la névrose obsessionnelle

3ème séance (2 décembre)

 

Je vais consacrer la séance de ce soir à un commentaire, que j’espère relativement exhaustif de la première séance de L’homme aux rats en m’interrogeant sur une propriété évidente de cette première séance, qui est que l’homme aux rats vient voir Freud pour lui demander une ordonnance pour pouvoir rendre 3 couronnes 80 à je ne sais plus quel officier, et que, pendant l’entretien préliminaire, ça disparaît entièrement : vous avez là tout une séance qui va se déployer sans qu’il en soit question. Et c’est à la seconde séance que ça commence, d’après le relevé du journal d’une analyse, par : « Je vais vous dire pourquoi je suis venu vous voir ». Donc toute la séance que nous avons ici, est une séance dont le statut est assez énigmatique, puisqu’à la fois l’homme aux rats va servir à Freud tout un ensemble de choses sur la sexualité infantile qui sont assez fascinantes, et d’autre part la question des rats n’est absolument pas abordée. Donc ce que je voudrais faire, c’est, en exploitant la linéarité de la séance telle qu’elle est dans le relevé des notes que Freud prend le soir, comparer cette linéarité de la séance, et la recomposition des cas dans l’édition de L’homme aux rats, d’essayer de voir comment les choses se sont passées.

Je clarifierai le contenu de cette séance à partir de trois choses.

D’abord, essayer de vous montrer en quoi la clef de la première séance est l’institution du transfert dans la névrose. C’est là qu’elle se joue. Et c’est précisément parce que c’est dans cette séance qu’elle se joue qu’il devient possible – c’est là mon fil conducteur – à la deuxième séance, pour lui, de lui dire « Je vais vous dire pourquoi je suis venu voir ». Ce qui oblige à reconsidérer je crois complètement le statut de ce qui intéresse en réalité Freud, qui est ce déballage de sexualité infantile, qui a quand même une particularité étonnante, c’est qu’elle est consciente chez le patient. Ce n’est pas du tout quelque chose qu’on va faire émerger, c’est quelque chose dont il se rappelle extrêmement clairement, et qu’il met de lui-même sur le tapis. Ce qui pose un petit problème.

Je voudrais alors montrer que le dispositif qui en émerge est un dispositif en boucle tout à fait structural, et je vous représenterai sous la forme d’un schéma la façon dont est dessinée dans l’interaction et dans le transfert qui s’institue, la possibilité de faire émerger les rats dans la séance suivante. C’est-à-dire que je ne crois pas que les rats arrivent comme quelque chose auquel il pense, je pense que les rats ne sont quelque chose qui deviennent abordables, un objet qui peut venir en circulation dans la cure, qu’à partir du moment où un certain nombre de choses ont été construites, et elles sont institutionnalisées à travers quelque chose qui est un commentaire qui n’est pas psychanalytique, qui est même étrangement non psychanalytique, sur sa sexualité infantile.

Je ponctuerai ça, enfin, de remarques sur l’incapacité de Freud - qui est frappante et dont je voudrais vous donner un contour précis - à rendre compte du dispositif et sur ce qui peut être intéressant lorsque vous prenez les choses en vous servant d’un certain nombre de mathèmes de Lacan. En tout cas, cette première séance a un caractère étrange - et je m’étonne que Freud n’ait pas réfléchi sur ça après-coup, quand il va apprendre tout ce que le patient ne lui avait pas dit dans l’entretien préliminaire, et qu’il va tout centrer sur l’analyse des rats, et qu’il va apprendre quel est le statut de cette première séance -, elle a un sorte de complétude, elle commence et elle finit particulièrement bien, d’une manière qui interpelle.

En effet, le matériel qu’apporte l’homme aux rats est presque trop beau pour être vrai. Je pense que n’importe qui ici qui a tâté du divan, se rend bien compte que quelqu’un qui à la première séance commence par déballer de la sexualité infantile exactement pour répondre à une certaine forme de ce qu’il suppose être l’attente de Freud, c’est singulier. Bien sûr, d’ailleurs il va le dire, il ne va pas le cacher, on sait qu’il a lu du Freud, et en particulier à cause de son ami Galatzer qui l’a envoyé à Freud. D’où la question qui se pose, qui est une question classique dans les réfutations et les critiques contemporaines du freudisme, de savoir si cette situation est une co-construction de type suggestif où il suppose qu’il doit devoir parler de sa sexualité infantile parce qu’on est en 1907, et que les trois traités sur la théorie sexuelle ont été publiés 2 ans avant, qu’il connaît la Traumdeutung, qu’il a feuilleté la Psychopathologie de la vie quotidienne, donc il sait que c’est de cela dont il doit parler, et effectivement, Freud reprenant cela comme une confirmation, dans ces cercles qu’on s’ingénie aujourd’hui à produire, pour démonter le dispositif en quelque sorte. Et de fait, je crois qu’on ne peut pas du tout – et qu’on ne doit pas – exclure ça. Je crois qu’une des amorces du transfert dans le cas de l’homme aux rats, c’est qu’effectivement, c’est une pompe transférentielle, c’est que le patient sait des choses. Et je me demande, si dans un certain nombre de cas, une névrose obsessionnelle est abordable en dehors de cette offre théorique anticipatoire du praticien à l’égard de ce qui est censé agiter ou remuer son patient - je vous avais dit la dernière fois à quel point cette dimension était importante. Comme cette forme est un préliminaire, c’est le lendemain même – puisque les séances ont lieu le mercredi et le jeudi – que s’établit ensuite la triangulation entre Freud, Ernst Lanzer et « l’objet rat ». Les hypothèses que je déploie sont les suivantes : ce sentiment de complétude lié à l’effet de borne ou de statut intermédiaire de cette séance, à quel prix intellectuel peut-on essayer d’en faire un relevé structural de ce que c’est qu’un commencement d’analyse ? C’est-à-dire que si c’est la première séance - on peut prendre les choses de manière très plate et très contingente en disant : « Eh bien voilà, c’est dans l’ordre du temps » - mais comment justement, puisque tout va être centré sur les rats, comment rend-elle possible cet étrange début de deuxième séance : « Je vais vous dire pourquoi je suis venu vous voir » ? Autrement dit, je vais essayer de vous montrer qu’il y a là plus qu’une totalité - une « interaction totale », comme on pourrait décrire les choses sociologiquement – : une structure en cause, une structure qui justement – et c’est ça qui m’intéresse - n’est pas celle du psychisme de l’homme aux rats, mais qui est une structure de la relation du sujet à l’Autre, une structure qui met en place les éléments constitutifs du transfert, et le type d’objet que seul le transfert est capable de faire venir au jour, et qui est la collection des avatars de l’objet-rat : les enfants, les excréments, l’argent, etc. Autrement dit, pour que ce ne soit pas, et bien que ça l’est probablement à un certain niveau, un pur effet de suggestion, une co-construction de chacun – « je sais que vous vous intéressez au rêve, à la sexualité infantile, et justement j’ai des choses à vous raconter… ! », vous voyez cette espèce de négociation implicite qu’on repère souvent dans l’histoire contemporaine – je voudrais essayer de montrer que le contenu de la séance a des coordonnées transférentielles qui sont inconscientes à Freud, et que même dans le relevé du cas, et dans l’achoppement de la capacité de Freud à théoriser ce qui s’est passé avec l’homme aux rats, on voit apparaître un certain point bien précis, une impasse sur la compréhension de ce qui se passe, qui fait qu’il est obligé d’importer une psychologie à laquelle il ne croit pas lui-même, et qu’il a dépassé à ce moment-là, pour essayer d’expliquer le rapport des affects et des représentations.

 

*

 

Comme toujours, une attention extrême est portée aux premiers mots que prononce un patient dans une analyse, aux premières associations et idées incidentes, au premier dessin d’un gosse, etc., c’est vraiment ce dont on doit garder la trace la plus minutieuse, la plus détaillée, et c’est effectivement ce que Freud a fait : une mise en série extrêmement impressionnante. Vous vous rappelez que l’homme aux rats est le premier à qui on dit d’associer librement, alors on imagine un long silence, et puis on imagine qu’il ouvre la bouche pour parler d’un ami qu’il place extraordinairement haut – Galatzer –, puis de là, jouant le jeu, il dit que ça lui fait penser qu’il a eu des relations de ce genre avec un ami d’adolescence qui avait 4 ans de plus que lui et un ami qui avait quelques années de plus - qui s’appelle Loewy – qui en fait s’était introduit dans la maison et avait capté l’amitié d’Ernst Lanzer pour en réalité séduire sa sœur -, et puis enfin Freud. Série tout à fait frappante dans l’association, puisque, qu’y a-t-il de commun dans ces trois personnages ? Eh bien Galatzer est celui qu’il va voir sans cesse en lui demandant de le rassurer - et on saura plus tard que c’est lui qui a donné le nom de Freud à Lanzer -, Freud est celui qui est censé faire l’ordonnance et rassurer, et d’autre part, l’ami d’adolescence qui est âgé, va le trahir. Et ces trois personnages, dans l’association, indiquent derrière Freud. C’est à ce moment-là d’après les notes qu’on voit que Freud est absolument conscient du fait que ces trois personnages, il leur est demandé la même chose qu’à lui : de la réassurance. Et dans une perspective qui est à chaque fois problématique, c’est : « le peuvent-ils ? », et « ne vont-ils pas me trahir ? ». A ce moment-là, il note, dans le journal, qu’il trouve une tonalité homosexuelle à la demande tout à fait projective qui s’exprime là-dedans. Voilà le tout début de l’adresse : les personnages qui sont là impliqués sont des personnages qui, comme une sorte de feuilleté, sont des personnes à qui s’adresse la demande.

Or, si vous allez au bout de la séance, pourquoi donne-t-elle le sentiment de complétude et de fermeture sur soi-même ? La fin de la séance - d’après le journal de l’analyse car ce n’est pas dans l’histoire du cas - se termine par la peur « que le père ne meure », pensée qui émerge en lui lorsqu’il demande aussi à sa mère de le rassurer, ajoutant donc un nouveau personnage, la mère, dans la demande de réassurance, au moment même où, justement, il pense que ses parents devinent ses pensées sexuelles. Et c’est ainsi un parcours de plus en plus approfondi, de Galatzer dans les circonstances présentes, de l’ami d’adolescence, de Freud à qui il s’adresse, et finalement de sa mère, à qui la demande d’être tranquillisé de son angoisse s’adresse. Il y a là un cycle extrêmement particulier.

Or, ce qui est important, c’est qu’à la fin de la séance se passe un moment où l’injonction originaire de Freud – « associez librement, dites ce qui vous passe par la tête » - amène à ce rappel d’une situation angoissante, c’est que « ce qui me passe par la tête, mes parents – et probablement ma mère – le sait et le devine déjà ». Ce qui nous explique – je ne sais pas comment le faire comprendre de façon bien sensible – que c’est l’Autre qui me fait penser au sexe. C’est-à-dire que c’est le fait d’être en train dans cette espèce de tension de me rapporter à quelqu’un à qui je parle et qui me devine, qui dans cette situation où je suis deviné me fait penser au sexe. Et ce que j’aimerais que vous perceviez, c’est que la situation même de demande d’association libre ravive de façon structurale – d’autant que c’est la première fois qu’on fait ce coup-là à quelqu’un ! – l’idée que Freud non seulement devine, mais fait penser au sexe, et particulièrement à tout ce phallicisme infantile qui fait le contenu même de la séance.

Je vais étaler les choses sur un schéma en came. Une [came], c’est une bande de Möbius, mais c’est plus facile à représenter. Vous avez un énoncé, et puis à l’envers, on arrive à la position d’énonciation. Ce qui fait le fonctionnement du dispositif, c’est ceci. Quand quelqu’un dit « je me sens mal » - je prends cette formule parce que ça permet de faire apparaître syntaxiquement le sujet d’énoncé « je », et le sujet d’énonciation « moi » : celui qui parle. Comment est-ce que le patient va élaborer le passage de l’un à l’autre ? C’est-à-dire : comment la séance se clôt, se referme, précisément lorsque l’envers de l’énoncé, quelque chose comme la prise de conscience de la position d’où je parle, vient coïncider exactement avec l’éclairage sur pourquoi il parle de Galatzer, puis de son ami, etc. Il arrive à la fin de cette première séance à cerner le point où il se trouve comme sujet d’énonciation, par rapport à ce qui lui est venu en tant que « moi parlant » au tout début de cette séance : « je suis venu voir Galatzer », etc. Ce n’est qu’à la fin que la demande d’aide par une régression à la fois chronologique à la petite enfance, et par une régression aux figures plus fondamentales de la demande d’aide, de l’appel au secours, finit par coïncider avec la position de l’enfant qui se plaint à sa mère de ses érections. Et c’est à ce moment-là que, se plaignant de ses érections, l’association suivante est : « mais à l’époque, je craignais que mes parents ne devinent mes pensées ». Freud se trouve ne quelque sorte l’opérateur de renversement de ces positions l’une dans l’autre, où on passe d’une position du moi par rapport à l’Autre auquel il s’identifie, à la position du sujet. Freud, dans le champ de l’Autre, est l’opérateur qui permet ce renversement. Et la séance, c’est l’hypothèse que je vous propose, donne cette impression tout à fait frappante de fermeture et d’accès direct à la position d’énonciation à partir de ce parcours et de cette opération.

Vous savez que chez Lacan, la justification ultime de la scansion, c’est ça : c’est qu’on scande, lorsqu’on peut faire entendre à quelqu’un où est la position d’énonciation de ce qu’il dit dans ce dont il est parti - pensait-il de manière incidente -, pour le ramener à partir de ce dont il est parti, à là d’où il le disait. Quand ce système de bouclage est opéré, la scansion est légitime, puisque le problème n’est pas tant de la prise de conscience de l’endroit d’où je parle, mais qu’on fasse le « tour » de quelque chose qui est ici l’objet (a).

 

 

 

                                                                   énoncé

                                                          m/i(a)

                       

                   Galatzer/Loewy                                      Freud    A  

           

          Mlle Peter/Rudolph

                                                                            énonciation

     Palpe et regarde les                                S

organes génitaux de la bonne                                                              

                                                                   ? (a)                      « …que mon père meure »

          Mlle Paula/Lina

                                                                                                 sentiment de devinement

              rivalité avec le petit

                             frère Robert                                         Il se plaint de ses érections à sa mère

 

                                                      « il est homosexuel »     (Freud)

 

 

C’est bien sûr pourquoi – voyez où je veux en venir – la construction de ce dispositif vous fait sentir que les rats ne peuvent pas apparaître d’emblée. Les rats ne peuvent apparaître tout de suite, car ils ne sont pas un objet psychique ou une représentation, mais avant tout un enjeu transférentiel dans le rapport à la mère, dans le rapport à Galatzer, probablement aussi dans le rapport à l’ami de jeunesse, mais ça on ne le sait pas, et en tout cas dans le rapport à Freud et à la dame et au père, etc., précisément lorsque l’ensemble de ce dispositif a établi les rats dans leur statut tout à fait particulier. Bien sûr tout dépend de la position de Freud, puisque vous voyez sur ce type de schéma, tout dépend de la façon dont le champ de l’Autre est articulé pour figurer ceci. Vous voyez donc ainsi la série d’Autres dans l’adresse de la demande, de l’appel au secours - Galatzer, l’ami de jeunesse, Freud, maman - et la séance se clôt une fois que ceux à qui il s’adresse et dont le premier Galatzer est celui qui l’adresse à Freud, sont renvoyés aux positions subjectives que le dispositif même de la cure permet de raviver.

Je mets entre guillemets l’idée de prise de conscience, parce qu’il n’y a pas vraiment de prise de conscience. C’est transparent avec un schéma de ce genre. Au lieu d’une prise de conscience, c’est la chute de l’objet chez Lacan qui est la norme de l’achèvement d’une séance. Une prise de conscience, ce serait un schéma en spirale, et non pas en came, dans lequel il y a des enveloppements successifs dans lequel on prend conscience à chaque tour du tout qu’on a fait précédemment. Or, ce genre de chose est imaginaire, et l’idée que Lacan a développée, c’est que pour qu’il y ait bien une fin, pour qu’il puisse y avoir une scansion de la séance mais aussi une fin d’analyse, il faut que la spirale se boucle et détache un certain type d’objet. Tandis que bien évidemment, une stratégie obsessionnelle a pour principe d’être la prise de conscience d’une prise de conscience précédente par rapport à une prise de conscience future.

En tout cas, ce autour de quoi « ça tourne », on pourrait le décrire autour de deux thèmes : c’est l’amour dupé par une fourberie. Puisqu’en fait, c’est ça avec Loewy. Loewy fait semblant d’être l’ami du patient, pour s’introduire dans la maison familiale et séduire la sœur. Et d’autre part, l’échec de la réassurance. Puisqu’il revient toujours chez Galatzer : « suis-je un criminel ? », lui demande-t-il, et l’autre lui répond : « mais non, c’est parce qu’on t’a toujours habitué à penser comme ça, et tu vois des crimes partout ! ». Si on prend les choses ainsi, vous voyez bien qu’on reste dans une problématique que je dirai narcissique avant la lettre, c’est qu’au fond, il s’agit toujours de consolider du moi. C’est le traitement moral contemporain, chez Janet par exemple… On pourrait parfaitement imaginer, et c’est ce qui s’est passé avec Wagner von Jauregg, quand il est allé le voir, une réponse à ce niveau-là, de réassurance. Ce que Freud ne se rend pas compte avec ce qu’il a déclenché avec ce patient dont il se sert de cobaye avec la méthode de l’association libre – puisque un cobaye, c’est bien une forme de rat, et le gars est pris au piège dans le dispositif, il ne faut pas se leurrer sur l’expérimentation un peu diabolique que tente ici Freud en l’abandonnant à l’association libre -, c’est qu’on ne sort de ceci qu’à partir du moment où au lieu de ce autour de quoi on tourne, c’est incomblable, à jamais inaccessible, c’est à la place du point d’interrogation, c’est là où les rats vont apparaître, et c’est ce dont une manière un peu abstraite Lacan cerne avec l’idée de l’objet (a).

Ce qui est extrêmement curieux et qui frappe Freud au point qu’il le note dans le journal, c’est qu’il poursuit alors, une fois qu’il a parlé de Galatzer, « sans transition » - ce qui fait sursauter Freud lui-même qui ne pensait pas que l’association libre pouvait à ce point introduire des transitions qui ne sont pas celles qui sont attendues - puisqu’après avoir dit que la trahison de Loewy était le grand ébranlement de sa vie, il attaque de but en blanc : « Ma vie sexuelle a commencé très tôt ». Allez savoir pourquoi…

On va donc étaler les choses comme si l’on était sur une bande de Möbius. Vous avez donc Mlle Peter en vrai, et dans le cas publié, elle est anonymisée sous le nom de Mme Rudolph. Ensuite, il palpe et regarde ses organes génitaux – disons ses pudenda. A partir de ça, vous avez un deuxième personnage qui intervient, qui s’appelle Paula, la deuxième gouvernante anonymisée sous le nom de Lina. Je vous fais remarquer que le prénom qu’invente Freud c’est Paul pour son patient – ça n’apparaît qu’à un seul endroit dans le cas, et c’est à cet endroit-là -, or, il choisit comme prénom pour Ernst le véritable nom, mais masculinisé, de la seconde bonne d’enfant. Et c’est avec Mlle Paula que se fait le lien, puisque le frère Robert, bien que plus jeune de 18 mois, serait censé pouvoir, lui, réussir à avoir des rapports sexuels. A ce moment-là, il y a une remarque de Freud dans le développement du cas, où il se dit, « Ce type est homosexuel ». Il ne le dit pas sous cette forme-là, mais je vais le mettre comme ça. Et c’est dans la continuation de ces étranges associations, je les étale sur ce parcours, qu’il se plaint d’érections à sa mère, qu’il a un sentiment de devinement – j’emploie le terme psychiatrique - et l’idée à la fin de la séance, « que mon père meure ».

Comme j’ai expliqué l’an dernier quelle était l’équivoque quand on construit des propositions avec « que », je le garde comme ça, puisqu’à la fois c’est la proposition attitudinalisée, « je crains que p », et si vous la détachez, vous avez la figure du souhait : si je vous dis « que mon père meure », ça ne peut s’entendre en français que comme un souhait, et en allemand, avec dass, on a un certain nombre de choses symétriques, c’est-à-dire que lorsqu’on construit des phrases détachées avec uniquement « que », on a une figure du souhait, voire de l’ordre. A ce moment-là, dans les notes du journal, Freud sursaute - c’est la dernière mention d’intervention de la séance – car il découvre à la fin de la séance que le père du patient est mort, et depuis un certain nombre d’années. C’est ça qui sert de coupure.

Je voudrais vous montrer pourquoi cette coupure fait apparaître de façon extrêmement nette une position d’énonciation cachée dans les adresses à ces autres imaginaires, jusqu’à ce qu’on arrive à la mère, à laquelle il se plaint d’érections, et à ce moment-là le dispositif commence à se refermer sur lui-même, avec le sentiment de devinement - ces paroles que je dois prononcer sans m’entendre les prononcer, et qui font que mes parents savent ce que je pense - qui l’acheminent vers la figure du souhait de mort du père et vers Freud qui est le destinataire de ces paroles.

Maintenant, ce qui m’importe, c’est de voir qu’il y a un ensemble de transitions portées par l’association dont on se dit à chaque instant que ça doit pouvoir bifurquer à chaque instant, c’est contingent, et c’est uniquement à la fin et si on comprend cet espèce d’arrangement comme faisant apparaître la position d’énonciation cachée dans les premiers énoncés, c’est seulement à la fin qu’on s’aperçoit qu’elles sont réglées par leur égale proximité à quelque chose qui est toujours ceci : ce qui se passe au cœur de la came, c’est-à-dire ce autour de quoi on tourne de façon réglée de façon à ce que la séance arrive à son point de résolution naturelle, un peu comme si la question de Freud « je ne savais pas que votre père était mort » - et il note entre parenthèse « quand ? », on voit bien dans les notes manuscrites prises le soir qu’il faut qu’il lui demande, c’est ça qui fait la véritable fin de la séance.

Mais à chaque moment, l’ensemble de ce parcours associatif n’est pas réglé par quelque chose qui serait « entre » les représentations, mais par ce « autour » de quoi elles tournent. Voyez l’utilité de cette schématisation möbienne : on peut noter les séances de cette façon, ce que bien sûr je vous encourage à faire.

Maintenant, si on regarde ce qui se passe dans cette séance, ce qui donne l’impression qu’il y a un fil conducteur, ce fil conducteur qui est imaginaire, trompeur par rapport au véritable objet autour de quoi on tourne dans cette séance, c’est un exposé sur sa sexualité infantile, marqué par deux choses : primo, il n’y est absolument pas question de souvenirs refoulés, puisque tout est parfaitement conscient, Ernst l’énumère dans toutes ces figures sans trop savoir ce qu’il fait. Autrement dit, cette description de sa sexualité infantile, c’est une objectivation sexologique et non psychanalytique de ce qui s’est passé dans son enfance. Je vous signale d’ailleurs qu’il disposait, on le sait aujourd’hui, de toutes sortes de choses, de Möbius – le petit fils, qui était un sexologue, du mathématicien Paul Möbius qui avait inventé la bande de Möbius -, on connaissait également Moll, l’idée de parler de la sexualité qu’on a eu quand on était un enfant, contrairement à ce qu’on peut s’imaginer avec l’ignorance de l’histoire effective, ce n’était absolument pas original, à l’époque. Ce sont les historiens catastrophiques de la psychanalyse qui ont fait croire que c’était original, mais on a des tas de récits où les gens se rappelaient de ce qui s’était passé avec leur sexualité quand il était petit. Donc, pourquoi est-ce que ce n’est pas psychanalytique ? Parce que c’est un fil conducteur imaginaire qui reste à tout moment conscient : il se rappelle et déplie des souvenirs explicites. Ce qui manque dans ce récit, c’est précisément ce qui est l’apport freudien proprement dit, soit de considérer que cela donne des indices sur le caractère infantile de la sexualité de l’adulte, et non pas sur le caractère incomplet, du point de vue de l’adulte, de la sexualité de l’enfant. L’infantile, c’est l’infantilisme qui frappe la sexualité de l’adulte. Or, secundo, cet égard, il faut entendre d’une autre manière ce que dit le patient. Il faut entendre en particulier comme s’écrivant en lettres de feu dans l’âme de l’enfant, comme on disait à l’époque – Kinderseele – la phrase de Mlle Paula, qui dit « Ah non, avec Ernst, lui il passera sûrement à côté ! Avec Robert, on pourrait encore le faire, mais l’autre, il passera sûrement à côté, il est trop maladroit ». Sans oublier que lorsqu’il commence à fondre en larmes parce qu’il ne comprend pas exactement de quoi il s’agit sauf qu’il a touché à quelque chose qui est mystérieusement désirable chez l’Autre, et qui pleure de manquer ce point d’interrogation – voyez le schéma -, ce désirable qu’il y a chez l’Autre auquel il s’adresse, elle lui raconte « Oui, mais tu sais, il y a une bonne que je connais et qui a fait ça avec un enfant, elle est en prison… ». Etonnez-vous ensuite que lors des entretiens préliminaires, les obsessions saisissent Ernst spécialement lorsqu’il rédige – puisque c’est un avocat pénaliste - des cas pénaux ! Je crois que cet « Il passera sûrement à côté » est tout à fait une promesse fatale venue de l’enfance qui doit régler les rapports d’Ernst à la dame. Je me demande d’ailleurs si avec l’attention que Freud avait à cause de sa propre auto-analyse à ce type de paroles précoces, s’il n’y a pas entendu une sorte de répétition de la phrase que son père lui avait dite au moment où il surprend le rapport sexuel de ses parents et qu’il se fait sortir de la chambre : « On arrivera jamais à rien avec ce garçon ! ». Pourquoi note-t-il ça ? Parce qu’il l’entend avec quelque chose qui est absolument en cause dans son idée de l’inconscient et de l’Œdipe. Il le prélève à ce niveau-là.

Je vais passer maintenant à ce problème spécial et qui fait l’objet presque essentiel du texte de la seconde séance, qui est la phrase terrible « Je souffrais d’érections, et une fois je me souviens que je m’en suis même plaint à ma mère ». Souffrir d’érections est comme vous le savez un signe pathognomonique qui se retrouve mécaniquement dans tout analyse d’obsessionnel. Il n’y a jamais eu d’histoire suffisamment analysée dans laquelle vous n’ayez pas ce problème particulier de l’embarras extrême qui là va jusqu’à la souffrance, devant des manifestations ultra-précoces et fondamentalement déplacées de la sexualité chez les enfants. Je ne dis pas que ça vient à la première séance, mais ça ne peut que venir dans une structure obsessionnelle même si ça peut prendre un certain nombre d’années à sortir.

Ça pose un certain nombre de problèmes connus dans la pratique, que je vais énumérer.

D’abord, c’est l’étrange culpabilité qui s’attache chez l’obsessionnel à ce genre de choses. Culpabilité extrêmement curieuse, puisqu’alors même qu’il n’y a pas les moyens physiologiques de l’éjaculation ni de l’orgasme, le type de plaisir qui est pris là semble être aussi coupable que la masturbation à l’adolescence. Il est même d’autant plus coupable que souvent, plus intenses ont été les manifestations d’érections douloureuses, pénibles et désagréables dans la petite enfance, plus pauvre voire absente est la masturbation à l’adolescence, chez les obsessionnels. La jouissance qu’ils en tirent, d’autre part, est particulière. C’est une jouissance vaine, sèche, qui est plus une surexcitation de l’organe dont le principal résultat est de plonger les enfants dans une perplexité dépressive extrêmement intense. Or il ne faut jamais perdre de vue, que du point de vue qui est celui de Lacan, lorsqu’on dit que « le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre », il est totalement faux de croire qu’il y aurait là une sorte de naissance spontanée de l’excitation érotique à regarder sous les jupes des bonnes qui viendrait par on ne sait quel mécanisme phylogénétique chez le petit Viennois standard d’avant la guerre de 14. Il est bien évident que ce regard intéressé par ce qui se passe sous les jupes des bonnes, c’est le regard des autres domestiques regardant ce qui se passe sous les jupes des bonnes, et c’est bien évidemment le regard du père ! Ça ne s’attrape pas comme ça un regard, ça ne naît pas de l’intérieur comme je ne sais quel développement spontané de notre psychisme. C’est un désir qui est implanté chez l’enfant, et c’est en cela qu’il est parasitaire et problématique : c’est que c’est l’œil phallique des hommes adultes - et on peut le parier, du père concret de l’enfant - vient parasiter le psychisme du gamin, et d’une certaine manière mettre en batterie son désir d’une manière incoercible qui fait qu’il sent bien, lorsque les bonnes passent, il y a des frôlements de robe, il y a des regards qui tournent, qui plongent dans les soutiens-gorge ou des choses de ce genre, et le gamin attrape l’érotisation du désir dans les yeux et les mouvements des adultes qui sont autour de lui. C’est ça l’idée que le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre : c’est que le désir ça ne vient pas de l’intérieur par une sorte d’efflorescence spontanée qui fait que nous saurions par je ne sais quel mécanisme génétique que sous les jupes il y a des jupons, et sous les jupons il y a des choses extrêmement intéressantes ! C’est fonction du dispositif dans lequel on est pris. C’est important, parce que s’il y a une chose radicalement méconnue chez l’obsessionnel, et qui est la condition de sa culpabilité, c’est de croire que son désir lui est venu de lui-même, et d’avoir énormément de mal et même je dirai le peut-on jamais, considérer que c’était le désir d’un Autre qui l’a parasité, que justement, c’est autour de son désir parasitique d’un Autre qu’il a fabriqué la coquille de son moi avec auto-accusation à la clef pour justement préserver une identité narcissique autour de cet objet fondamentalement mauvais venu de l’extérieur, et qui, de sa radicale extériorité, le travaille du dedans.

Voyez en quoi le schéma que j’ai mis au tableau rectifie ce qui est en réalité la croyance imaginaire du sujet, qui est « Regardez quel sale petit cochon je suis, et à quel point de désespoir j’en étais arrivé lorsque j’ai demandé à ma maman ce qui m’arrivait lorsque j’étais en érection ! » Et donc, à partir du moment où vous voyez bien que ce désir-là lui vient non pas de n’importe quel autre mais des regards du père traversant les jupes de ses bonnes –même si Mahony n’a pas cherché à vérifier que Lanzer père pinçait les fesses de ses bonnes -, mais néanmoins, son regard passait à travers les jupes, et ça, ça n’a pas échappé à son môme. Vous voyez aussi qu’avec cet œil phallique greffé à l’intérieur de ses orbites, le problème est pour Ernst de ne pas être vu du regard interdicteur des femmes, qui détournent cet œil. A la place de l’œil vous avez donc un phallus, et ce qui joue la fonction du regard est un regard interdicteur qui vient des femmes, et particulièrement de la mère qui avait l’air d’être une sacrée coriace.

Deuxième type de problème que nous pose l’analyse de Freud ici, et qui parcourt l’histoire de la psychanalyse. Est-ce là la racine de l’intellectualisation ? Est-ce que ce type de stimulation épistémophile comme on arrive à dire parfois, soit l’avidité visuelle du petit obsessionnel est  la racine de son voyeurisme – puisque vous savez bien que l’obsessionnel aime bien se mettre plein les yeux de toute sorte de choses, c’est parmi eux qu’on recrute les pauvres gars qui se font gauler avec des cassettes pédophiles, et la preuve en est que ce sont les seuls qui se sentent coupables et qui se suicident… - ou l’épistémophilie comme étant à la racine de cette espèce de demande constante de savoir ?

Il y a une expression qui m’avait beaucoup frappée, que propose Melman pour essayer de caractériser ceci, il dit au fond que la jouissance pénienne chez le petit qui s’excite, chez le futur obsessionnel qui s’excite de manière sèche et vaine, est d’une certaine manière toute « spirituelle », comme désincarnée, une sorte d’érectibilité mentale du désir, qui est médiée effectivement par un organe, mais qui garde une sorte de dimension fondamentalement non charnelle. Je crois que ce n’est pas du tout ce que dit le patient ici, et dans les 3 ou 4 cas que je connais et pour lesquels l’analyse a pu aller assez loin pour explorer minutieusement cette dimension, je ne crois pas qu’on puisse voir là dedans la vulgate que se joue dans la curiosité de l’obsessionnel la naissance de son intérêt intellectuel ou de son voyeurisme.

Parce que c’est beaucoup moins, ce qui est en cause, la curiosité pour le sexe féminin, que la perplexité du jeune Ernst à l’égard de ce désir de voir. Autrement dit, ce n’est pas le désir qui est curieux, ce qui est curieux, c’est de désirer ! C’est l’attitude qui est curieuse, l’attitude de désir, et non le désir qui serait spécialement curieux. Il est si perplexe à l’égard de son désir, que ce serait bien si le petit enfant obsessionnel pouvait y trouver comme Freud va le dire rapidement et à mon avis tout à fait à faux, un Lust, un désir-plaisir. Le problème, c’est plutôt qu’est-ce que ce Lust vient faire chez moi ? C’est-à-dire qu’il y a un sentiment d’extériorité, voire de parasitisme à l’égard de ce désir, qui renverse plutôt sur son versant pénible, le caractère d’implant pénien qu’est cette érection qui n’a aucun sens, cette tension du regard vers quelque chose qui est déplacé, chez le petit, et qui est non seulement déplacé, mais implanté là par un désir énigmatique, dont il n’a pas les clefs. Et ce qui redouble justement la curiosité de la chose – Freud écrit « kurios », mot qui semble-t-il est beaucoup moins employé en allemand pour la « curiosité », et je pense qu’il le note parce que ça note comme kouros en grec qui veut dire « jeune homme » et qu’il doit y voir une équivoque de type homosexuel -, c’est que non seulement je suis perplexe à l’égard de la présence en moi de ce désir-là, mais Mlle Rudolph / Peter et surtout Paula / Lina n’y sont pas indifférentes. C’est-à-dire que quelque part, cette chose énigmatique qui me parasite, correspond à une chose d’une valeur = x pour les personnes qui s’occupent de moi.

Il y a deux manières de traiter la chose. Soit vous avez recours à une conceptualité un peu faible. Par exemple, vous dites que c’est un cas « d’objet-source » à la Laplanche, c’est-à-dire un truc implanté parasitique, au bord de l’appareil psychique, qui devrait être à l’extérieur et qui se trouve être à l’intérieur de l’intérieur et qui excite fondamentalement le sujet. C’est la manière dont Laplanche caractérise ce qu’il appelle l’objet-source. Soit vous allez plus loin, à la source même de l’objet-source laplanchien, et vous allez à l’idée de l’objet cause du désir.

Je vous rappelle que le grand renversement lacanien sur le désir, consiste à dire que lorsque nous parlons de l’objet du désir, il ne faut pas se le représenter comme étant ce qui est désiré devant l’élan désirant. Bien sûr, il y a « ce qui est désiré » au sens du complément d’objet du verbe « désirer », qui est « je désire cette femme, cette glace au chocolat » ou tout ce que vous voulez. Ce que veut dire Lacan en parlant d’objet (a) et d’objet cause, c’est de ce qui est en amont du désir, et qui est présenté sous forme d’objet ce qui est en cause dans le désir en tant que processus, en tant qu’élan, et qui n’a aucune chance de ce retrouver jamais sous la forme des choses désirables que nous retrouvons dans la réalité. Chacune des choses désirables que nous retrouvons dans la réalité n’est autre chose qu’un modèle substitutif de l’objet du désir, parce que l’objet-cause du désir est ce qui « met en cause » justement le désir, et c’est un point fondamentalement dérobé en amont de ce désir.

Or, justement, quel est cet amont radical ? Il me semble clair que c’est l’usurpation de la position de l’œil du père, ou de l’œil des hommes adultes « voyeurs de bonnes ». C’est cette position-là radicalement antérieure et en amont qui est en cause. Et je vous ferai remarquer que ce n’est certainement pas pour rien que la crise gigantesque est déclenchée, chez l’homme aux rats, par la perte d’un objet fort significatif, qui n’est pas un objet à voir, mais un objet qui sert à voir : des lorgnons. Qu’il faut bien entendre, dans la traduction que je propose par un : « Lorgnons ! Lorgnons sur ces bonnes qui passent ! », ou bien, ce que je vous propose d’écrire des « baisicles », que j’écris comme ça dans la traduction véritablement lacanienne de L’homme aux rats… Je vous ferais aussi remarquer aussi, que dans le dispositif de masturbation quand il est étudiant, qu’est-ce qui se passe, où est l’œil phallique ? Eh bien il se masturbe devant un miroir – tantôt c’est devant un miroir, et tantôt il installe un miroir sous ses jambes et se masturbe dessus pour pouvoir voir son anus – en attendant quoi ? Le regard du père mort auquel il ouvrirait la porte.

C’est une indication - à nouveau pour les cas de névroses obsessionnelles qu’on peut analyser suffisamment loin pour que les choses atteignent ce degré de saisie structurale – très importante sur la question énigmatique de la masturbation chez les obsessionnels. Parce que je crois que le nœud où se condensent – dans les quelques cas que j’ai pu suivre assez loin – la jouissance et la culpabilité, implique de structure la présence du regard du père mort. Ce n’est parfois pas du tout évident, c’est parfois par le biais d’associations indirectes, je pense que ce n’est même pas énonçable, du cœur de ce que c’est qu’une névrose obsessionnelle, mais en tout cas c’est un repérage qu’il ne faut jamais perdre de vue et qui rend parfois difficile à un homme d’analyser un obsessionnel, dans la mesure où il faut vraiment avoir quelque chose comme un mélange entre les yeux fermés et l’affirmation constante qu’on est bien vivant dans le fauteuil pour rendre possible l’articulation d’un tel rapport à ce que c’est que le regard du père mort. Parce que ce sont des points qui mettent – ça existe, c’est rare – des obsessionnels au bord de la décompensation.

Ce que je vous dis aboutit à un paradoxe. Car au moment où Ernst Lanzer est entrain de parler de ses scrupules épouvantables qu’il a à vouloir voir des femmes nues, des fesses, des seins, des sexes de femme, etc. - et Dieu sait si on lui en a montré jusqu’à plus soif quand il était petit garçon - pourquoi l’exemple du scrupule qui lui vient, et qui est le cœur du scrupule, bien évidemment, ce n’est pas un Beispiel comme ça, c’est « la chose même » comme dit Freud, c’est la mort du père ?

Ça paraît paradoxal dans la mesure où on aurait plus tôt envisagé que s’identifier au père et maintenir le père vivant soit un moyen de perpétuer ce qu’il en est de la dimension de désir, de Lust, de plaisir-désir que Freud met en évidence dans la volonté de voir. Je crois que c’est l’analyse des enfants qui doit un peu nous guider.

Je mets de côté les enfants qui présentent précocément des signes de névrose obsessionnelle qu’on n’observe d’habitude que chez les adultes. Ceux-là, dont le prototype est la petite Erna chez Melanie Klein, leur destin ne fait de doute pour personne, ils finissent paranoïaque, ce n’est pas de la névrose obsessionnelle. Un petit qui a des rituels de lavage, des doutes compulsifs à 5 ou 6 ans, ce n’est pas une névrose obsessionnelle, même s’il est très frappant de voir chez des touts petits des constructions obsessionnelles de ce type-là.

Mais je vais plutôt m’intéresser à cette peur courante et très particulière dans la clinique des enfants, qui est la peur que papa ne disparaisse, que papa ne meurt. Je crois que l’attitude correcte à l’égard de ce type de sentiments chez les enfants, ça consiste à leur reconnaître la conscience que chez les papas, tous les morceaux ne se valent pas. Ce que je veux dire par là, c’est que tous les morceaux ne sont pas équivalents, surtout quand il s’agit de désirer et de se faire désirer, et que la fragilité qui atteint le père, c’est la grande difficulté que tout petit garçon peut éprouver à un moment à constituer son père comme une personne chez laquelle ces morceaux vont effectivement tenir ensemble, et ne pas se balader à gauche et à droite, et à le parasiter, lui. Je crois que chez les enfants, la rencontre angoissante du féminin comme pression sur le père, comme quelque chose qui, chez le père, va aller regarder et saisir un morceau de voix, un regard, une gestuelle, une prestance, etc., et à décomposer et fracturer ce qui est simplement une image du père et de son corps, en le tirant et tiraillant dans tous les sens, pose la question à l’enfant des ressources dont il dispose à partir de son image propre pour essayer de faire tenir cette image du père, et de constituer une personne totale à laquelle l’enfant lui-même puisse s’identifier comme un « petit homme ».

A cet égard, pour parler kleinien, une surexcitation sexuelle - une surexcitation en général puisque quand on envoie un gamin chez le psy, c’est qu’il est intenable – surexcitation dont il est très difficile d’apercevoir la texture sexuelle, qui fait que quelque fois ces gamins sont traités au titre de déficit neurochimique particulier, trouble de l’attention, hyperexcitabilité, etc., qu’est-ce que ça provoque ? Une fois qu’il y a des morceaux du père, qui ont commencé à se balader chez le gamin, et des morceaux entièrement déplacés, par exemple de puissances motrices, de regards, d’interpellation, de poussées de voix qui viennent déchirer la possibilité même d’avoir une image globale, eh bien, pour parler kleinien, c’est la position dépressive comme condition de la reconstitution de l’image de la personne totale qui est bloquée. Ce que Winnicott appelle les états « agités » par rapport aux états « tranquilles » qui font que cette surexcitation ne nuit à la constitution de la personne du petit homme que parce qu’elle empêche la stabilisation dans une image pleine de la personne totale du père. Et vous voyez pourquoi on peut avoir en ces lieux de démembrement et d’incapacité à remembrer - ce qu’on appelle classiquement une régression sadique-anale.

A cet égard, je voudrais un peu approfondir les choses, parce que ce sont des zones qui ne sont pas souvent explorées, et qui sont souvent confondues avec ce qu’on appelle du prégénital, ou des choses comme ça, alors qu’il s’agit bien non pas du prégénital, mais du pré-oedipien. Le problème est la mise à l’abri pour le petit garçon du pénis paternel. Mise à l’abri du pénis paternel… j’y vais peut-être fort en disant qu’il est « paternel », il ne l’est pas encore, et c’est plus exactement la mise à l’abri du pénis. Or, s’il y a bien une des rares choses vraie et sûre dans la psychanalyse des enfants, c’est qu’il n’y a qu’un seul endroit où le pénis est à l’abri, c’est l’anus, et le rectum, parce que là, sa forme absente se conserve dans l’absence elle-même. Tout ce que vous pouvez lire sur le fameux « pénis creux anal » chez les analystes d’enfants, c’est tout simplement que le premier lieu où le pénis du père est à l’abri, c’est effectivement dans cette forme qui elle ne peut pas être perdue, parce qu’elle est un vide, et qui sert de proto-symbolisation sans quoi vous ne pouvez pas avoir la symbolisation phallique. Le pénis creux anal étant le lieu où est rendu indestructible par le fait même qu’il est absent, la forme du pénis.

Mais dans la névrose obsessionnelle, c’est ce qui vous rend particulièrement sensible, soit quand on voit des enfants dont on pense qu’ils vont devenir obsessionnel, soit quand on a même – et c’est un point de convergence qui est très évocateur cliniquement – des adultes qui sont capables de se rappeler des rituels de propreté qu’on leur a proposé, c’est que vous voyez bien que la défécation devient d’autant plus anxiogène qu’elle est le lieu d’extorsion de ce pénis creux anal, qui est le lieu où a été mis à l’abri le pénis du père. C’est-à-dire que la perte de l’étron devient symboliquement dans cette espèce de proto-symbolisme essentiel à la structuration psychique, la perte de l’étron devient une extorsion d’autant plus redoutable que là où se loge le regard scrutateur, la surveillance ou l’attention maternelle, vient attaquer un lieu de recel préservé, qui est quelque chose qui est dans les strates les plus profondes de l’inconscient – on ne le croirait pas s’il n’y avait pas d’analyse d’enfants, parce qu’il y a peu d’adultes qui sont capables de régresser à ce point-là, ou alors ce sont des adultes qui ont lu Melanie Klein –, je crois que ces extorsions se montrent chez les plus graves obsédés à un endroit très précis : c’est qu’elle est toujours impliquée dans leur frigidité absolue. Je parle des obsédés qui n’ont jamais eu de rapports sexuels de toute leur vie.

Ce n’est pas extrêmement courant, parce qu’en général on a des obsédés suffisamment hystérisés pour qu’il y ait eu une vie sexuelle, mais j’ai pu discuter ici très longuement du cas de quelqu’un qui n’avait jamais eu de rapports sexuels, et dont la constitution psychique est d’une obsessionnalité tellement grave et sédimentée qu’à 50 ans et pratiquement 60 maintenant depuis que je le vois – ce qui est frappant, c’est que cet abri anal du pénis creux est si parfait, qu’il n’y a aucune raison de ressortir le pénis de là, pour qu’il serve à des fins génitales, au sens où là où il est, il y est parfaitement. Et je vous donnerais juste comme ça une illustration clinique en passant puisque j’ai déjà parlé de ce patient, un des moments les plus impressionnants de sa recherche de la « cause » de sa maladie, lorsqu’il était étudiant, c’était lorsqu’il déféquait, de scruter ses propres excréments à la recherche d’une anomalie qui pouvait expliquer ses doutes, ses ruminations, ses maux de tête, etc. Et un jour, que ne trouve-t-il pas dans un de ses étrons, une tête d’asperge ! Laquelle tête d’asperge a voyagé de laboratoire en laboratoire jusqu’à ce qu’elle soit identifiée comme une tête d’asperge parce que l’objet étrange qui apparaissait au milieu de l’étron lui avait paru dans son étrangeté même une cause irréfutable. La déception terrible du patient lorsqu’il a découvert que c’était juste une tête d’asperge, lorsque les résultats de l’examen sont venus du laboratoire – il a fait plusieurs laboratoire avec son étron, il y a vraiment là une sorte d’attachement fort parlant à la cause cachée à l’intérieur du corps – cette tête d’asperge, à aucun moment, il ne lui a traversé l’esprit qu’elle était un symbole phallique de ce qui se serait malheureusement décomposé en lui.

C’est pourquoi, lorsqu’on parle du vœu de mort du père – après cette longue digression, je reviens à cette mort du père -, « que mon père meure », évidemment, pris isolément, c’est un vœu. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce vœu est aussi une conservation limite du père, puisque le vœu ici sacrilège est un moyen détourné de maintenir le père. Comme dit Winnicott, d’une manière qui m’a toujours beaucoup surpris mais qui est constante chez lui, c’est pourquoi on oublie à force de faire des analyses d’adulte, que l’angoisse de castration est réparatrice. On la voit essentiellement sur le mode douloureux pour le névrosé sans se rendre compte qu’il est encore heureux que le névrosé ait accès à cette douleur-là, puisqu’elle prouve bien, dit Winnicott, que le père a été constitué comme agent de la castration, et qu’ayant été constitué comme agent de la castration, il est constitué comme une personne totale. Et on pourrait parfaitement bien imaginer un point – et c’est toujours les points-limites auxquels Winnicott s’est toujours intéressé – où il n’y ait justement pas d’accès au père comme agent (ni donc comme personne totale) de la castration, ce qui fait qu’il deviendrait impossible, dans la position dépressive, de s’identifier à ce père agent comme personne, avec les effets de dislocation et de délabrement que Winnicott a bien explorés. Et donc l’angoisse de castration est réparatrice, parce qu’elle est le résultat « heureux » de la construction du père comme personne totale. Pour pouvoir perdre le père, il faut déjà l’avoir eu ; c’est le lien mystérieux qu’il y a entre la possibilité de perdre le père et d’en faire son deuil, et l’acceptation que le père soit castrateur. Puisque le nœud se trouve ici : n’est castrateur qu’un père qui est un agent, et constitué comme tel.

C’est à ce moment-là que Freud sursaute, et dit « Ah ! Le père est déjà mort ! ». Ce qui prouve quoi, dans son sursaut ? Ce qui prouve que c’est un drôle de père qui a traversé l’entretien préliminaire et la première séance : un père qui est maintenu vivant dans l’élément du sens, alors qu’il est mort dans l’élément de la réalité. Vivant dans l’élément du sens, puisque tout d’un coup il s’aperçoit que jusqu’ici, le père faisait partie de la constitution même de l’échange avec le patient que le père était bien partie prenante dans l’échange. On est là exactement sur la charnière problématique qu’on va retrouver quand on va parler de la névrose obsessionnelle cette année, qui est la question limite de savoir quel est le statut du père. On est toujours au bord d’une régression qui nous engagerait sur une pente où le père ne serait pas une personne totale, où on n’aurait pas réussi à constituer le père comme personne totale, ce qui fait en particulier que son œil phallique est entrain de se balader à des endroits où il ne devrait pas, et à s’implanter de manière parasitaire chez l’enfant. Mais si on constitue le père comme personne totale, ça veut dire qu’on a fabriqué l’agent même de la castration, et dans ce cas, eh bien c’est bien embêtant, parce l’angoisse redouble. C’est dans cette oscillation entre les deux positions - qui fait qu’on est obligé pour saisir la difficulté à laquelle se heurte Freud de se référer aux problèmes que se sont posés Melanie Klein et Winnicott devant des gamins, en se demandant où étaient les ancêtres infantiles de la névrose obsessionnelle -, c’est dans cette espèce de charnière-là qu’on voit les problèmes radicaux qui se posent chez le patient.

 

*

 

Dans la deuxième partie non pas du journal puisque ça s’arrête là, j’ai suivi la linéarité que j’ai étalée au tableau, mais dans la deuxième partie de l’histoire du cas, Freud se livre alors – c’est la deuxième partie de mon exposé ce soir – à une élaboration théorique qui court à partir de la page 142 sur ce qu’il vient d’apporter.

Cette élaboration théorique a une propriété, c’est qu’elle probablement entièrement fausse. Elle est entièrement fausse d’une manière qui est amusante, c’est-à-dire que c’est une pure et simple élucubration que nous raconte Freud, qui porte sur trois points.

D’abord une genèse de l’idée de contrainte de l’envie de voir des femmes nues. L’envie de voir des femmes nues, comment est-ce que ça a pu être la genèse des idées de contrainte de l’âge adulte. Deuxième chose, il fait l’hypothèse en accord d’ailleurs avec ce qu’il répétera encore tardivement dans Inhibition, symptôme et angoisse, ce qu’il avait dit d’ailleurs dans la correspondance avec Fliess, il fait l’hypothèse qu’il y a un écart de maturation, qu’il y a un problème de maturation du moi, qui fait que chez le petit Ernst le moi ne s’opposait pas encore à la pulsion, et que dès le moment où le moi était suffisamment mûr, il s’est opposé à la pulsion, et s’opposant à la pulsion, dans le jeu dynamique de forces, le système de la contrainte, la névrose de contrainte, s’est mise en place. Ceci est imputable à ce qui s’appelle une activité sexuelle prématurée, dit-il, qui est au principe de l’explication psychogénétique de la névrose obsessionnelle, prématurée par rapport aux capacités du moi. Et enfin, à titre de prothèse, il fait une remarque amusante sur le devinement des pensées. Autrement dit, il ne tient pas compte du fait que le devinement des pensées est intervenu à un moment très précis du déploiement de la séance. Il en fait quelque chose d’un peu bizarre et dont il ne sait pas trop quoi faire, et qui est une singularité, qu’il attribue à la pénétration psychologique de son patient, et qu’il compare à la pratique de la psychanalyse. Et à aucun moment il ne se dit – c’est sur quoi je vais travailler tout à l’heure – que ce n’est pas du tout une ressemblance contingente avec la théorie psychanalytique, c’est littéralement un effet du dispositif lui-même et des anticipations et de devinement à l’intérieur de la séance - ici, ce qui est réveillé chez le patient, c’est ce sentiment infantile de devinement. Donc, c’est une chose bizarre qu’il met de côté, et dont il donne une explication de type psychologisante.

Soit le premier point, la genèse de l’idée de contrainte dans l’idée de voir des femmes nues.

Ce sur quoi Freud veut insister, c’est que le désir, cette structure contre-volontaire qui est standard chez Freud – comment est-ce que je sais ce que je désire ? c’est ce que je ne veux surtout pas, surtout pas, sur le modèle évidemment de l’excitation masturbatoire, c’est-à-dire de la montée d’un désir dont on ne veut pas, et qui est identifié par le fait qu’on se bat contre lui avec toute la force de sa volonté. Sauf que, dit Freud, le moi ne s’est pas encore interposé. Un peu comme si vous aviez d’un côté une contre-volonté faible, et de l’autre un désir intense. Ce qui fait qu’au lieu d’avoir production de l’angoisse comme chez l’adulte, vous avez ces formes minimales un peu comme une sorte de dégradé qualitatif de l’intensité de l’angoisse, qui serait des sentiments de bizarrerie, et notamment ici d’Unheimlichkeit, d’inquiétante étrangeté, et aussi de superstition. On voit bien ce qu’il essaie de faire. Ce qu’il essaie, c’est de rendre plus affectif la logique du désir et de la contre-volonté qu’il y a dans la Traumdeutung, par exemple, plus affectif, plus sexualisé depuis la publication des Trois essais. Le but n’est pas du tout de donner une explication intellectualiste de la logique des contradictions propres à l’obsession – ce que je ne veux pas, c’est précisément ce que je désire, et plus je le désire, et plus je veux que ce ne soit surtout pas le cas ! – c’est d’essayer de faire en sorte que cette tension, qu’on peut décrire de manière verbale, beaucoup trop verbale, soit bien ce qui délimite les bords précis de l’angoisse obsessionnelle. Le raisonnement qu’il prête à l’obsédé, c’est quelque chose comme « C’est trop bon, ça va se payer ». C’est un raisonnement qui met en évidence le fait que cet excès de jouissance de vouloir voir, c’est trop bon, et que ça va se payer, par exemple de la mort du père. Mais il a un raisonnement bien étrange, parce qu’il dit que c’est d’abord une angoisse confuse, qui semble être la menace qui plane si je laisse libre court à mon envie de voir des femmes nues. Et cette imprécision est liée à la généralisation de quelque chose, une sorte de représentation, elle est rendue abstraite, et quand on interroge le patient sur ce que ça pourrait être, il répond « Eh bien, par exemple, « que mon père meure ».

C’est là que Freud dit « l’exemple est la chose même », en une formule qui est exactement celle de Hegel danss la Phénoménologie de l’esprit, et qui est un des éléments dialectiques du devenir concret de l’essence : l’essence n’est rien d’autre que la totalité de ses manifestations exemplaires, ce n’est pas une intériorité cachée et ineffable ou une chose en soi, c’est la totalité articulée rationnellement de ses manifestations essentielles. Je reviendrai un peu sur le Beispiel et sur la signification du rapport à l’exemple dans l’association, puisqu’évidemment, il n’y a pas d’analystes qui devant des propos trop abstraits, ne demande immédiatement « par exemple ? », car c’est à travers l’exemple que vient la vérité de la chose.

Mais pourquoi est-ce que je ne crois pas un mot de l’explication freudienne ? Tout simplement parce qu’elle donne la preuve que je vous avais donnée en introduction : bien loin qu’on puisse imputer à l’obsédé une logique des représentations, c’est la théorie de Freud elle-même qui ici met en œuvre une théorie des représentations séparées des affects. Après avoir dit que ce qui ne va pas chez l’obsédé, c’est qu’il a une théorie de la représentation, et que cette théorie est fondamentalement la ressource de ses généralisations, de ses abstractions et de ses évitements de l’affect, il utilise de façon abstraite la même notion de représentation au lieu de la notion d’attitudes – dont il parle très clairement au début de la partie théorique -, pour lui-même construire sa théorie. Par exemple : il traite l’exemple comme un à côté de la chose, il le traite comme si on avait des représentations dans l’association qui était comme des choses psychico-verbales juxtaposées les unes aux autres, et comme si on était passé à la chose voisine dans le cours de l’association. De la même manière, comment traite-t-il l’affect ? Il traite l’envie de voir comme une sorte de poussée biomécanique – je ne sais pas comment dire -, qui par on ne sait quel miracle, se transmuterait en un souhait que p au sens de l’attitude propositionnelle. Et p ici, c’est « que mon père meure ». On ne voit absolument pas comment une sorte de poussée affective pourrait par on ne sait quel miracle de la théorie, par quelle pétition de principe, se transformer en un souhait que p, en un souhait que le père meurt, avec une articulation logique de ce type-là. Assurément, on comprend le but de Freud. C’est d’empêcher qu’on intellectualise l’explication de l’obsession. Intellectualiser l’obsession, c’était l’explication janétienne, celle qu’on trouve chez les contemporains, en particulier chez Séglas qui est parmi les grands psychiatres de la névrose obsessionnelle de l’époque celui qui récupère l’apport analytique – au sens philosophique – de Janet, qui lui-même d’ailleurs l’emprunte à Frédéric Paulhan – le père de Jean Paulhan – cette logique des oppositions. Parce que ce qui avait intéressé et rendu fascinant le problème de l’obsession chez les contemporains de Freud, c’était que ces logiques d’opposition – ce que je désire c’est ce que je ne veux pas -, ces espèces de système de contraires donnaient l’impression d’une structuration fondamentalement logique et intentionnelle de l’esprit humain. Et cela, pour les contemporains de Freud, cela devait primer sur l’explication par l’angoisse, puisque ça rendait bien compte qu’il y avait une intentionnalité dans le réseau des obsessions, et qu’on ne pouvait pas les considérer comme des sortes de bouffées d’idées incohérentes jaillissant d’un fond d’angoisse, qui aurait été la vérité émotive de la névrose obsessionnelle. Par conséquent, la grande inquiétude de Freud, c’est que tout cela ne serve de motif à sacrifier à la possibilité de traiter en termes d’opposition et de conflits logiques, la dimension affective. D’ailleurs il ajoute une note à ce sujet, dans le cas, en disant que c’est quand même extravagant qu’on ait pu penser l’obsession sans recours à l’affect, et particulièrement à l’affect cardinal qu’est l’angoisse.

Simplement, le problème est qu’à force de désintellectualiser l’explication de l’obsession, en disant que ce ne sont que des jeux d’association et derrière, une poussée d’affects, il la désintentionnalise. Il ne se rend pas compte qu’il désintentionnalise le désir. En effet, le problème de l’angoisse est que ce n’est justement pas un état émotif brut : c’est une angoisse que mon père meure. Ce n’est pas une angoiss-état dont vous pourriez décrire la nature physiologique, c’est une angoisse qui n’est identifiée que par l’objet propositionnel auquel elle se rapporte, c’est une angoisse que mon père meurt. Et s’il n’y a pas que mon père meure, vous ne pouvez pas caractériser cet état anxieux. Ça implique bien que l’angoisse ne soit pas traitée juste comme une émotion, mais bien dans sa structure intentionnelle.

De la même nature est le contresens fait sur « l’exemple ». Laplanche note que c’est une phrase de Hegel, mais ce que Laplanche devrait faire, c’est lire Hegel, car ce que dit Hegel, ce n’est pas ça du tout. C’est que justement, la référence de Hegel analyse ce qui se passe dans les dialogues socratiques. Dans les dialogues socratiques, Socrate demande ce qu’est le beau, et le sophiste répond que le beau, c’est une belle jeune fille, ou une belle marmite. Et à chaque fois, Socrate n’a pas de mal à dire que ce qui est donné là n’est pas l’essence, mais l’exemple. C’est la pensée du concept, de l’essence, comme distinguée de l’exemple dans le dialogue socratique. Mais il faut bien se rendre compte que Beispiel en allemand, c’est l’exemple, mais c’est aussi bien l’échantillon, le type, le modèle. Autrement dit, ce n’est pas ce qu’on a au lieu de l’essence, c’est ce qui tient lieu de l’essence, c’est un petit morceau exemplaire de la chose même. Le jeu auquel se livre dans la phénoménologie de l’esprit Hegel en disant « l’exemple est la chose même », ne veut pas dire qu’on a là un jugement infini, ou comme une sorte de disjonction absolu, c’est au contraire que c’est un jugement dialectique qui fait qu’à chaque fois, effectivement, une belle jeune fille est un cas de beauté, c’est-à-dire c’est un échantillon de la beauté, de même qu’une belle marmite, dans le dialogue de Socrate avec Hippias je crois. C’est ça qui paraît intéressant : c’est que le lien ne peut jamais être un lien de disjonction mécanique de représentations à représentations, puisqu’en fait chacune des représentations qui sont données à titre d’exemple est un échantillon, quelque chose qui enveloppe partiellement, qui désigne un objet partiel de l’objet total qu’est la chose même. Vous ne pouvez donc pas du tout traiter l’association, comme je l’ai souvent dit ici, comme une sorte de mécanique dans laquelle les représentations se pousseraient les unes les autres et seraient logiquement indépendantes les unes des autres, soit comme des boules de billard rebondissant en se heurtant les unes contres les autres. A ce moment-là, une fois que vous avez bien perçu que l’exemple est parfaitement précis et qu’il n’est parfaitement précis que parce qu’il ne renvoie pas à la dissolution dans une généralité à quoi on opposerait une représentation précise, mais parce qu’elles sont complètement connexes les unes dans les autres, vous comprenez le problème auquel se heurte Freud : comment va-t-on passer d’une telle théorie qui disjoint ainsi les représentations dans la mécanique associative et l’affect, aux actes.

Parce que, que dit Freud ? Il dit qu’il y a une continuité. Continuité qui va de l’Unheimlich, du sentiment de bizarrerie si typique dans la névrose obsessionnelle à la superstition angoissée, et c’est cette superstition angoissée qui aboutit à des actes, puisqu’effectivement les actes typiques de précaution que prend l’obsédé, les actes apotropaïques qui consistent à détourner par des précautions particulières, à l’infini, la possibilité que quelque chose se passe, eh bien ces actes ne pourraient jamais être motivés par un pur enchaînement mécanique de représentations. Ils ne pourraient pas être motivés parce qu’ils existeraient peut-être, mais comme des phénomènes supplémentaires, externes, alors que ce que Freud veut dire, c’est qu’ils dérivent logiquement, que ces actes sont dans la continuité intentionnelle des croyances et du désir du patient obsessionnel. On pourrait avoir des représentations superstitieuses, et ne rien faire. Pour qu’on accomplissent des actes apotropaïques, il faut que les représentations superstitieuses motivent les actes, et qu’il y ait donc une continuité d’intention dans la visée des représentations superstitieuses et dans les actes qui visent à se protéger. Et ainsi le schéma qui oppose l’affect à la représentation est entièrement incapable de conserver ce que Freud lui-même veut, c’est-à-dire un rapport motivationnel.

Voilà pourquoi l’année dernière j’avais fait ce tableau qui vous avait laissé perplexe, sur les différentes modalités de l’effroi, de l’angoisse, du sentiment d’inquiétante étrangeté dans leur rapport à l’objet indéterminé, dans leur structure intentionnelle propre. C’est précisément parce qu’on a des rapports déterminés des structures intentionnelles propres, qu’il y a une grammaire logique de l’effroi, du surnaturel, de l’angoisse, du sentiment d’étrangeté, etc., que vous pouvez avoir conservé ce type de structure dans une explication qui motive les actes.

Autre point original ici, c’est que le moi en question à la fois immature par rapport à la stimulation prématurée du sexe, et trop mature après parce qu’il étouffe le développement pulsionnel - c’est la théorie finale de la névrose obsessionnelle dans Inhibition, symptôme et angoisse -, ce moi, on peut se le représenter de la façon suivante. D’un côté il est infiltré à la base par un excès de pulsion, une envie de voir qui est quantitativement trop intense pour ce que peut s’y opposer le petit enfant, et de l’autre, ce même moi n’a pas d’autre moyen – un peu comme dans les structures de l’appareil psychique de l’Entwurf – que de diffuser dans le jeu qualitatif des représentations la surcharge d’affect qui l’envahit et qui pousse de façon trop forte, donc qui le diffuse dans un jeu de représentations.

Je crois qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait cinquante ans d’épistémologie, pour s’apercevoir que c’est un cercle, puisqu’il n’y a pas de critère indépendant des deux moments : chacun sert de critère à l’autre. A partir de quand allez-vous dire qu’une excitation est prématurée ? Eh bien, vous allez dire qu’elle l’est lorsque le moi « n’arrive pas » à diffuser dans un jeu de représentations quelconques la surcharge pulsionnelle. Mais à partir de quand le moi n’arrive-t-il pas à diffuser cette surcharge pulsionnelle dans un jeu de représentations ? Eh bien quand l’excitation sexuelle est prématurée ! Comme les deux termes sont un critère d’identification l’un pour l’autre, dire l’un ou l’autre c’est tout à fait la même chose. Et ce cercle condamne radicalement le dispositif d’explication freudien.

Ça montre bien, en revanche, qu’il tourne autour de quelque chose. Et ce autour de quoi il tourne, ça doit se mettre en cause au niveau de ce que j’ai mis au tableau dans la structure en bande de Möbius, qui met tout en cause au niveau du problème du devinement des pensées.

Il faut se rappeler qu’en 1910, chez Freud, dans la théorie, explicitement, le transfert est un ingrédient causal de la cure. C’est-à-dire qu’il y a du refoulement, il y a du déni, etc., et puis il y a du transfert, et il faut savoir gérer le transfert en fonction de contraintes qui sont purement économiques, qui sont à la fois une facilitation et une complication de la cure. C’est beaucoup plus tardivement que Freud va considérer que le transfert est le cadre formel de la cure. C’est-à-dire que c’est à l’intérieur du transfert que prennent un sens psychanalytique, et non pas je dirai « psychologique » au sens banal, ses concepts fondamentaux. Il y a des objets, des structures psychiques, qui ne sont accessibles et identifiables que dans le cadre du transfert. Le transfert au départ, donc, est ici un ingrédient causal et non pas le cadre formel. Mais si c’est le cas, comment peut-on entendre page 143 le remarquable passage suivant ?

« Bien sûr, il y a encore quelque chose d’autre de présent, une espèce de formation délirante au contenu singulier. Les parents savent ses pensées, parce qu’il les prononce sans les entendre lui-même, dit le patient. Nous ne nous fourvoierons guère si dans cette tentative d’explication enfantine, nous percevons un pressentiment de ses processus animiques remarquables que nous appelons inconscients et dont nous ne pouvons pas nous passer pour l’élucidation scientifique de l’obscure état des choses. « Je prononce mes pensées sans les entendre » : cela est comme une projection vers l’extérieur de notre propre hypothèse selon laquelle il a des pensées sans rien savoir d’elles. Cela apparaît comme une perception endopsychique du refoulement ».

Vous comprenez pourquoi Lacan dit que la psychanalyse est une paranoïa dirigée ! Parce que c’est exactement ça qui se passe : c’est une paranoïa dirigée ! Ce qui se passe dans l’évocation du souvenir d’Ernst Lanzer enfant, c’est que le patient se rend compte ici qu’étant le premier à être exposé à l’association libre, il rencontre le fait qu’il a des pensées qu’il est en train de prononcer dont il ne savait pas qu’il les avait ! Et bien évidemment, l’Autre, le champ de l’Autre, que Freud occupe comme il peut, est littéralement celui dans lequel la possibilité d’être en train de délirer de manière paranoïaque est ouverte, complètement, sans aucune espèce de réserve. Ce dont Ernst fait l’expérience, c’est qu’à chaque fois qu’il parle, il n’est pas du tout exclu qu’il dise beaucoup plus que ce qu’il sait lui-même prononcer, et que l’Autre le pense, et le pense d’avance par rapport à lui. Surtout lorsqu’évidemment, le mot qu’emploie Freud pour parler du transfert et de ce que doit faire l’analyste avec le transfert, c’est le « deviner » (erraten). C’est précisément cela : le transfert, ça se devine ! Voyez ici la qualité radicalement paranoïaque d’une ambiance analytique correcte. L’analyse est une paranoïa dirigée précisément parce que le transfert ça se devine. Et si l’autre devine que vous le devinez… Ce n’est pas la paranoïa ça, que l’autre devine que vous le devinez ? C’est l’une des raisons essentielles qui rend l’analyse des paranoïas si dangereuse… Or, qui devine quoi ? Je crois que ce que les parents devinent – on pourrait faire un tableau de cette séance, en mettant en parallèle « ce que les parents ont deviné » et « ce que Freud devine de moi » -, c’est qu’il bande malgré lui, l’enfant par son aveu prenant les devants, pour essayer non pas que ça n’ait pas lieu, mais peut-être même que ça ne soit pas deviné, que ce ne soit pas un rapport de devinement, que d’avoir une pensée comme ça dans la tête. Deuxième chose : les parents devinent que ses érections sont des voluptés déplacées. Il sait que ce sont des voluptés par des raisons indirectes, celles de la jalousie, pour le petit frère, dont apparemment Lina s’accommoderait mieux que lui. Troisième chose, ce que les parents devinent, c’est que s’il ne peut pas s’empêcher, et que si ça continue, son père va mourir, ou que du moins il y a une pensée « que son père meure ». Et puis ce que les parents devinent, c’est aussi qu’ils devinent que cette pensée lui est odieuse. Parce que si ses parents devinent tout, ils devinent non seulement chacune de ses pensées, mais ils devinent aussi chacune des implications de ses pensées au fur et à mesure qu’il les conçoit. C’est pour ça que je disais tout à l’heure qu’il devine qu’on le devine, c’est sans fin ce dispositif d’exposition au devinement de l’Autre. Donc il devine bien que ses parents devinent, puisque ses pensées coupables sont devinées, et qu’une partie de ce qui rend ses pensées coupables est liée au fait qu’elles lui échappent.

C’est là où la dimension proprement paranoïaque de la chose est verrouillée par une chose très importante. C’est que comme je le répète, si le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre, c’est ici le désir du père ou des hommes pour les bonnes qui le parasite. Autrement dit, par quoi est-il persécuté de manière tout à fait ponctuelle ? Non pas par l’Autre tout puissant, mais par l’œil-phallus qui s’est implanté de manière parasitaire en lui. L’objet persécuteur est exactement celui-ci. A ce moment-là, vous voyez pourquoi le mathème de la névrose obsessionnelle – je l’ai déjà mis plusieurs fois au tableau -, c’est A φ (a’, a’’, a’’’…). Voyez pourquoi là où l’Autre va se présenter tel que Freud d’une certaine manière ici se présente – autrement dit, dans une figure de père persécuteur, de père qui le fait penser à ce qu’il n’aurait pas voulu penser mais qu’il pense malgré lui, c’est ça la proposition de l’association libre : c’est la libération du désir contre la contre-volonté qui sert à la colmater. Dites ce qui vous vient à l’esprit : cela déchaîne littéralement l’association et donc la manifestation du désir refoulé, le déclenchant d’une position d’Autre tout à fait non barré, et c’est je crois quelque chose de très important, parce que ça donne une idée du caractère sauvage, du caractère cruel de la position qu’ici est en train d’adopter Freud à l’égard de cet homme, à qui il propose d’associer librement. Et cette cruauté, elle ne doit pas nous échapper au motif que l’association libre apparaît comme le cadre ordinaire dans lequel les choses se déclenchent ! Le premier à qui on l’a fait, il a éprouvé directement que l’analyse, c’était de la paranoïa dirigée, c’est-à-dire que ça fait flamber quelque chose, et que ça institue immédiatement une position de résistance extrême qui est la position d’impasse constitutive de toute analyse d’obsessionnel, qui est que si l’analyste est en position de père non barré, c’est une monstruosité qui va apparaître dans le champ du transfert. Autrement dit, que va faire l’homme aux rats ? Il va fournir tout les objets substitutifs à ce φ qui justement n’arrive pas à barrer l’Autre, et en particulier tous les objets substitutifs d’un phallus bizarre, celui d’un père qu’on ne peut pas castrer, puisqu’il est mort ! Comme il est mort, on ne peut pas le castrer, le père qui est derrière Freud.

Aussi bien, je conclurai en disant ceci, c’est que la constitution du champ dans lequel va émerger l’objet-rat est celle d’un champ bouclé et asymétrique. Ce qui s’est passé dans la succession, dans la foliation successive de Galatzer, de l’ami de jeunesse, de la mère, de Freud, et puis du père mort, comme étant les imagos auxquelles s’adresse comme une sorte de conséquence tragique le patient dans son appel au secours et dans son expérience d’angoisse, ces imagos se bouclent les unes sur les autres en le ramenant à un point d’énonciation, qui se trouve exactement ici, qui est à la fois l’envers de ce qu’il éprouvait de manière contingente comme moi dans ses relations d’identification à ses amis - et ce n’est plus dans des relations d’identification ici, mais dans des relations de séparation -, mais que ce bouclage détache d’autant plus sévèrement l’objet autour de quoi il a parlé. Et comme c’est objet autour de quoi il a parlé c’est un Autre très peu barré - Freud se présente dans le champ de cette cure comme quelqu’un qui a une certaine autorité, et qui joue fortement du pousse-à-la-paranoïa, qui devine le transfert et qui laisse le patient deviner qu’il devine le transfert -, l’objet qui apparaît ici est l’objet phallique, qui va être affecté d’un coefficient particulier. C’est un phallus im-monde : autrement dit, les rats, lesquels vont surgir dans la séance d’après. C’est un phallus im-monde, c’est un phallus qu’on ne peut pas faire rentrer dans le monde, parce que l’Autre qui serait susceptible d’accueillir ce phallus n’est pas barré.

Ce qui indique deux choses sur le destin de la cure, sur la place des rats comme objet (a). La première chose est qu’on va pouvoir reconsidérer ce que c’est que l’analité. Je crois qu’au lieu de parler de l’analité, on devrait parler de l’immondice, du caractère immonde des choses, de ce qui ne peut être à l’intérieur du monde, et qui est frappé d’un coefficient excrémentiel particulier, parce que c’est un truc qui tombe, qui choit, qui est en dehors et qu’on ne peut pas rentrer à l’intérieur du monde, qu’il faut faire disparaître de l’espace clinique. Ce qui nous permettra de regarder un peu différemment tout ce que je vous ai raconté, de l’analité, du jeu des orifices, et en particulier de cette mythologie psychanalytique bien connue du pénis creux anal, de tout ce dont j’ai parlé tout à l’heure. Et puis aussi, sur le point de disparition de levée du symptôme. C’est clair : c’est uniquement à partir du moment où Freud lui-même va se trouver à bout de sa toute-puissance de deviner, c’est-à-dire au moment où un trou va se créer en lui dans la constitution proliférante de ses associations, dans le génie interprétatif qu’il développe, et qui ne fait que resserrer le filet de plus en plus serré sur le patient, le rendant de plus en plus productif de petits objets substitutifs, c’est au moment où un trou va se dessiner, où la barre va se produire sur l’Autre, que l’objet immonde va chez le patient lui-même et dans son adresse, tomber. Et le délire des rats se retrouver soufflé.

Merci. Je vous donne rendez-vous le 16, si vous voulez savoir la suite sur les rats.