Philosophie et histoire de la médecine mentale

Séminaire doctoral, IHPST, Paris I (2007-2008)

 

Problèmes philosophiques de la psychopathologie cognitive : à partir de Bolton & Hill

 

Séance n°11, 25 avril 2008

 

Analyse du chapitre 9 de Mind, Meaning, and Mental Disorder: « Psychiatric conditions »


A/ La fonction conclusive du chapitre 9 : à partir de la théorie naturaliste de l’action et de l’information (de la sémantique causale fonctionnelle), retrouver les « psychiatric conditions » du DSM4.

 

  1. Pourquoi surtout la schizophrénie, les TOC, le PTSD, et les troubles de la personnalité borderlines ? Toutes sont adossées à la dépression comme faillite de l’agir.
  2. Les problèmes : a) qu’est-ce que ce chapitre démontre vraiment ? Bolton & Hill soudain très prudents : c’est un test du modèle général de l’action naturalisé sur des psychopathologies particulières, pas une théorie générale de la psychopathologie de l’agir. Mais peut-on reculer ainsi ? b) la sémantique causale fonctionnelle passe à l’arrière-plan, seule la théorie de l’action est capable d’aller jusqu’à une théorie de la personne, de l’identité personnelle et des métareprésentations ; mais elle n’est plus tellement naturaliste ni causale (le rôle du contexte social de l’interaction devient prééminent). c) On s’éloigne de la fin du chapitre 8, qui partait des psychothérapies et de l’interaction, pour chercher à rejoindre les bases neurobiologiques des troubles : à nouveau le grand écart. d) Danger des reconstructions ad hoc des psychopathologies pour qu’elles cadrent avec le modèle explicatif.
  3. La gêne du clinicien : l’action morbide est tirée du côté du psychomoteur, non de l’interaction et de la pragmatique, du côté du geste, et non de l’acte ou même de l’acte de langage.

 

B/ La schizophrénie

  1. Le privilège de la théorie de l’inhibition latente (Gray) : un niveau entre la neurobiochimie et la neuropsychologie. La théorie du déficit du monitoring de l’action (Frith) : la destruction du sentiment d’identité. La synthèse des deux : troubles de la perception de la régularité et de la mise en acte des règles, cela dans l’interaction avec les parents. (Toujours la psychanalyse à la Bowlby : l’attachement d’abord, la mise hors-jeu du langage).
  2. La psychose (les symptômes positifs seuls) : le délire comme création qui sauve l’action en recréant de la certitude. Le délire comme « stratégie ».
  3. Objection : pourquoi délirer serait-il alors si nuisible ? La question de la créativité, voire du « mode de connaissance » psychotique (paranoïaque).

 

C/ Les troubles anxieux

  1. L’analyse de l’angoisse comme peur. Son intentionnalité comme relation à un danger externe. Pauvreté de l’analyse intentionnelle de l’angoisse. Pauvreté de la clinique de l’hypocondrie dans l’exemple discuté (s’angoisser pour : moyen de s’identifier). Impossibilité de retrouver le contexte culturel et social à partir d’une prémisse individualiste de la théorie de l’émotion. L’angoisse et la famille, à nouveau la psychanalyse « naturalisée » comme guide.
  2. Un mécanisme paradoxal interne à l’intentionnalité : la réponse (intentionnelle) au problème à traiter augmente la gravité du problème. Déclinaison de ce motif : le déni et la fragilisation.

 

D/ Les TOC : le paradigme moderne de la maladie « morale » naturalisée.

Bolton & Hill pour mettre tout le monde d’accord en démembrant l’entité. Une partie est à base neurologique non-intentionnelle, une autre est un dysfonctionnement quasi-éthologique, et une dernière partie est intentionnelle accessible à des thérapies cognitives au sens fort.

Pourquoi ce recul ?

 

E/ Le PTSD : description plus fine du modèle général du trouble de l’intentionnalité, quand la réponse au problème aggrave le problème.

  1. L’énigme de l’échec de l’absorption. La solution par les « croyances centrales » et la révision des croyances. Toujours la référence à l’épistémologie post-empiriste et la psychanalyse naturalisée (Freud//Lakatos). Guérison ou déni ?
  2. L’échec ultime est-il biologique ?
  3. Pourquoi l’attachement ne suffit pas : la question de la confiance dans les parents (comme structure impliquant la parole, et pas juste l’affect).

 

F/ Le BPD : un trouble développemental complexe.

  1. Le trauma sexuel infantile et la logique de l’automutilation. Explication ad hoc ?
  2. Reprise sans le dire explicitement des théories psychanalytiques de la « projection » et de la « contenance » (Melanie Klein et Winnicott) ? A nouveau, l’attachement à la Bowlby ne peut pas faire le travail de la confiance (qui suppose un préalable holiste, l’institution radicale de la parole).
  3. Affect et acte de langage perlocutoire.

 

Conclusions :

 

  1. Il faut préserver les possibilités de l’action, à tout prix. Certes, mais pourquoi privilégier le point de vue de l’action/adaptation évolutionnaire sur celui de l’action/acte dans un contexte relationnel et institutionnel ? On fait comme si on avait déjà la neurobiologie sous-jacente, et comme si, par exemple, les médicaments étaient plus une preuve que les psychothérapies (à la différence du chapitre 8, plus nuancé).
  2. On n’a pas de théorie complète de l’agir pathologique ; en revanche, on a ici une théorie de la forme possible des théories psychopathologiques. Le meilleur : c’est une théorie de l’esprit sur l’esprit (une rationalisation philosophique puissante de l’activité clinique).
  3. Pourquoi faut-il être intégratif ? Parce que la nature est « une » ? Circularité de l’argument, du coup. Le meilleur est toujours dans les points de vue particuliers ; on y retrouve toujours les prémisses du premier Freud (logique du conflit) et de Janet (perspective pragmatiste).