Philosophie et histoire de la
médecine mentale
Séminaire
doctoral IHPST/CESAMES (2008-2009)
(Projet
« Philosophy, History and Sociology of Mental Medicine »)
Questions philosophiques et épistémologiques sur
les psychothérapies
Séance n°10, 27 mai 2009 : neurosciences
et psychothérapie,
état des lieux et nouveaux problèmes
A/ Introduction
Deux séries
de phénomènes lentement convergents ( ?), une par extension des pratiques,
l’a utre plus liée à des hypothèses méthodologiques
et scientifiques
Et :
Quelques journaux: Journal
of Medical Internet Research,
Anual Review of Cybertherapy and Telemedecine, PsychoNology,
Cyberpsychology and Behavior, Journal of Neuroingeneering and Rehabilitation,
etc., plus des articles dans des revues de santé publique (télémédecine) et
des « opinion papers » dans de grands journaux de psychothérapie,
Behaviour Research and Therapy, Journal of Consulting and Clinical
Psychology, voire dans Science ou dans des quotidiens (Le Figaro,
27 juin 2007).
Contexte
anthropologique commun : l’automanipulation cérébrale comme figure « neuroscientiste »
du développement personnel. Connexion logique avec le « It’s not me,
it’s my brain ». Un phénomène à corréler avec les techniques d’action
directe sur le cerveau dans le cas des maladies neuropsychiatriques (type
DBS).
La naturalisation
du self comme neurotechnologie ? The
Neuroscience of Psychotherapy: Building and Rebuilding the Human Brain
de Louis Cozolino (Norton, 2002), avec une critique
féroce de Roy Sugarman, The
Neuroscience of Psychological Therapies de Rowland Folensbee (Cambridge
UP 2007), avec un commentaire
plus élogieux, ou
S’agit-il
d’une question marginale ? Signification méthodologique d’une réflexion
sur ces objets.
B/ Psychothérapie
et réalité virtuelle
Guiseppe
Riva, "Virtual
Reality in Psychotherapy: Review",
D’autres
noms importants dans les TCC : Paul Emmelkamp, Barbara Rothbaum. Une
véritable demande/espérance des professionnels des TCC.
Un exemple
de ce qui se passe dans une thérapie de ce genre : Virtual Reality
Therapy
Origine
dans les années 1990 (Larry Hodges) pour la phobie des hauteurs (acrophobie).
Ensuite, prendre l’avion et les araignées. Les VRE (Virtual Reality Exposure) :
exposition/habituation avec un dosage objectivement quantifiable du stimulus,
plus grande facilité éthique (le spectre d'Orange mécanique). Extension
des TCC à des formes plus « expérientielles », idée d’énaction à
la Varela.
Quelles
différences révélatrices avec les procédés ordinaires des TCC ?
La représentation
du corps: l’image de soi dans l’obésité ou même l’anorexia nervosa (manipulation
des biais cognitifs sur la taille du corps). Le corps comme oublié des TCC,
et les machines sensorielles multimodales. Du sextoy de science-fiction
au braintoy de demain : traiter la dysfonction érectile par la
mise en situation érotique virtuelle (ni randomisée ni en double aveugle).
S’agit-il
d’image ou d’action ? Agir en imagination ou agir imaginaire : une
vieille difficulté en sciences cognitives (percevoir une image mentale et
imaginer qu’on perçoit un objet, Alain et le nombre de colonnes du Panthéon).
La question de l’imagerie interne (rêve, souvenirs, etc.) et de l’induction
d’images à partir d’une stimulation visuelle externe : jusqu’à quel point
peut-on combler l’écart ?
Entre expérimentation
neuroscientifique et technique neuropsychothérapeutique hypothétique :
Roland Jouvent et les troubles infraconscients de la perception du mouvement
intentionnel dans la schizophrénie.
Non plus
dans le cerveau, mais dehors : la manipulation des environnements complexes :
la timidité en public (SAD), ou la réactualisation des scènes traumatiques.
Du coup, la question est de savoir si ce que la réalité virtuelle produit
a la consistance d’un « monde » culturellement signifiant.
Toujours
une double approche : hyperscientifique et populaire (place de la réalité
virtuelle dans le quotidien ludique, Second Life, mais aussi l’ingénierie
et les technologies militaires futuristes). « Subpersonnel » dans
les articles neuroscientifiques, et « inconscient » dans les versions
populaires, voire New Age.
La question
n’est pas l’efficacité !
Le virtuel
ne fait que décaler l’intervention humaine (le cadre d’administration des
techniques virtuelles reste humain). Le problème des facteurs non-spécifiques
(attention, soutien, etc., voir Briffault).
Peut-on
croire à quelque chose dont on sait que c’est faux ? Peut-on être à l’abri
au coeur du danger ? Corps, image du corps ou corps « pour rire » ?
Manipulation des croyances ou des réflexes neurocognitifs sous-jacents ?
Du subpersonnel au personnel : est-ce un problème épistémologique ou
éthique ?
Le problème
de standardisation des procédés. La technologie du virtuel pose un grave problème
de situation et de contexte (culturel, notamment le rapport à l’espace). Que
mesure-t-on dans l’effet ? Le succès thérapeutique ou le succès technologique
de la VR ?
L’insatisfaction
subjective résiduelle et le problème de l’appropriation personnelle du résultat
(à comparer avec la DBS, Moutaud) : la performance individuelle désocialisée.
Présence
et « téléprésence » affective. (Rappel de Freud : pas de transfert
in effigie ou in absentia). Damasio et les niveaux d’intégration
neuronaux du sentiment de la présence. Le problème de la distance et de l’autonomie
dans la prise en charge psychothérapique : une figure nouvelle ( ?)
du moi. Les modules téléchargeables d’autothérapie et la privatisation de
la gestion des émotions pénibles. Une autre logique que celle de la confidentialité/confiance
dans le psychothérapeute.
Est-ce
que les neurosciences produisent des techniques nouvelles pour les hommes
ou des hommes nouveaux pour leurs techniques ? Lien avec l’enhancement,
avec le « lavage de cerveau », avec l’usage militaire de la VR.
Modification de la notion non thématique de « rapport normal à la réalité »,
comme fait socio-anthropologique.
C/ De la
Brain-Based Psychotherapy à la « psychotherapy of the
brain » : Cozolino et Folensbee
Une ambition
éclectique/synthétique. Le cerveau comme intégrateur théorique : de l’association
libre freudienne comme interconnexion de « réseaux neuraux » à la
gestion de l’empathie au niveau des circuits amygdaliens de l’émotion, en
passant par le conditionnement intracérébral par biofeedback. Du transfert
psychanalytique aux TCC et à la Gestalt, ce sont seulement des activations
neuronales différentes.
Problème :
une théorie généralisée du traumatisme réel, qui s’est déplacé au niveau des
lésions de la circuiterie neuronale (paradigmatique : les abus sexuels
infantiles dans la dépression de l’adulte).
Des découvertes
empiriques réelles, ou bien la production d’un nouveau langage normatif pour
coordonner les descriptions concurrentes (le « mentalais » de Fodor ?) ?
En fait, il n’y a pas de solution aux antagonismes aux théories et aux cliniques.
Elles sont transportées telles que dans le cerveau. Finalement, on n’a pas
beaucoup plus que le rapport des conditions neurales aux effets psychologiques,
sans mesure plus précise de la distance étiologique.
(Une contre
expérience de pensée : une machine dont les réseaux neuraux produiraient
des outputs « psychopathologiques » phénoménologiquement comparables
aux nôtres, mais dont les câblages seraient différents des nôtres).
En quel
sens peut-on dire que le « cerveau est anxieux » ?
Mais insistance
sur l’idée que les neurosciences de la psychothérapie permettent de sélectionner
les bons types d’intervention, au niveau général de la méthode à suivre comme
au niveau des interactions ponctuelles au sein des séances. Cozolino :
le nouveau « paradigme du psychothérapeute en neuroscientifique ».
Ce que
dit ou fait le patient révèle l’état de son cerveau (vérité cachée de l’interaction :
réhabilitation de l’association libre comme révélation primaire de « what
pops in your head » : affect, souvenir, cognition, etc.). Deux options,
ensuite :
Et surtout,
c’est moins menaçant : Follensbee
2007 : 149) : le moi n’est surtout pas mis en cause, mais seulement
des sous-systèmes cérébraux, et la connexion avec les traitements pharmacologiques
est plus facile à faire admettre.
D/ Conclusion
La désignation explicite du cerveau comme allié ou comme ennemi du self. C’est une « nouvelle manière de communiquer » : un nouveau « jeu de langage » ? La psychothérapie comme procédé pour s’approprier son cerveau de façon instrumentale : la caution de la psychologie évolutionniste se monnaie à la fin en promotion de l’adaptation sociale.