Psychologie sociale

Psychologie, philosophie politique, éthique

Etude empirique, le plus souvent expérimentale, des comportements, jugements et émotions des individus en société, analysés à partir leurs interactions interindividuelles en groupe.

Si le projet théorique d'une psychologie sociale est ancien (le titre apparaît chez MacDougall en 1908), il est resté spéculatif (la "psychologie inter-individuelle" de Tarde) ou idéologiquement marqué (comme dans la "psychologie des foules" de Le Bon, qui a suggéré à Freud des réflexions sur la cause de l'influence sociale). Elle est née comme science dans les années 30, avec les travaux de Mayo sur les groupes en psychologie du travail, puis de Lewin sur la "dynamique des groupes" et sur l'autorité. Le contexte sociopolitique et idéologique américain, des années 50 a suscité des recherches spectaculaires, et d'une redoutable portée critique, sur l'obéissance, le conformisme, l'efficacité des consensus de type démocratique, la défense de sa liberté par l'individu ("réactance") et la plasticité des croyances.

La psychologie sociale étudie en priorité quatre objets: 1. comment les catégorisations reflètent les préjugés; 2. comment s'influencent et se hiérarchisent les individus d'un groupe; 3. comment se construit le soi social comme "rôle"; 4. comment se stabilisent les cognitions et les émotions individuelles dans un contexte social mouvant et contradictoire. Il existe enfin des essais de psychologie collective portant sur les valeurs et les représentations idéologiques de groupes ethniques ou sociaux (Nisbett).

Dissipant les fausses évidences de la vie sociale quotidienne (par exemple la confusion entre normes qu'on invoque et normes qu'on suit), et dénudant ses ressorts causaux effectifs, la psychologie sociale inquiète nombre d'idéaux moraux ou politiques, dont elle peut prouver l'inanité, ou la pertinence, mais pour d'autres raisons que celles de leurs justifications usuelles. Asch, en montrant la distorsion que subissent, sous la pression du groupe, même les comptes rendus d'expériences perceptives élémentaires, et Milgram, prouvant que, sur ordre, presque n'importe qui pouvait torturer, ont donné un sens anthropologique à leur démarche. Le groupe au travail, tel que Mayo l'avait théorisé, a au contraire initié une tradition instrumentaliste en psychologie sociale, au service de l'école, de l'industrie et de l'armée. La psychologie sociale cognitive, interrogeant les croyances collectives, les biais attributifs et la rectification des dissonances (Festinger a travaillé, ainsi, sur une secte qui attendait l'apocalypse à une certaine date), a aussi élaboré des théories positives de l'influence et du "rôle" social. Sur cette base, la psychologie sociale a ouvert la voie à certaines formes de manipulation à visée thérapeutique, et renouvelle la problématique de l'hypnose, qui depuis Le Bon et Tarde reste un de ses fils rouges.

La psychologie sociale expérimentale se heurte au problème de la caractérisation d'un stimulus comme social; ce n'est plus juste une saillance perceptive; et tout stimulus individuel à un contexte social, dont le contexte expérimental lui-même. La répétabilité des expériences est plus difficile à obtenir. D'autre part, par principe, si elle tend à naturaliser les conduites morales (comme l'altruisme), elle se heurte au paradoxe de devoir aussi s'imposer de fortes contraintes éthiques devant les expériences réalisables. Enfin, la psychologie sociale, comme toute discipline qui a recours à l'individualisme méthodologique, est accusée de véhiculer une charge idéologique: analysant les faits sociaux comme le résultat d'interactions individuelles, elle en donnerait une version biaisée.

Attribution, autorité, norme, psychologie des peuples

Faucheux C. et Moscovici S. (éds.)., Psychologie sociale théorique et expérimentale, Paris, 1971.

Milgram S., Soumission à l'autorité, Paris, 1974.

Nisbett R. et Cohen D., Culture of Honour: The Psychology of Violence in the South, Boulder CO, 1996.

Poitou J-P. (éd.), La dissonance cognitive, Paris, 1974.