Folie
Psychologie, philosophie générale
Toute perte de la raison.
La notion désigne de façon informelle la perte de la raison (pas son échec, qui est l'irrationalité) sans la nuance de maladie mentale formellement stable de "psychose". Chez Pinel et Esquirol les "folies essentielles" désignaient les folies sans lésion cérébrale ni fièvre, authentiquement mentales. Les dénominations de la psychiatrie qui s'y référeraient ont peu à peu reculé (la "folie circulaire" est devenue la psychose maniaco-dépressive, les "folies raisonnantes" les délires paranoïaques, etc.). "Folie" en effet garde une nuance morale ("folie aux yeux du monde, sagesse devant Dieu" de l'Evangile, "folie morale", désignant au 19ème siècle divers comportements pervers) et normative, avec la connotation transgressive qu'elle a chez Erasme.
L'usage anti-psychiatrique du mot (Laing) sous-entend que le fou est arbitrairement exclu par la société dont il gêne le conformisme. Mais la folie est plus problématique quand les facultés y sont conservées, sinon exaltées, au service de la poursuite systématique de buts délirants. Ce ne sont plus alors les conventions sociales qu'elle dérange, mais l'intangibilité et l'auto-fondation de la raison. Les exemples canoniques de "folie raisonnante", sans hallucinations, donnés par Sérieux et Capgras, sont Rousseau et Strindberg (tous deux atteints de délire de persécution). Il peut être alors difficile à l'expert de discriminer folie et lucidité parfaite; c'est le cas du testament haineux du persécuté, ou de certains revendicateurs, juristes brillants, dans la "folie des procès" (paranoïa quérulente). La notion d'"aliénation mentale" devient éventuellement inadéquate, dans la mesure où l'interprétation des faits (toujours négative et source de la réaction violente du malade) est parfois équivoque: seul un diagnostic structural de psychose, mobilisant une théorie explicite du sujet, permet de qualifier la pathologie (Lacan), même si le sujet a, par ailleurs, des motifs objectifs de réagir.
Erasme, Eloge de la folie
Sérieux P. et Capgras J., Les folies raisonnantes, Paris, 1909.
Foucault M., Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, 1972.
Swain G., Le sujet de la folie, Toulouse, 1977.
Lacan J., De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, 1932.