Mémoire

Psychologie, philosophie de la connaissance

Capacité complexe de fixation, de rétention, d’extraction (ou de rappel) et de restitution des informations.

C’est H. Ebbinghaus qu’on doit les premiers travaux expérimentaux sur la mémoire (1885). Sa mesure, aboutissant à des formules mathématiques inspirées de T. Fechner, revient à établir des rapports entre la taille du matériel à retenir et le temps nécessaire à le fixer. Or l’oubli est moindre si le matériel à retenir est structuré, s’il a du sens, notamment. Un point de vue fonctionnel sur le mental a conduit ensuite à distinguer des mémoires implicite (jouer du piano) et explicite (ce que j’ai fait hier). Mais c’est l’essor de la neuropsychologie et de la neurobiologie qui a conduit à la description précise de divers mécanismes élémentaires de la mémoire, notamment par ses troubles. Le système limbique est impliqué dans le passage de la mémoire à court terme à celle à long terme. On connaît aussi des neurohormones modulant l’apprentissage et des "cartes" neuronales l’archivant. Les bases neurobiochimiques de la mémoire à très long terme restent cependant obscures.

L’aspect qualitatif de la structuration du matériel à retenir rend difficile l’extension de méthodes par conditionnement et l’apprentissage à l’explication des conduites complexes de remémoration. H. Ebbinghaus avait tenté ainsi de réduire son objet à une "pure mémoire" (par des tests sur des syllabes asémantiques). Reste qu’une pure mémoire, sans métamémoire (sans la capacité à en auto-évaluer les performances) laisse plus ou moins indistincts, surtout en situation de test, apprentissage, mémoire proprement dite, et capacité à réeffectuer. Quant à la métaphore de l’ordinateur, en vogue, elle est trompeuse : la mémoire des organismes n’est pas un stockage passif, et ils interagissent avec le milieu. On risque de confondre les propriétés de l’objet et celles du modèle ; la psychologie de la mémoire, entre paradigme informatique et paradigme biologique, est un cas exemplaire, historiquement déterminé (F. Yates). Enfin, il n’est pas sûr que l’explication de la façon dont on peut faire revivre une inscription morte ne reconduise pas les paradoxes déjà pointés par Platon dans le Phédon : confondre l’aide-mémoire (inerte) et la mémoire vraie, qui est présence (vivante) du passé à l’esprit. Même neuronale, une carte est-elle plus qu’un aide-mémoire ?

Conditionnement, habitude

Chapouthier G., La biologie de la mémoire, PUF, 1994.

Ebbinghaus H., Über Gedächtnis, 1885.

Howe M., Introduction to the Psychology of Memory, University Press of America, 1987.

Parkin A., Case Studies in the Neuropsychology of Memory, Lawrence Erlbaum, 1999.

Yates F., The Art of Memory, Chicago, 1974.