Conscience

Psychologie

Propriété spécifiquement humaine de subjectivité puis de réflexivité (conscience d'être conscient) des expériences mentales.

Pour le psychologue, la notion de conscience a longtemps été de celle qui ne s'offre à une étude non-philosophique (ou positive) que par la pathologie, soit par ses absences ou ses troubles partiels, soit dans le cadre d'une théorie des instances qui composent la personnalité (en psychanalyse notamment). Une difficulté notoire en psychiatrie est ainsi qu'une vigilance réactive et structurée aux événements internes ou externes n'est nullement incompatible avec une maladie mentale aiguë (Ey), ni n'empêche, parfois, l'abolition du discernement au sens médico-légal (commandant la responsabilité). Le souci récent de naturaliser la conscience par la neurobiologie, en définissant les paramètres physiologiques de la vigilance cérébrale (Crick et Koch) a en revanche l'intérêt de fixer l'horizon de ce qui serait peut-être irréductiblement psychologique dans la conscience (le quale, "l'effet que ça fait" d'être conscient, dit Nagel), parce qu'aucune explication matérielle n'épuise l'intuition de la subjectivité. Mais ce n'est pas plus qu'un horizon et il n'existe pas de programmes de recherche consistants sur la conscience en neuropsychologie. Une exception est le cas des sujets qui n'ont pas conscience de percevoir certains stimuli visuels, s'avèrent capables d'en décrire des propriétés (Young et Revonsuovo); une autre, les "états de conscience modifiés" (hypnose, etc.) dans lesquels on tente de corréler des écarts de la vigilance cérébrale avec l'intentionnalité des états mentaux, voire les relations au monde qui découlent de tels "éveils" (Etévenon).

Plusieurs distinctions psychologiques réduisent cependant la généralité du terme. La "conscience en acte" de Piaget s'oppose ainsi à la "prise de conscience" comme le savoir-faire au savoir réfléchi qu'on sait faire. Piaget, en intégrant ainsi la conscience à l'agir, récuse l'interdit béhavioriste jeté sur les entités introspectives. Sauf ce facteur de l'agir, la conscience en acte évoque le contraste, net en anglais, entre l'awareness pré-réflexive et la consciousness réfléchie dont la conscience de soi est la forme achevée. L'awareness est aussi stratifiée: il y a un état fonctionnel d'accès aux faits dont on a conscience, et qui saisit plutôt des occurrences singulières, état qui se différencie d'un autre, non-fonctionnel, qui traite plutôt des types, et qui émerge notamment dans les comportements où je me montre "au courant" de ce dont je parle. L'effort réductionniste porte plutôt sur la conscience d'accès; l'awareness qualitative est la cible d'un matérialisme éliminativiste (Dennett).

Ces distinctions isolent des niveaux opératoires de conscience. Elles font bon marché des usages du mot dans l'interlocution (dire "j'ai conscience de…" c'est exclure qu'autrui puisse avoir conscience comme moi; cela n'a ni contenu informatif, ni n'en revendique). Ainsi la conscience sert à marquer l'insubstituabilité des places, ce qui complique la querelle sur l'irréductible vécu conscient d'un égard nécessaire pour le contexte des jeux de langage qu'on joue quand on en parle. Il se peut alors que des facteurs culturels contaminent l'objectivation psychologique de la conscience.

Psychanalyse, inconscient, préconscient.

Dennett D., La conscience expliquée, Paris, 1993

Etévenon P., L'homme éveillé, Paris, 1990.

Ey H., La conscience, Paris, 1963.

Nagel T., Mortal Questions, Cambridge, 1979.

Piaget, La prise de conscience, Paris, 1974

Young A.W. et Revonsuo A., Consciousness in Philosophy and Cognitive Neurosciences, New York, 1994.