalyse, il n’existe pas de raisons freudiennes de penser ce qu’on croit, mais juste des « rationalisations » a posteriori pour protéger certaines croyances, dont le cœur reste fondamentalement suggestif.
Sauf qu’on ne voit pas pourquoi cela se limiterait à la psychanalyse : Borch-Jacobsen essaie-t-il de nous convaincre, ou de nous contre-suggestionner ? Est-il au fond un historien, ou un psychothérapeute de masse ?
C’est pourquoi, contrairement à John Forrester, qui considère l’idée comme périmée et française (i.e. canguilhémienne), je pense qu’élucider en détail en quoi la psychanalyse a un développement rationnel est essentiel. Car pour Borch-Jacobsen, au-delà du mensonge initial, il ne saurait y avoir que bruit et fureur, et la seule « rationalité » qu’on trouvera chez Melanie Klein, Bion ou Lacan, c’est une version supplémentaire, épistémologiquement indifférente, du prôton pseudos, si j’ose dire, de base : des cabrioles plus ou moins réussies, mais où les pieds retombent finalement toujours sur le même dégoûtant tremplin. Tout ce qui est gagné, ainsi, à mon avis, du point de vue de cette « épistémologie historique de la psychanalyse » en projet, rétrécit automatiquement le champ des phénomènes (dont il serait vain de nier l’existence) attribuables à l’emprise culturelle de la psychanalyse, ou aux intérêts matériels et sociaux que les psychanalystes dénient — comme n’importe qui. Plus on montre de connexions de raison entre les conceptions freudiennes et post-freudiennes, moins la réitération de certaines thèses du père fondateur tient de l’imitation subie. Notez bien cependant que je ne suis pas sûr que ce qui subsisterait à la fin d’une telle élucidation des motifs rationnels de la démarche freudienne satisfasse tout le monde. Elle pourrait déboucher sur des parallèles surprenants avec d’autres études psychologiques, liquider de faux conflits, fixer de façon gênante les bornes modestes de certaines prétentions thérapeutiques, voire dénuder de façon encore plus cruelle des complaisances qui ne seraient pas aussi structurales et universelles que dans l’anthropologie globale de Borch-Jacobsen. Mais elle est, d’un point de vue logique, l’unique réponse substantielle à l’hypothèse d’une contrainte causale purement externe sur la transmission des croyances psychanalytiques.
Voici donc le Nord et l’Ouest de notre carte, voyons le Sud et l’Est.
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Jacques Derrida occupe en effet dans cet espace historiographique une place à part. Je crois qu’il a en effet tiré les dernières conséquences du renversement dialectique suivant : et si c’était à l’histoire d’intégrer ce que la psychanalyse nous apprend ? Supposant donc une forme de validité philosophique propre aux analyses freudiennes de la mémoire, de l’oubli, du refoulement comme défense, etc., cette dernière devrait reconsidérer la nature même de ce qu’elle traite comme archive, comme témoignage, comme vérité, etc. La psychanalyse irait jusqu’à inquiéter la philosophie sous-jacente à ses outils (qui est globalement d’inspiration positiviste). Une fois encore, l’enjeu paraît celui d’une philosophie des sciences historiques que l’historiographie apparemment très locale, infiniment réduite dans son objet, celle de la psychanalyse, solliciterait plus ou moins sans le savoir, mais dont il conviendrait de mettre au jour les présupposés. Evoquant les travaux de Yosef Yerushalmi sur le Moïse de Freud [6] , Derrida écrit ceci :
« Même un historien classique des sciences doit connaître de l’intérieur le contenu des sciences dont il fait l’histoire. Et si ce contenu concerne justement l’historiographie, il n’est pas de bonne méthode ni de bonne épistémologie de s’autoriser à le mettre en parenthèses. On se prive alors des conditions élémentaires, de la stabilité sémantique minimale et presque de la grammaire qui permettraient de parler de ce dont on parle. Vouloir parler de la psychanalyse, prétendre faire l’histoire de la psychanalyse d’un point de vue purement a-psychanalytique, pur de toute psychanalyse, au point de croire y effacer les traces de toute impression freudienne, c’est comme si on revendiquait le droit de parler sans savoir de quoi on parle, sans même vouloir en entendre parler. Cette structure ne vaut pas seulement pour l’histoire de la psychanalyse ou pour tout discours sur la psychanalyse, elle vaut au moins pour toutes les sciences dites sociales ou humaines, mais elle reçoit ici une inflexion singulière dont nous devons nous approcher un peu » [7] .
Approchons donc, car il n’est guère courant de voir Derrida faire l’éloge de la stabilité sémantique ou de la bonne épistémologie.
D’abord, cette déclaration est très peu derridienne, et canguilhémienne en diable : en tout cas, elle est assez typique de la conception française de l’histoire des sciences que seul le praticien averti d’une discipline (il s’agit là de savoir-faire) peut la pratiquer (l’épistémologie historique est pour une part la restitution explicite et réflexive des usages). Mais Derrida ne va pas jusqu’à la réciproque, qui consiste à soutenir que la saisie correcte de la genèse historique des concepts, autrement dit, l’histoire de la constitution des normes de rationalité immanente à la dite pratique, livre la vérité de sa scientificité (ce qui subordonne philosophiquement leur positivité au développement de la rationalité en général). Ensuite, on reste perplexe devant le développement de l’argument (n’y aurait-il pas une façon non-sidérurgique de parler de la sidérurgie ?) jusqu’à ce qu’il trouve sa clé dans la formule : « c’est comme si on revendiquait le droit de parler sans savoir de quoi on parle, sans même vouloir en entendre parler ». Jusqu’où en effet peut-on faire abstraction de l’interpellation freudienne adressée à l’historien (touchant ce qu’il appelle la mémoire, par exemple) dans le traitement des « traces » et des « archives » qu’aurait laissées la psychanalyse ?
Mais tout cela pourrait être une autre manière de poser toujours le même problème. On l’a vu, une fraction puissante des historiens contemporains de la psychanalyse trouve qu’il n’y a justement rien de sémantiquement stable chez Freud, et que les conditions élémentaires, autrement dit les faits soutenant la doctrine (guérisons, modifications des patients imputables à la psychanalyse), ne sont pas cernables par l’histoire ordinaire, qui rencontre plutôt des non-événements, ou mieux, des fictions occultant la place de ce qui aurait dû être des événements. Ces historiens, quand ils sont logiques, en tirent que la psychanalyse est un discours sur rien : façon, dont il ne faut pas sous-estimer l’élégance, d’expliquer son talent de caméléon pour se pavaner sur le dernier décor intellectuel à la mode (structuraliste, neuroscientifique, etc.), un peu comme si elle pouvait en faire substantiellement partie, voire y apporter sa contribution. Maintenant, le rejet d’une « histoire a-psychanalytique » de la psychanalyse est-il rien de plus que la réciproque logique de l’affirmation qu’il existe une psychanalyse anhistorique, dont on devrait supposer l’extériorité à l’histoire, et qui pourrait, en outre, de haut, normer le rapport que l’histoire doit construire à son égard ? Outre que cette conséquence serait elle-même fort peu derridienne, elle soulève plusieurs questions. Deux, au moins :
Non que la philosophie n’ait rien à dire, ici, mais on aimerait bien qu’elle se penche sur la question de savoir quels critères offrir pour caractériser ce qui est « historique », au juste, dans ce dont on parle à propos de psychanalyse, ainsi que les avantages et les inconvénients conceptuels et logiques des définitions en concurrence. Cas de figure omniprésent : Freud n’a pas guéri ses patients. Guéri comment ? La psychanalyse est-elle privée d’entrée de jeu de la chance de fournir une extension du concept de guérison ordinaire en médecine ? Non, mais comment faire pour qu’il s’agisse bien d’une extension du concept, et non d’une réécriture ad hoc, qui maquille en fiction l’absence d’un fait. Je ne vois pas non plus pourquoi l’extension de ce concept serait immunisée contre la critique historique (guérir pour Freud, ce n’est plus tout à fait guérir pour Melanie Klein ou Lacan). Mais je veux avant tout pointer combien on ne sait pas, aujourd’hui, comment s’y prendre pour arriver à un tel résultat, qui nous sortirait de postures idéologiques où l’histoire sert à peindre le monde en noir et blanc.
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Michel de Certeau enfin, est bien l’exemple canonique de celui qui, dans les années 70, a pris à bras-le-corps le problème de la psychanalyse dans les sciences historiques [8] . Or, plutôt étrangement, la fécondité de son apport n’est pas liée aux solutions méthodologiques qui font défaut à l’histoire de la psychanalyse, mais néanmoins, ce qu’il a su formuler rejaillit, à mon avis, sur ses enjeux. De Certeau en effet s’est moins intéressée à l’histoire psychanalytique de la psychanalyse, qu’à la question de savoir ce que serait une « histoire psychanalytique » qui aurait d’autres objets que la psychanalyse. Son idée directrice a été souvent commentée : ce que la nouvelle histoire a d’essentiellement affine avec la psychanalyse, c’est son rapport à des objets de science « impossibles ». Car quelle science constituer du rapport du singulier au collectif, de la mort comme rencontre privée, des témoignages impossibles des survivants, de la jouissance dans ce qu’elle a d’ineffable — bref, d’un ensemble de phénomènes qui ont pour trait commun d’échapper à l’éthique ascétique du Progrès, de ne donner lieu qu’à eux-mêmes, à leur disparition sèche, sans accumulation, mais dont nous savons bien qu’ils font par ailleurs parfaitement partie du paysage historique, et que la référence qu’ils offrent guide la conduite de vies passées et présentes ? Quand nous disons alors « parce que », en écrivant de l’histoire, nous savons plus qu’ailleurs que la causalité que nous évoquons n’est pas et ne sera jamais nomologique : elle ne sera pas l’instanciation localisée d’une vaste loi des temps, économique ou sociale, mais l’aveu que même au chevet de l’événement unique, la raison insiste.
De Certeau marque l’hétérogénéité des temporalités historiques et psychanalytiques, de la linéarité et du cumul d’un côté, de la répétition et de l’après-coup de l’autre, pour interdire quoi ? Pour interdire la naissance d’une « psycha-histoire » qui prendrait la relève d’une psycho-histoire en impasse (dont il a observé d’ailleurs les derniers soubresauts) et faussement sophistiquée. Ce sens précieux de la disjonction impérative entre ordres qu’on voudrait souvent confondre s’observe à la tension remarquable de ses travaux biographiques : choisir des mystiques, Joseph Surin ou Pierre Favre, c’est situer des hommes non dans leur temps, mais contre leur temps, et ce « contre » singularisant, subjectivant même, n’a nul besoin d’un appoint freudo-lacanien, il arrive par ses propres voies, historiques, à l’écart pur en quoi il consiste. Comment ignorer la force de cette attitude, quand on a soupé jusqu’à la nausée des contextualisations sociohistoriques des possédées de Loudun, et autres fantaisies pathographiques de l’histoire des mentalités, où manque par excellence ce qui a pourtant fait histoire, ce qui a créé l’événement : la rupture, le cri de ceux que l’histoire, conçue comme science tranquille, broie sous sa prose lisse et « explicative » ? On se prend à rêver, d’ailleurs, d’une lecture certalienne des grands cas de Freud (Dora, L’homme aux rats, etc.), et pour le dire, d’une écriture des cas vraiment nouvelle, qui se déprendrait de l’idée que l’histoire exige la régularisation a priori des singularités qui la documentent.
Or, en ne mélangeant pas les styles de temporalité qui concourent à individualiser ces objets impossibles, dans leur concrétude étrange et paradoxale, dans leur vie propre, de Certeau force à quelque chose qui intéresse centralement la psychanalyse : à la décantation des inconscients. Et l’histoire, en se refusant la confusion des genres, acquière alors à l’égard de la psychanalyse une force critique remarquable (peut-être même guérit-elle de la mauvaise conscience que lui inflige trop souvent la psychanalyse, morigénant l’historien de la pauvreté supposée de ses concepts de mémoire ou de traces). Car l’histoire fournit là les clés d’un « inconscient social » qui est bien autre chose et bien mieux qu’une métaphore sociologisante pseudofreudienne pour tout ce que ne savez pas mais qui vous régit dans votre dos. C’est du moins ce que je crois entendre dans les interrogations raffinées que de Certeau a soulevées touchant, à l’origine de la psychanalyse, au rêve (production royale de l’inconscient) d’une institutionnalisation de la psychanalyse qui ne procéderait que de la psychanalyse elle-même. Car, assurément, a coulé là-dessus l’encre de bien des sociologues (Ernst Gellner précède de loin nos historiens révisionnistes anti-freudiens, à cet égard, et avec quel humour ! [9] ). Mais ils ne s’affrontent jamais à ce que Lacan, sous les quolibets, a caractérisé comme la transmission « un à un » de la psychanalyse, parce qu’il s’agit toujours de caractériser un type général de psychanalyste, ou d’enseignement de freudisme, ou de pratiques psychothérapeutiques, ou de politique institutionnelle, sans égard aucun (sinon quand on la range au rayon des impostures accessoires) pour la prétention tout de même intéressante en soi, je crois, de faire association de parcours personnels incongrus, et d’imaginer des procédés de la vie de groupe, si cela se peut, anticonformisant. On retrouverait là certaines suggestions de l’histoire anti-freudienne, mais mieux armées, je pense. Par exemple, il ne suffit sûrement pas de dire que l’auto-analyse de Freud est l’acte instituant de la psychanalyse, sans s’interroger par exemple sur la façon dont la « passe » des lacaniens se réapproprie (ou pas ?) la même idée mythique d’une origine de chaque psychanalyste dans la seule psychanalyse. Non que ce soit faux, mais parce qu’il y a aussi un inconscient social qui fait une place, dans son ordre de rationalité propre, à la fabrication sociale de ce genre de singularité d’exception (de Certeau a explicitement comparé, avec bonheur, la naissance du mystique et la naissance du psychanalyste, « contre » un milieu qui l’accueille). Cet inconscient force la psychanalyse à se penser en relation à son dehors, la privant du monopole du discours sur l’individualisation absolue de situations incomparables — qui pourrait bien devenir, avec son alibi éthique passe-partout, l’ultime et lâche asile d’une singularité … stéréotypée ! Ainsi Surin : comment devient-on exorciste ? Comment se prête-t-on jusqu’à la folie au combat du démon et du Christ, quand on est membre d’un ordre comme les Jésuites ? Comment fait-on de sa vie spirituelle l’appropriation intime de conditions extra-religieuses et extra-spirituelles ? Ces questions-là aideraient, j’espère, à jeter un peu de lumière sur la portée, l’acceptabilité, voire l’avenir prévisible des propos de Lacan, comme quoi l’analyste « s’autorise de lui-même et de quelques autres », sans condamner qui les pose à tourner en rond dans une psychanalyse illusoirement asociale. (Je prends ici prétexte de ce que je sais des soucis de cet auditoire).
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L’histoire et la psychanalyse se sont mutuellement rendues bien malades. L’histoire de la psychanalyse est presque uniquement un catalogue de symptômes, où la dégradation des techniques de l’historien (notamment les précautions à prendre dans le recueil des faits dans un contexte de règlement de comptes) le dispute à la fragilité épistémologique des méthodes (dans l’administration de la preuve comme dans les références philosophiques sous-jacentes) tout cela à l’ombre d’ambitions démystificatrices qui reflètent en miroir l’hagiographie inepte du freudisme des années 60. Le symptôme le plus visible de cette maladie, c’est la croyance qu’on pourrait disposer d’une certaine version de la psychanalyse qui permettrait de faire une histoire psychanalytique de la psychanalyse (ou du moins une histoire de la psychanalyse qui ne forcerait à aucune sérieuse remise en cause). Sous sa forme caricaturale, elle a conduit Ilse Grubich-Simitis à rendre compte, dans l’International Journal of Psychoanalysis, de l’admirable travail, du travail pionnier et exemplaire de Lydia Marinelli et Andreas Mayer sur les éditions successives de la Traumdeutung et leur influence sur les générations successives des premiers psychanalystes [10] , en expliquant qu’on savait déjà tout, ce qui est parfaitement faux, et que cette recherche n’avait de toutes façons pas d’importance, parce qu’elle ne venait pas du sérail de l’Association Psychanalytique Internationale — et qu’il faudrait être « fair to Freud ». Rien moins ! On voit là la pétrification anti-historique du discours psychanalytique (qui fait qu’il vieillit, et commence à faire sourire, signe, selon Marx, de sa faillite), dans son impuissance à s’exposer à d’autres inconscients, à d’autres répétitions, à d’autres après-coups que ceux prévus par sa formalisation. Second symptôme, moins visible peut-être, mais auquel j’attache une importance considérable : la fuite éhontée dans une philologie stérile. Car pour « faire » rigoureusement historique, on en vient à accabler les lecteurs sous des considérations invraisemblables sur la sémantique de tel terme freudien dans les banlieues de Vienne d’avant 1914, tandis que la fonction conceptuelle de ce même mot dans les raisonnements où Freud a tenté de justifier pourquoi il croyait ce qu’il croyait, restent entièrement en friche. Combien de traductions de la Verneinung ? Combien, mises en regard, de réflexions simplement informées sur ce qu’est une négation dans la logique et la théorie du langage aujourd’hui ? Mais j’espère avoir rendu assez clair au lecteur pourquoi, à mon avis, on ne peut pas se passer désormais de travaux proprement épistémologiques en amont de l’histoire de la psychanalyse. Le lecteur peut donc aussi comprendre à quel point j’ai mal pris que la dernière traduction française de la Traumdeutung ne mentionne même pas mon commentaire du livre, le seul publié à s’être attaché à en restituer in extenso et méthodiquement son argumentation interne [11] .
Le sentiment dominant des chercheurs de ma génération, à cet égard, est celui d’une affligeante solitude.
M’étant fixé pour objectif de proposer une boussole, non une carte, qu’on se méprenne pas sur mon silence touchant les édifices d’érudition qui ornent le paysage actuel de l’histoire de la psychanalyse : Elisabeth Roudinesco, Peter Gay, John Forrester, Albrecht Hirschmüller, tant d’autres encore. Mais j’aurais atteint mon but si vous vous y reportez désormais avec une idée renouvelée de leur manière, à chaque fois singulière, de garder leur cap.
[1] Frank Sulloway, Freud, Biologist of the Mind: Beyond the Psychoanalytic Legend, Basic Books, 1992². L’édition de 1979 a été couronné par le prix Pfizer de la History of Science Society, qui était accordé là pour la première fois à un travail d’histoire de la psychiatrie. Sulloway travaillait alors avec Edward Wilson, le père de la sociobiologie.
[2] Pièce essentielle de l’argumentation : le redécoupage du matériel factuel et textuel « pertinent » en fonction de la philosophie des sciences sous-jacente à la lecture historique. Peu importe que Freud limite lui-même certaines de ses références les plus positivistes deux lignes plus bas : on ne livre au lecteur que ce qui s’intègre le mieux à l’ambition scientifique supposée de Freud, parce que c’est elle qui échoue. Pour un historien, cette ambition est évidemment définie de façon anachronique (comme Grünbaum, qui suppose à Freud un naturalisme à la Hempel, parce que c’est tout à son honneur). Et parfois, même l’honnêteté philologique succombe.
[3] Le fameux livre de Jacques Bénesteau, Mensonges freudiens: Histoire d'une désinformation séculaire, Mardaga, 2002, ne contient en réalité aucun fait ni argument nouveaux. C’est simplement l’appropriation rhétorique de l’histoire antifreudienne révisionniste dont je vais parler à des fins politiques extrémistes largement dénoncées, et au profit des marottes psychologiques de l’auteur, comme l’héritabilité génétique de l’intelligence « à 69% ».
[4] J’ai essayé d’exhiber les faiblesses conceptuelles de cette démarche dans « La fraude de Freud : les glissements polémiques de Mikkel Borch-Jacobsen », sur le site de la revue en ligne Dogma.
[5] Cette question est indépendante du problème empirique de l’efficacité de la psychanalyse, qui joue un rôle-clé dans la réfutation philosophique, et non historique, que propose Grünbaum : Borch-Jacobsen ne nie pas qu’on guérisse en psychanalyse, et il se tiendrait plutôt dans le camp de ceux qui doutent des preuves statistiques de la supériorité de telle ou telle thérapie sur telle autre ; en revanche, ce qui lui importe est l’autorité morale ou intellectuelle infondée de la psychanalyse.
[6]
Yosef H. Yerushalmi, Freud’s Moses :
Judaism Terminable and Unterminable, Yale University Press, 1991.
[7] Jacques Derrida, Mal d’archives, Galilée, 1995, pp.87-88.
[8] Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse: Entre science et fiction, Gallimard, 1987.
[9]
Ernst Gellner, The Psychoanalytic
Movement: The Cunning of Unreason, Granada, 1985.
[10]
Lydia Marinelli & Andreas Mayer (Hg.),
Die Lesbarkeit der Träume: Zur Geschichte von Freuds "Traumdeutung",
Fischer, Francfort, 2000, ainsi que leur Träume nach Freud: Die Traumdeutung
und die Geschichte der psychoanalytischen Bewegung, Turia & Kant,
Wien, 2002.
[11] Pierre-Henri Castel, Introduction à « L’interprétation du rêve » de Freud : Une philosophie de l’esprit inconscient, PUF, 1998.