La pulsion de mort vient du futur

Conférence d'abord prononcée devant les analystes du Quatrième groupe à Annecy, à la journée d'étude « Psychanalyse et science-fiction », le 25 mars 2017, et révisée pour publication

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Je n'hésite pas à solliciter, pour l'expérience qui va suivre, l'indulgence du lecteur. C'est en effet une expérience de pensée ou, pour mieux dire, une expérience de rêve, sinon de cauchemar, qui met en péril toute préférence pour le raisonnable. Je vais en effet y proposer un certain nombre d'inversions ou de renversements plus ou moins spectaculaires, tant de perspectives que de significations établies en psychanalyse. En outre, c'est sur la fin seulement, et peut-être sur un mode un peu tangentiel, qu'elle rejoint la question de la science-fiction.

Soit déjà son titre : « La pulsion de mort vient du futur ». Appliquons-lui l'adage freudien selon lequel chaque fois que le psychanalyste parle de pulsion, alors c'est pour la théorie comme un « balai de sorcière ». Qu'est-ce qu'un balai de sorcière ? C'est un moyen de transport onirique, et intuitif ; c'est la vitesse absolue, sinon l'instantanéité. L'introduire dans la pensée réflexive, c'est y causer un court-circuit, c'est faire violence à toute médiation. Combien davantage ce court-circuit mental sera-t-il donc brutal quand il porte non sur les pulsions sexuelles (c'est à leur propos que Freud parle de la métapsychologie comme d'une « sorcière »), mais sur la pulsion de mort (Todestrieb), tellement plus spéculative !

Or comment rendre une spéculation sérieuse, en psychanalyse ? Je me tournerai d'abord vers Bion, pour suggérer ceci : n'est sérieux, en psychanalyse, que ce qu'on articule sans jamais perdre de vue « le patient de demain matin ». La formule est chez lui récurrente. De « demain matin », autrement dit, le patient que nous retrouverons après avoir laissé passer une nuit, après avoir donc eu l'occasion de rêver. Je n'espère alors qu'une chose pour ce qui suit : que la pénombre associative qui flotte autour des notions plus claires ou plus explicites mobilisées par mon propos te fournira, lecteur, le germe d'un rêve.

Comme ces réflexions s'inscrivent aussi dans un travail en cours, et dans un certain nombre de réflexions sur la place de la psychanalyse dans notre culture, ou, pour employer le terme d'Elias, dans notre « processus de civilisation », j'entrevois un deuxième horizon à l'intérieur duquel rendre sérieuse tout ce qu'a pourtant d'invraisemblable cette expérience de pensée ou de rêve1. Cet horizon, Christopher Bollas nous l'indique au tout début du Moment freudien2. Pour lui, comme pour moi, le sérieux non seulement clinique, mais anthropologique de la psychanalyse, en d'autres termes, l'authentique participation de la psychanalyse au processus de la culture n'est jamais plus manifeste chez Freud qu'après la Première guerre mondiale - après l'expérience de la mort de masse qui atteste aux yeux des contemporains de l'effondrement des idéaux progressistes de l'individu libéral, effondrement qui, en peu d'années, va prendre la forme d'un rejet armé de cet individualisme avec la conjonction terrifiante du nationalisme et du socialisme. La psychanalyse, parce qu'elle ne recule pas devant cette conjecture historique, change alors de nature. De psychothérapie des névroses, elle se change en critique de la Kultur, et tout particulièrement dans ses dimensions autodestructrices. Il n'est pas difficile d'ailleurs de détecter l'impact de cette mutation sur les principes de la guérison ou, plus généralement, des objectifs poursuivis par la cure. D'une substitution du « malheur ordinaire » au symptôme névrotique (substitution peu convaincante, d'ailleurs, tant elle fleure bon la résignation à un ordre du monde non problématique), on passe à l'idée qu'une cure pourrait tendre, idéalement, à rendre l'individu inintimidable - et inintimidable face a un malheur non seulement collectif, mais potentiellement extraordinaire.

Soyons plus précis. C'est une fonction attendue des psychothérapies, la psychanalyse n'étant à cet égard qu'une psychothérapie parmi d'autres, que d'équiper les individus des moyens de faire face au malheur, à l'adversité et à la contingence. C'est un saut qualitatif indubitable, lorsque une psychothérapie se démarque de ses concurrentes par ceci qu'elle inclut substantiellement dans son horizon l'histoire politique des sociétés individualistes, ou de « la société des individus », dont elle découvre la logique cachée d'autodestruction (laquelle est l'envers des idéaux du moi conscient, rationnel et maître de ses pulsions) et qu'elle en démasque la cause dans la constitution psychique même, inconsciente, de tous ses membres sans exception. C'est alors moins au malheur, à la contingence, à l'adversité « ordinaires » que cette psychothérapie singulière se propose d'apporter une réponse, voire un remède, qu'au Mal, et même au Mal absolu, autrement dit, à la malfaisance perverse dans son tropisme inédit à l'universalisation (dans la figure de la « guerre totale »). Et c'est le mérite d'Adorno que d'avoir parfaitement mesuré combien la psychanalyse nous est devenue nécessaire pour comprendre comment, dans les sociétés nées de l'effondrement du libéralisme (dont l'âge d'or est la période 1870-1914), et qui se sont structurées sur un mode totalitaire, c'est la Raison qui avait embrigadé l'archaïque à des fins de mort3.

Il convient donc de prendre au sérieux une équation pourtant largement implicite chez Freud entre le moi de la théorie des foules hypnotisées, le moi des pulsions du moi, et le moi anti-érotique de la pulsion de mort. La contribution réflexive de la psychanalyse à l'analyse de cette crise fatale de l'individualisme libéral, de ses formes économiques, politiques, éthiques, esthétiques, de ses mœurs et de sa sociabilité, tire sa valeur de cette équation-là. C'est aussi pourquoi, comme je l'ai argumenté ailleurs, rien de plus faux que de considérer la psychanalyse et son immense succès entre les deux guerres comme une surprise, quoi que ce soit dont on devrait s'étonner tant la psychanalyse prendrait à rebrousse-poil les préjugés de la société dans laquelle est née. Au contraire, elle en est le fruit et, dans ses contradictions et ses paradoxes, le reflet des contradictions et des paradoxes d'une crise paradigmatique de la « société des individus » après la Première guerre mondiale. Un chien

J'insiste tout d'abord sur cette vie historique, profondément actuelle, chez Freud pour mieux souligner un de ces paradoxes : celui qui veut qu'elle serve de prémisse à son concept le plus anhistorique, le plus antisociologique, et même le plus contraire au moyen de légitimation jusque-là le plus courant de la psychanalyse, sous la plume de Freud : sa pertinence psychothérapeutique - puisque la réaction thérapeutique négative, cette butée insistante et rebutante, n'est intelligible qu'à sa bizarre « lumière ». Je parle de la pulsion de mort, cette notion métabiologique, plus encore que métapsychologique, et à tous égards litigieuse.

Car sa formule caractéristique, pour trancher dans toutes sortes de gloses embarrassées, inverse tout d'abord la formule de Bichat, reprise par Schopenhauer et Nietzsche, selon laquelle « la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». La vie, pour le Freud de la pulsion de mort, c'est plutôt l'ensemble des fonctions (ou des forces) qui aspirent à la mort. Ces fonctions aspirent, en d'autres termes, à retourner à l'inanimé, c'est-à-dire au passé, à l'inorganique, à un degré-zéro de la vitalité - et nullement à une simple homéostasie à la Cannon de l'organisme qui tente juste de revenir au point d'équilibre (par exemple à l'identité de perception) pour se stabiliser. Mais ce n'est pas tout. La version de la formule de Bichat comporte un second volet, qui ne fait d'ailleurs qu'en radicaliser le côté paradoxal, voire intrinsèquement contradictoire. S'il y a quand même de la vie (celle des organismes individuels), en effet, c'est parce que la pulsion de mort est constamment perturbée « de l'extérieur », et empêchée d'aller à son terme, le point-zéro. Non seulement la vie en général est une aspiration à la mort, mais la vie telle qu'elle existe n'est qu'une mésaventure de cette même mort4.

Ayant introduit cette référence au passé (à l'inorganique qui a précédé l'organique), mon titre commence à s'éclairer. Je défends tout simplement l'idée d'une pulsion de mort qui ne serait nullement retour au passé, mais un appel (et même un rappel) du futur. C'est assurément étrange, au moins aussi étrange, en tout cas, que la contradiction inhérente à l'opposition freudienne de la vie et de la mort implicite dans son concept de Todestrieb.

En effet, voici une manière simple de définir la psychanalyse (du moins dans la cure des névroses) : on cherche à se souvenir au présent d'un désir infantile passé, mais qui « ne passe pas » - d'où le symptôme. Or ce désir infantile emporte avec lui une projection. C'est un désir de l'à-venir et, en ce sens, il constitue une sorte d'orientation vitale vers le futur. C'est donc moins la suppression que la déliaison de ce désir, c'est-à-dire la résolution du complexe d'œdipe, qui fait l'essence de la cure. Or on voit mal en quoi un tel futur aurait le moindre rapport avec la pulsion de mort ; il paraît plutôt l'antidote par excellence de la régression à l'infantile. Pour citer encore Christopher Bollas, la capacité à « érotiser le futur » est même un critère sûr du progrès de la cure5.

Toutefois, arrêtons-nous à une autre observation grammaticale. Si désirer implique une orientation vers le futur (même la nostalgie est une attente), la modalité du désirable demeure le subjonctif. Nous ne disons pas « j'aimerais tant que ça arrivera », mais « j'aimerais tant que ça arrive ». Quelques langues romanes, et le latin déjà, ont pourtant conservé un subjonctif futur, avec des désinences verbales spécifiques. En français, si une telle forme nous était parvenue à partir du latin, elle donnerait lieu à des formes comme « j'aimerais tant que ça arriverât ». Il est banal d'expliquer l'existence du subjonctif futur par les besoins de la concordance des temps (puisqu'on a un subjonctif imparfait et un subjonctif présent, pourquoi pas un futur ?). Mais le subjonctif a une valeur modale et donc sémantique plus forte : il colore, d'une part, l'événement à venir d'une nuance spécifique d'éventualité (exactement comme le subjonctif imparfait emporte une nuance d'irréel) et, d'autre part, il subordonne cette éventualité au point de vue de l'énonciateur, à la vision subjective qu'il projette. Voilà pourquoi l'absence de subjonctif futur, ou sa rareté, ne constitue pas vraiment une surprise. Car c'est surtout la fenêtre projective de la pensée du locuteur qui se trouve par là mise en valeur, et le futur sur quoi elle ouvre demeure à tous égards le paysage indéterminé des éventualités, nullement un horizon temporel objectif, un futur proprement dit. Le saut que je propose de faire à partir de cette petite remarque grammaticale vient alors. Il y a quelque chose du réel du futur que le désir, dans ce qu'il a de plus subjectif, tend plutôt à neutraliser, voire à halluciner en le saturant de réminiscences passées. Pour le dire autrement, et avec Bion, le réel du futur est une « pensée sans penseur ». Et je suis même enclin à supposer une aversion intrinsèque de la pensée du penseur pour ce futur qui ne se laisse en rien saisir dans la fenêtre de ses projections. Pour le dire encore autrement, le réel du futur, c'est le lieu impensable de l'absolument traumatique - de l'indésirable paroxystique, ou de ce qui déborde tout encadrement projectif et fantasmatique.

Si l'on m'accorde cela, un fameux problème de traduction prend une tout autre portée. Qu'a donc voulu dire Bion par A Memoir of the Future ? Memoir signifie ici, sans l'ombre d'un doute, « mémoire » au masculin (comme un écrit autobiographique, ou des « actes »). Mais la proximité avec future incline à traduire en suivant le paradoxe implicite, comme s'il s'agissait des « souvenirs du futur » (voire de « rappels du futur »). Mais de quel futur ? Et qu'est-ce qu'un « souvenir du futur » ? En outre, le premier des trois livres qui compose cet ouvrage s'intitule « Le rêve ». De quel futur rêvé parle donc Bion ?

L'atmosphère de ce rêve initial est parfaitement identifiable au lecteur de science-fiction. C'est tout simplement celle d'après l'Apocalypse. Les paysages y sont noyés d'une sorte de grisaille mélancolique, on s'y trouve plongé dans les angoisses d'une société traversée par les éclairs d'une violence arbitraire. Un « petit groupe » isolé dans la campagne anglaise et menacé par d'obscures puissances policières ou militaires, tente de survivre. Pour Bion, c'est manifestement le groupe interne des survivants de la fin du monde, un groupe éclaté, où les identifications sont pour ainsi dire en morceaux, et qui ne lutte peut-être pas vraiment, ou pas encore, ou peut-être plus (car il est trop tard ?) pour se changer en un « groupe de travail ». C'est de ce futur-post apocalyptique où la pulsion de mort s'est déployée à fond, où le monde humain s'est donc finalement effondré, qu'il y a donc « mémoire » et « souvenirs ».

« Le rêve », l'incipit, donc, d'A Memoir of the Future, c'est aussi un rêve bionien, un rêve imprégné des spéculations de Freud et de Melanie Klein sur la pulsion de mort, en ceci que seuls les événements extérieurs viennent forcer les personnages à des détours et des contorsions qui retardent peut-être leur annihilation - et une extermination qui dépasse infiniment leur mort individuelle, puisque nous pressentons à chaque page que ces individus sont les derniers, et qu'en disparaissant, c'est l'humanité qui disparaîtra avec eux. Ce rêve est bionien et non freudien. Car le rêve freudien est un accomplissement de désir endogène, qui prend juste prétexte des restes diurnes pour se tisser. Le rêve selon Bion, retravaillée à la lueur sinistre de la pulsion de mort, est d'une tout autre nature. Les restes diurnes, à l'exact opposé de l'opinion de Freud, n'y sont pas des accidents circonstanciels, ce sont plutôt ces stimuli qui forcent l'appareil à dormir (autrement dit à régresser) à d'abord les digérer et les assimiler - sous forme de rêve. Chez Bion, le désir et la satisfaction hallucinatoire du désir sont pour ainsi dire pris dans la boucle plus large et plus explicative de ce processus où le dehors est rendu supportable au-dedans par le rêve. Aussi, bien au-delà de la régression narcissique (surajoutée par Freud dans sa théorie du rêve après la Première guerre mondiale, c'est l'aspiration à la mort dissimulée par cette régression narcissique que vient perturber ce quasi-bombardement de la surface psychique par des restes diurnes désormais essentiels au maintien de la vie. Nouveau renversement de perspective. Chez Freud, le rêve était le « gardien du sommeil ». Chez Bion, c'est d'abord, et en amont, l'ennemi du dormourir. Le psychanalyste, dont la fonction s'avère du coup relever de la perturbation vitalisante, se fait donc l'allié du rêve. Il l'alimente. Dans le grand combat entre Éros et Thanatos qu'est la séance selon Bion, c'est dans sa propre rêverie, à la fois désaturée et contenante, que l'analyste accueille celle de son patient.

En tout cela, Bion n'a aucun usage du « passé » inerte de la vie, à laquelle cette dernière aspirerait. Toute référence métabiologique a disparu. Au contraire, nous voici dans un horizon social et historique effrayant - absolument indésirable. C'est d'un futur post-apocalyptique, futur qui est éminemment réel, que la pulsion de mort nous appelle, voir nous convoque à penser ce réel, nous rappelle ce réel indésirable. C'est en même temps le futur d'une histoire collective et individuelle de la Kultur où le négatif pressenti par Freud dans le Malaise s'est pleinement déchaîné ; la pulsion de mort, c'est le pire à venir. C'est, selon une formule que j'ai employée ailleurs, « le Mal qui vient »6.

C'est vrai, ce n'est guère orthodoxe. Mais je cherche ici beaucoup moins à prouver quoi que ce soit qu'à réorienter le regard psychanalytique. Observez donc le contraste entre cette manière d'approcher la pulsion de mort par le futur réel et les commentaires habituels de la notion. Ceux qui s'efforcent de coller le plus étroitement au texte freudien s'efforcent en même temps d'en ressusciter, malgré leur invraisemblance intrinsèque, les prémisses métabiologiques. Pour l'essentiel, ils tentent de moderniser l'appui que prend Freud dans l'opposition canonique soma/germen. Je m'inscris bien sûr radicalement en faux contre ces tentatives, dans la mesure où le projet que je poursuis vise à une dénaturalisation toujours plus poussée des concepts freudiens fondamentaux. Mais dénaturaliser la pulsion de mort, autrement dit la rendre à ses véritables prémisses, qui sont socio-historiques, exige aussi d'identifier ce que Freud a voulu capter par sa spectaculaire inversion de la formule vitaliste de Bichat.

C'est l'individu pur. C'est le principe ultime de la « monade » pulsionnelle individuelle dont les interactions avec les autres monades sont censées produire, au prix de sacrifices imposés par le surmoi, l'émergence de la vie sociale dans le schéma hobbesien du Malaise7. Pourquoi cet individu est-il l'individu pur ? Parce qu'Éros est relationnel, voire extatique : il est le principe du corps à corps avec l'objet. Thanatos, par contraste, est interne, silencieux, implosif. C'est bien la raison pour laquelle il faut distinguer la pulsion de mort à l'état pur et la destructivité, ou pulsion de destruction. Cette dernière est encore relationnelle, les tournées vers un objet extérieur, et elle est donc encore érotique (c'est évident dans sa forme sadique). Toutefois, pourquoi détruire l'objet, pourquoi déchaîner la destructivité, sinon pour détruire l'objet insupportablement externe qui contrecarre en la perturbant l'implosion d'une auto-extinction terminale ? On s'en souvient, une des spéculations les plus hardies de Freud consiste à imaginer que des organes naissent à cette monade originaire pour détruire ledit objet perturbateur, et ce, comme un circuit juste un peu plus long, forcé par les objets externes, dans le circuit idéalement court d'une implosion vers l'intérieur absolu. Aussi l'individu pur de la pulsion de mort n'est-il rien d'autre qu'un « corps sans organes », occupé tout entier à sa propre désanimation. Mais l'apparition des organes (Freud pense surtout aux membres et à la motilité comme moyen primaire d'agression sadique) est loin d'être le seul événement qui affecte ce corps étrange. Freud, à ma connaissance, n'en dit rien, mais les zones érogènes caractéristiques des pulsions de vie, ne sont, à mon avis, rien d'autre, à l'origine, que les blessures infligées à ce corps sans organes par toutes les interactions et les chocs qui dérangent son dormourir. C'est pourquoi les organes de préhension et de destruction sont d'abord au service de l'évacuation de cette activité pulsionnelle vitale forcée dans le corps idéalement sans organes de l'individu pur : dans toutes pulsion sexuelle, dans toute pulsion de vie, même la visée désirante n'est qu'une modalité déformée d'un rejet principiel. Et si les objets de ces pulsions sexuelles sont notoirement interchangeables, il ne faut peut-être y voir rien d'autre qu'une prodigieuse économie de toute dépense psychique, une façon de tenir le moins compte possible du dehors en tant que dehors. Aussi la pulsion de mort n'a-t-elle ni objet, ni zone orificielle spécifique, ni même quantum d'énergie (autrement dit nulle variation économique), mais juste un but : s'éteindre, imploser en-dedans8.

Qu'est-ce que Freud naturalise ici ? Très explicitement, les pulsions du moi, et leur activité anti- érotique (notamment via la sublimation). La pulsion de mort, c'est ce qui polarise l'en-retrait du moi, la soustraction tendancielle à la vie pulsionnelle qui vectorise au cœur de chaque individu sa vie pulsionnelle même. C'est elle qui travaille dans la réaction thérapeutique négative à repousser l'établissement des liens avec l'objet, et qui, lorsque l'analyste se montre trop perturbant, retourne les moyens de la cure contre la cure elle-même en les détissant avec fureur. C'est elle qui fait de ce moi la proie désignée d'un idéal qui l'incite au dépassement mortel, ce dépassement impliquerait-t-il le sacrifice radical des pulsions et même de la vie du corps pour on ne sait quelle Cause sublime. C'est elle encore qui fait du masochisme cette formation ambiguë, où l'on ne sait pas si, chez quelques individus exceptionnels, il constitue la voie la plus radicale de leur auto-anéantissement le plus intime (et donc le plus individualisant), ou si, au contraire, le « masochisme érogène primaire » n'est pas chez nous tous, quoique profondément oublié, le premier balbutiement articulé d'Éros nous arrachant, dans la douleur, au dormourir. C'est elle enfin qui élève la mélancolie à la hauteur où le fait de culture le plus raffiné et la psychopathologie paradigmatique du suicide (et, par excellence, du suicide « altruiste ») finissent par se toucher.

Or si les pulsions anti-érotiques du moi sont l'objet ultime de la naturalisation freudienne, le saut n'est peut-être pas si grand qui rapatrierait toutes ces considérations métabiologiques sur la rive de leur véritable naissance : dans la conscience historique aiguë de Freud qu'une crise fatale avait avec la Première guerre mondiale totalement détruit le paradigme anthropologique de l'individu tel qu'il le connaissait et le jugeait éternel : l'individu libéral. Et que cet individu s'était détruit lui-même du dedans, nullement suite à un enchaînement contingent de circonstances catastrophiques. Je ne peux ici, bien sûr, que résumer à gros traits mon étude sur la genèse du sentiment de contrainte intérieure en Occident. Mais c'est de cet individu-là, l'individu « contraint en dedans », l'individu dont la pathologie essentielle est la « névrose de contrainte », la Zwangsneurose comme envers sombre de Selbstzwang d'Elias, et nul autre que lui, que Freud naturalise le destin. C'est cet individu « civilisé » par un immense processus historique qui est voué à une autodestruction dont la guerre, comme phénomène politique collectif, est systématiquement interprétée par Freud comme l'expression d'une distorsion interne dont seule la pulsion de mort peut rendre raison. Une chose au moins est sûre : Bion, qui selon son mot fameux, était « mort le 8 août 1918 sur la route d'Amiens à Roye », ne pouvait lire Freud que de ce point perspectif.

Débiologiser, dénaturaliser la pulsion de mort, voire la dépsychologiser, dans la mesure où la psychologie freudienne reste à quantité d'égards une psychobiologie, cela signifie par conséquent la rendre à l'histoire et à la sociologie (encore qu'il soit peu vraisemblable qu'elles l'accueillent avec enthousiasme!). C'est la resituer dans un processus lent, long et complexe qui est celui, d'abord mis en lumière par Elias, de la montée progressive de l'autocontrainte individualisante, là où, peu à peu, les moyens physiques et violents de la contrainte externe, autrefois dominants dans l'organisation sociale, se sont progressivement mis en retrait. Les moyens de la violence légitime une fois entre les mains de l'État, il importe en effet de remarquer combien l'État s'en sert peu, tandis que le zèle des travailleurs, leur conscience professionnelle, leurs capacités autocritiques et réflexives, leur contrôle de soi et la maîtrise des émotions comme des pulsions deviennent des normes valables pour un nombre croissant de gens, de toutes classes, dans toutes sortes de domaines de l'existence, avec le soutien d'institutions qui les arment au quotidien et qui changent non seulement les disciplines ordinaires, mais la forme et le contenu de nos joies et de nos peines.

La Selbstzwang d'Elias, que j'ai proposé de traduire aussi bien comme autocontrainte que comme contrainte (individualiste) à être soi, en soutenant qu'il s'agit dans nos sociétés de l'endroit et l'envers du même processus, peut alors se lire de deux façons. Soit il s'agit simplement de l'envers logique de l'autonomie à la Kant-Rousseau (la pierre de touche du projet de l'individu moderne), étant donné qu'il faut pouvoir obéir à la règle que l'on s'est librement donnée. Soit, dans une vision plus anthropologique, l'autocontrainte désigne la capacité à « se retenir » dans son action, surtout quand cette action, vitale et pulsionnelle, engage autrui. Mais alors l'anthropologie en question ne saurait être simplement l'anthropologie de l'individu ou, plus exactement, de l'adoucissement de ses moeurs ; c'est aussitôt une anthropologie du Mal. Car, de quoi « se retenir » de sinon de ce qui est intrinsèquement agressif et sexuellement pervers ? Ouvrez Die Blendung, de Canetti, L'Aveuglement. Observez son héros, Peter Kien, incarnation spectaculaire et caricaturale du caractère anal freudien, l'homme de la Kultur, le civilisé par excellence. Il périt dans l'incendie de sa bibliothèque, incendie qu'il a allumé lui-même, en proie à une jouissance démente qui est tout simplement l'implosion de ses formations réactionnelles. Le déchaînement autodestructeur du moi révèle alors sa véritable nature. Et c'est bien sûr l'inévitable rapprochement avec les piles de livres brûlés par les nazis quelques années plus tard qui a fait préférer aux traducteurs anglais et français le titre d'Autodafé9.

Ce que Freud a naturalisé, selon mon hypothèse, c'est donc précisément cette dialectique de l'autocontrainte, à la fois autonomies hantent, civilisatrice, et donc surmoïque, mais justement, parce que surmoïque, ampliant en elle-même sous une forme cruelle, sublimée et abstraite, le déchaînement paradoxal de l'agressivité contre l'agressivité - et cela, dans un moment historique où l'autocontrainte était devenue positivement insupportable. Car la riche notion développée par Elias n'a pas à proprement parler de téléologie, ni non plus de borne supérieure facilement assignable. La Selbstzwang, certes, ne doit pas être trop exigeante pour rester un fait social normatif, une attente constante, légitime, et socialisante pour tous les individus. Mais on ne sait jamais non plus très bien où commence la pathologie, ou plus exactement la désocialisation par excès d'autocontrainte, sinon en se fiant à ce critère qu'il faut non seulement se retenir dans nos actions, mais aussi, si j'ose dire, se retenir de trop se retenir. À un moment, l'action trop retenue se change en effet en une inhibition à l'action, inhibition destructrice du lien social. Il ne fait aucun doute pour Elias que Freud a donné une explication naturaliste à ce processus pourtant de part en part social, dont il a eu une conscience parfaitement claire en forgeant le concept capital de surmoi. Et je ne fais guère, en somme, que prolonger la trajectoire de son argument, en réintégrant à l'horizon sociologique et historique la pulsion de mort dont le surmoi, dans ses versions les plus cruelles, est l'incarnation paradigmatique.

Là où, peut-être, je m'aventure où Elias ne serait pas allé, c'est en poussant la dénaturalisation de la pulsion de mort jusqu'à l'inversion de son origine temporelle. Nul retour au passé d'avant la vie ; la pulsion de mort vient du futur, et se rêve ou se cauchemarde sous la forme d'une vision post-apocalyptique. Mais de quelle vision s'agit-il, au juste ?

Comme genre particulier de la science-fiction, la science-fiction post-apocalyptique offre des tableaux de désintégration du monde social qui sont toujours étroitement liés à une ruine cosmique, à un anéantissement non seulement des ressources naturelles, mais de la Nature elle-même. Les perversions les plus sadiques s'y déchaînent à l'envi, dans la mesure où l'autocontrainte caractéristique de la civilisation s'est effondrée comme cadre de la vie des gens. Dans ses versions les plus raffinées, c'est-à-dire aussi les plus angoissantes et les plus plausibles, ce sont des choix libres qui ont abouti à semer les germes du désastre final ; une partie de la fiction s'appuie d'ailleurs sur des analyses d'anticipation politique. Autrement dit, dans les cas réussis, c'est l'expérience d'une interdépendance infinie des choix individuels et de leurs conséquences sociales, sur le fond de l'autonomie plus ou moins intacte des acteurs sociaux, c'est-à-dire un état de choses très voisin de celui dans lequel nous vivons, qui non seulement cause, mais démultiplie les ravages, jusqu'au point de non-retour.

Dans les dernières pages de « Sade à Rome »10, je me suis efforcé de donner une présentation performative de cet état de choses. Elle pose d'abord comme un fait indiscutable qu'entre moi et le dernier homme, il s'écoulera moins de temps que, disons, entre moi et Christophe Colomb. Nous ne sommes pas dans le cadre plus ou moins rassurant d'une disparition totale de l'humanité comme de la planète à un horizon cosmologique (quand le soleil explosera, dans des milliards d'années). Il n'est pas davantage question de jouer à se faire peur pour espérer que l'humanité se ressaisisse dans un sursaut d'angoisse - comme dans tous les essais catastrophistes qui ont suivi la prise de conscience du potentiel d'anéantissement de la bombe atomique (avec Karl Jaspers, Hans Jonas ou Günther Anders, mais aussi, encore que ce soit avec un raffinement bien supérieur, avec Jean-Pierre Dupuy). Non, tout ce dont on a besoin ici, c'est de concevoir l'extinction de l'humanité dans un horizon historique (peu importe le nombre exact de siècles, pourvu qu'il soit déterminé, et pas trop grand). Je rappelle ensuite que l'Apocalypse en question ne saurait être qu'une « Apocalypse sans royaume »11. Il n'y aura ni jugement dernier, ni parousie, ni rédemption. Pareille fin des temps n'est pas un moment de l'histoire eschatologique de l'homme. C'est la ruine froide de l'Arche-Terre dans le sillage des effets géopolitiques de la biophysique implacable du climat et de son impact sur la matière vivante sous toutes ses formes. De famines en exodes, de guerres locales en guerres globales, de paroxysmes de pollution en épidémies gigantesques (tous événements qui se produiront parmi nous, dans notre monde social et comme l'effet direct de nos politiques), celles-ci nourrissant celles-là en un cercle vicieux qui s'affolera de plus en plus, ce qu'il y a de plus « civilisé » deviendra de plus en plus cruel et de plus en plus « barbare » pour endiguer (et encore, de moins en moins) plus barbare et plus cruel encore - jusqu'à ce que toute différence s'estompe pour finir entre civilisation et barbarie. Peu importe d'ailleurs les mécanismes concrets, les rebondissements, les péripéties, la logique du processus a tout son temps pour anéantir les brèves parenthèses d'espoir.

Dans ce processus, ai-je alors suggéré, la certitude croissante, génération après génération, d'une fin de l'humanité sèche, insensée, videra de sens les concepts usuels du Bien. Nul mérite, nul souvenir, rien d'honorable ne survivra en effet aux derniers humains ; nul élan de notre fonds moral, aucune téléologie de salut inscrite dans notre hypothétique nature ne pourra plus raisonnablement faire sens à leurs yeux, ou de moins en moins. Quelle jouissance restera-t-il donc, sinon celle de faire le Mal ? Et ce sera, dès lors, le vrai triomphe de Sade. Envisagée de cette manière, la science-fiction post-apocalyptique n'est qu'une des modalités imaginaires ou fictionnelles qui nous met sous les yeux le réel du futur - l'indésirable par excellence dans sa texture de cauchemar.

Je conclurai en observant que la science-fiction post-apocalyptique entretient peut-être avec notre culture un rapport symétrique et inverse à celui des grandes utopies de la Renaissance, celles de Campanella, de Bacon ou de More. Peut-être même un cycle se clôt-il avec ce genre nouveau. La science y joue de toute façon un rôle assez peu important, car elle est trop évidemment coupable de la destruction de la nature. Et ce n'est pas vraiment l'aspect technologique qui prime, mais plutôt l'aspect rationnel des liens entre les hommes qui retient l'attention des auteurs. La machine de mort, la vraie, ce n'est pas la technologie, c'est le « calcul économique » autodestructeur de la survie elle-même. C'est ce calcul rationnel qui accélère la catastrophe, en cherchant à l'économiser. En tout cas, autant les utopies renaissantes exprimaient les désirs infantiles de l'individu à venir, de cet homme « libre » de l'humanisme à qui strictement rien ni personne ne pouvait résister, et certainement pas l'ordre naturel, autant la science-fiction post-apocalyptique manifeste la face de mort de ses idéaux comme de ses rêves d'autonomie et de raison, dans les formes sociales où ils se sont épanouis avant de nous anéantir. Tout comme chez Bion, d'ailleurs, la fin du monde a une capacité « analytique » : elle nous laisse en présence des « derniers constituants », une fois consommé le désastre. Ils sont bien sûr, dans notre imaginaire, fortement individualisés. On ne sait ce qu'ils pourront recomposer, ni s'ils pourront d'ailleurs recomposer quoi que ce soit. Dans le chef-d'oeuvre de Cormac McCarthy, La Route, une scène décisive n'a pas trouvé de correspondance quand on l'a porté à l'écran12. Les deux héros, un père et un fils, croisent un moment un petit groupe où une femme est enceinte. Il le recroise quelque temps plus tard, et l'on devine qu'ils ont dévoré le nourrisson dès sa naissance. C'est une allégorie de Chronos dévorant ses enfants. Car qui sait combien de ces grossesses ont déjà fini en monstrueux festins cannibales ? C'est le temps vivant qui est mis à mort dans une répétition cauchemardesque ; sauf qu'aucun Zeus ne tuera plus Chronos. L'histoire terrible du père et du fils, avec sa fin sacrificielle d'un optimisme ambigu, ne sert ici bien sûr que d'écran au pire.

La science-fiction post-apocalyptique, voilà donc notre balai de sorcière pour penser-rêver autrement la pulsion de mort, pour la penser-rêver en termes sociaux et historiques, et non plus biologiques ou métabiologiques : pour avancer vers le réel du futur dans ce qu'il a de radicalement indésirable, en nous réglant même sur cet indésirable. C'est rompre avec Freud, c'est clair. C'est en même temps continuer avec Freud à penser le déchaînement de la pulsion de mort au cœur de son équivalence avec les pulsions du moi (c'est-à-dire de ce que Freud a saisi des contrariétés constitutives de l'individu moderne). Mais c'est aussi, conformément à la très juste exigence de Christopher Bollas, recentrer la théorie psychanalytique sur ce qui la rend anthropologiquement et politiquement pertinente. Pas plus que Freud, nous n'avons en effet à substituer le malheur ordinaire au symptôme névrotique, ni à faire servir la psychanalyse à une entreprise psychothérapeutique de résignation adaptative. Mais travailler à nous rendre inintimidables face au Mal qui vient, voilà le véritable « travail de la culture » (Kulturarbeit), travail dont Nathalie Zaltzman a fortement marqué qu'il mettait entre les mains de l'individu de quoi s'opposer au destin biohistorique de l'espèce, et à tout ce qui est susceptible de s'y déchaîner13. Et si nous souhaitons pour de bon préserver notre capacité à jouir et à être actif, c'est-à-dire à préserver ces capacités face à la malfaisance avérée de certains - cette malfaisance particulière qui est jouissance de précipiter la fin -, alors il n'est pas exclu que ledit Kulturarbeit ne requière de chacun d'entre nous un recours objectif à la violence.

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1P.-H. Castel, Âmes scrupuleuses, vie d'angoisse, tristes obsédés. Obsessions et contrainte intérieure de l'Antiquité à Freud, Paris, Ithaque, 2de éd. révisée, 2016 ; La Fin des coupables, suivi de Le Cas Paramord. Obsessions et contrainte intérieure de la psychanalyse aux neurosciences, Paris, Ithaque, 2012. Sur Elias et Freud : N. Elias, Au-delà de Freud : sociologie, psychologie, psychanalyse, Paris, La découverte, 2010.

2C. Bollas, Le Moment freudien, Paris, Ithaque, 2012.

3Voir là-dessus la récente traduction des textes sur Freud rassemblés in T. Adorno, Le Conflit des sociologies. Théorie critique et sciences sociales, Paris, Payot, 2016.

4La contradiction est grammaticale. On ne peut tout simplement pas définir la mort sans supposer la vie, à moins de s'imaginer que la lumière est un déficit de l'obscurité ou, comme le mélancolique, ou l'anorexique, à l'école de qui nous apprenons la langue contrariante de la pulsion de mort, que l'être est un raté du néant, ou la chair une obscène boursouflure du squelette. Il faut donc assez de vie pour que la pulsion de mort se déchaîne contre elle, comme s'il s'agissait de réduire à néant une sorte d'insurrection vitale, mais cependant une vie redéfinie en sorte que la pulsion de mort se déchaîne aussi en elle, et nulle part ailleurs.

5C' est un motif récurrent dans C. Bollas, Hystérie, Paris, Ithaque, 2017.

6P.-H. Castel, Pervers, analyse d'un concept, suivi de Sade à Rome, Paris, Ithaque, 2014.

7Pour une exploration de ce schéma hobbesien, déjà repéré par Elias, voir P.-H. Castel, "Freud ohne Unbehagen ?" in F. Kaltenbeck & P. Weibel (Hg.), Immer noch Unbehagen in der Kultur? Zürich/Berlin, Diaphanes, 2009.

8Je montrerai ailleurs que la capacité, ou l'incapacité, à équiper de « membres » et d'« orifices » le fameux « bonhomme » est la condition de sa compréhension psychanalytique chez les jeunes enfants. Son point d'émergence psychique n'est d'ailleurs nullement le trait qui circonscrit une zone sur le papier, mais l'attaque contre le support, le coup de crayon qui souille la surface ou qui ne s'y inscrit (comme signature élémentaire) qu'au prix de la déchirer. Il faut en penser la complexification progressive de façon dialectique, comme une acceptation rejetante, dont les phases reflètent la capacité à contenir de plus en plus de motilité et de sensorialité pulsionnelles et inconscientes.

9Sur le livre de Canetti, voir La Fin des coupables, op.cit., p.160-166.

10P.-H. Castel, Pervers, analyse d'un concept, op.cit., p.138-139.

11J.-P. Engélibert, Apocalypses sans royaume. Politiques des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècle, Paris, Classiques Garnier. L' expression semble avoir été frappée par Gunther Anders. Voir également P.-H. Castel, « The Coming Evil », Ritsumeikan Studies in Language and Culture (2016) 28-1, p.203-215.

12C. McCarthy, La Route, Paris, L'Olivier, 2008. Le film éponyme de 2009 est de John Hillcoat.

13N. Zaltzman, L'Esprit du Mal, Paris, L'Olivier, 2007. Sur sa contribution, voir P.-H. Castel, « Le mal à travers le prisme du travail de la culture », en ligne sur NonFiction, ainsi que « La psychanalyse, la culture, et le Mal qui vient », à paraître dans la Revue française de psychanalyse, 2017.

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