Séminaires de psychanalyse à l'Association lacanienne internationale (1999-2018)
Année 1999-2000: A partir de l'hystérie
Année 2000-2001: Clarifications sur la Loi symbolique
Année 2001-2002: Vous avez dit "signifiant"?
Année 2002-2003: Les perversions, le mal et le sexologue
Année 2003-2004: Le sujet et son acte
Année 2004-2005: La névrose obsessionnelle
Année 2005-2006: La névrose obsessionnelle (deuxième année)
Année 2006-2007: Lacan/Bion: qu'est-ce que "l'appareil psychique"?
Année 2007-2008: Amour et sexe
Année 2008-2009: L'association libre
Année 2009-2010: Quelle « civilisation », quel « malaise », quelles cures ?
Année 2010-2011: A quoi reconnaît-on une psychose?
Année 2011-2012: La fin des coupables?
Année 2012-2013: Qu'est-ce qui est thérapeutique?
Année 2013-2014: Le rêve, entre Freud et Bion
Année 2014-2015: Une lecture de Bion
Année 2015-2016: Questions techniques en psychanalyse après Bion: transfert, contre transfert et association libre
Année 2016-2017: L'enfant, le jeu, l'image, le rêve
Année 2017-2018: L'enfant, le jeu, l'image, le rêve (deuxième année)
Les troisièmes jeudis, à l'Association lacanienne internationale, 25 rue de Lille, Paris. Pour assister, me contacter.
Année 1999-2000: A partir de l'hystérie
Le séminaire de l'an passé à Sainte-Anne a continué, dans le cadre de l'Ecole Psychanalytique créée par Marcel Czermak et tous ceux qui le soutiennent.
Après les considérations sur le rêve, et la lecture de la Traumdeutung que j'ai défendue, je voudrais quitter les eaux de la théorie pure, et de l'analyse des textes de Freud, pour poser des questions de clinique et de société. Ce sera l'occasion de mettre à l'épreuve le concept d'"intentionnalité" dont j'avais commencé à indiquer la portée, en rectifiant plusieurs contresens, et en pointant sa valeur. Ce sera également l'occasion de s'éloigner un peu de la défense strictement conceptuelle du Freud historique (quoique la tâche demeure nécessaire), pour retrouver certaines analyses de Lacan, et surtout, les reprendre à nouveau frais.
Je prendrai donc pour fil conducteur le phénomène extrêmement étrange qui se déroule en ce moment sous nos yeux, sous la forme de ces épidémies américaines dites du "Syndrome de Fatigue Chronique", ou du "Trouble des Personnalités Multiples", en interrogeant comment ces pathologies spectaculaires prennent la relève, dans des coordonnées à établir, des formes plus classiques, et, si j'ose dire, orthodoxes, de l'hystérie collective. S'il y a un "discours hystérique", en effet, il n'est possible qu'au carrefour d'un très grand nombre d'articulations, qui mobilisent aussi bien la médecine et la science, que le réel des pouvoirs économiques, sociaux, juridiques, sans oublier, bien sûr, l'imaginaire de la culture, et plus profondément encore, une certaine théorie de ce qu'est le langage et du lien symbolique entre mots et choses. C'est au déploiement de cette configuration aux Etats-Unis que je compte m'atteler, parce qu'elle annonce, me semble-t-il, quelque chose de tout à fait angoissant, et dont il importe de prendre la mesure. Une mutation très importante du "discours hystérique" y paraît en cours, sous les coups de ce que Lacan a nommé "discours capitaliste", et dont il a pointé l'effet spécialement dissolvant sur le "discours du maître". Grâce à la notion d'intentionnalité, je voudrais montrer (mais dans le grain du détail qui intéresse le clinicien) comment l'extension vertigineuse du concept de dépression en psychopathologie, la naturalisation de plus en plus nette de la vie mentale par la rationalité cognitiviste, et la récusation délibérée du transfert subjectif, convergent pour en manifester la virulence.
Après une première mise en place de ces idées générales, je tenterais de montrer de quelle manière on peut analyser d'une façon un peu nouvelle et critique ces affects cruciaux que seront pour nous, au départ, la honte, la culpabilité, la perte de l'estime de soi, la pudeur et la haine. Les outils employés seront, à nouveau, ceux de la philosophie analytique.
Année 2000-2001: Clarifications sur la "Loi symbolique"
Dans le sillage du néo-naturalisme contemporain, qui se fixe comme idéal épistémologique de refondre le savoir sur l'homme (et en particulier le savoir clinique) selon les canons des sciences de la nature, la notion de "Loi symbolique" s'est insensiblement transformée en une forme vague de "convention" plus ou moins contraignante, ou encore conçue comme une "idéalisation" non-critique. Il est ainsi devenu de plus en plus difficile de caractériser en quoi on ne peut pas faire l'objection à la loi symbolique, en son sens rigoureux et opératoire, du relativisme culturel, voire du positivisme juridique. Au contraire, elle est en danger de servir de caution à des raidissements moralisateurs (quand il s'agit des lois imprescriptibles de la parenté), et parfois au même moment à des appels à la tolérance (pour des figures imaginaires de l'Autre qu'est l'étranger, etc.). Les débats récents sur le PACS, puis sur l'homoparentalité, censés (et parfois en invoquant Lacan, ou des lois psychanalytiques de la nature humaine!) annoncer une sorte de dégradation ontologique de notre condition, ou bien encore l'appel à considérer les pathologies mentales des migrants comme des formes culturellement déterminées de mal-être devant lesquelles la médecine mentale occidentale et scientifique devrait reconnaître ses limitations intrinsèques, sont des exemples très éloignés en apparence, mais en réalité étroitement connexes de la même incompréhension de la notion de Loi symbolique. Quand à l'idée à la mode d'une "ethnopsychiatrie", promue par Tobie Nathan, elle repose sur le "constructivisme social" appliqué à la clinique mentale, dont toute la teneur est de nier qu'il existe même une Loi symbolique. Loin, ainsi, d'être un prétendu antidote humaniste à l'extension des neurosciences en psychiatrie, je défendrai donc la thèse selon laquelle l'ethnopsychiatrie, avec sa filiation psychanalytique abâtardie, la compléterait: aux uns le câblage dur, aux autres le supplément d'âme...
Ce séminaire aura pour vocation de revenir à l'articulation conceptuelle et notamment logique qui sous-tend l'usage correct de cette notion-clé dans le champ de la clinique du sujet. A partir de ce qui est au principe de l'identité, des noms propres, de la signification et de la référence, des traits classificatoires, des règles du langage, ainsi que de la nécessité et de l'impossibilité telles qu'elles s'y manifestent, on fera émerger ce que suggèrent des recherches récentes, après Freud et Lacan, mais qui intéressent le champ qu'ils ont ouvert. Je cheminerai donc en lisant, avec pédagogie, des textes réputés difficiles de Wittgenstein, Kripke, Goodman, Hacking et quelques autres, en vue de retourner armé aux débats actuels, et d'ajuster la réplique.
Année 2001-2002, Vous avez dit "signifiant"?
(Ce séminaire est associé au CESAMES)
Quelle différence, épistémologique et clinique, fait au juste l'introduction par Lacan de la notion de "signifiant"? Elle n'est que superficiellement linguistique, et l'invocation de Saussure ne doit pas abuser: Lacan, sur le plan technique, fait usage d'une notion jakobsonienne du signifiant (surtout phonologique), et il s'intéresse surtout à ce que le concept permet de capter: en quoi il faut davantage le rapprocher de l'anthropologie structurale ou de la poétique des années 60. A cet égard, j'essaierai de montrer le fruit que Lacan a tiré de la confrontation alors fort vive entre les points de vue de Hjelmslev (plutôt orienté sur la lettre) et de Jakobson (plutôt orienté sur la rhétorique).
Cette référence au signifiant a-t-elle pour autant vieilli? N'était-ce qu'un "modèle"? Bref, y a-t-il une psychanalyse sans "signifiant" (ou son équivalent épistémologique)? En outre, on oublie souvent que si elle est importable en psychanalyse, c'est aussi parce que l'objet clinique que la psychanalyse partage avec la psychiatrie (objet problématique commun, et qui lui permet de revendiquer d'être plus qu'"une autre manière de voir les choses"), peut s'analyser en termes de signifiants.
Je proposerai donc de comparer la façon dont Freud et Lacan caractérisent les unités du travail psychique de l'inconscient dans L'interprétation du rêve, la Psychopathologie de la vie quotidienne, le livre sur le Witz et le cas Schreber, et de répondre à plusieurs difficultés. A quelles conditions pourrait-on se mettre d'accord sur ce qui est un signifiant et ce qui ne l'est pas? Qu'est-ce que cela décide du cadre de la cure, mais aussi du type de validité qu'une explication psychanalytique peut avoir, vue "du dehors" (en particulier dans le contexte général d'hostilité qui prévaut aujourd'hui)? Le recours au signifiant résout-il les apories freudiennes des "pensées de désir" dans leur articulation aux "motions de désir"? Que gagne-t-on à introduire la "logique du signifiant" dans la doctrine des pulsions et du Vorstellungsrepräsentanz? Pour quels motifs enfin Lacan a-t-il finit par faire un usage quasi informel de la notion, à mesure qu'il l'insérait dans l'ensemble plus vaste d'une théorie de l'acte, de l'objet, puis dans une topologie?
Comme les années précédentes l'accent sera mis sur une discussion d'arguments pro et contra, et sur la réponse à des objections fondamentales touchant la consistance de la position de Lacan eu égard à sa visée; on se reportera notamment aux critiques de Vincent Descombes formulées du point de vue de la philosophie de l'esprit. Mais je saisirai l'occasion d'une analyse un peu serrée du concept de signification pour introduire à la lecture de Donald Davidson, et reprendre ma lecture du nominalisme de Nelson Goodman.
Année 2002-2003: Les perversions, le mal et la sexologie
(Ce séminaire est associé au CESAMES)
Le séminaire aura deux objets. Je livrerai
tout d'abord un commentaire systématique de " Kant avec Sade ", qui passe pour
un des textes les plus difficiles des Ecrits, en le mettant en relation
avec les problématiques contemporaines de la philosophie morale, et en particulier
avec le paradoxe du " nazi raisonneur " chez Anscombe (la traduction de Intentions
étant désormais disponible). C'est une question très
difficile en effet de savoir comment une théorie phliosophique de l'action
est exigible en préalable pour parler rationnellement du mal. En parallèle,
j'interrogerai les modalités de construction, à la fois épistémologiques et
historiques, de la sexologie. En effet, l'individualisme libertaire tendant
à ramener toute norme de conduite sexuelle à une convention relativisable
(et pourquoi pas l'inceste?), la récusation argumenté de la psychanalyse
sur les bases d'une scientificité revendiquée à divers
titre (à la fois sociologique et biologique), et l'idée de légitimer
tout rapport sexuel pourvu qu'il procède du " consentement éclairé " de deux
personnes engagées par un contrat tacite dans leur relation, tous thèmes liés,
me paraissent constituer l'envers rationaliste et l'idéal désormais vulgarisé
de la face plus obscure décelée par Lacan chez Sade. Quand les perversions ont
été médicalement ramenées à des "paraphilies"
(une laïcisation du concept due à Stekel), la dimension morale des
premières disparaissant, elle a entraîné dans son éclipse
la portée subjective des actes pervers, considérée comme
de simples "conduites déviantes". Que s'est-il passé
exactement à ce moment? Je tenterai, à l'appui de mon argument,
une lecture à la fois psychanalytique et épistémologique
de certains textes canoniques de la sexologie, depuis les origines jusqu'à
nos jours.
Un certain nombre de remarques cliniques étayeront mon propos, notamment touchant le moi du très grand pervers (objet pour la criminologie et pour la psychiatrie) et certaines de ses évolutions paranoïaques particulièrement significatives. Je présume en effet que l'objectivation des conduites sexuelles, avec la désubjectivation corrélative des symptômes sexuels qu'elle entraîne, fait désormais partie du contexte social sur lequel la psychanalyse est appelée à prendre position.
Année 2003-2004: Le sujet et son acte
(ce séminaire est associé au CESAMES)
La problématique des perversions mettait au premier plan les conditions sous lesquelles un agir du sujet peut être ou non qualifié d'acte, en particulier les conditions transférentielles, et l'effet de division qui en résulte pour l'agent, effet à quoi le pervers pare de façon singulière. Dans la suite du séminaire de l'an passé consacré à cette question, il paraît maintenant intéressant d'examiner les liens intrinsèques qui unissent le sujet et l'acte, chez Lacan: l'un ne pouvant peut-être pas avoir de sens sans l'autre. La spécificité psychanalytique de leur articulation obligera alors à prendre position par rapport à d'autres façons de se représenter leurs rapports. Il y a celle mise en avant par la psychiatrie (notamment cognitive), qui insiste sur le lien agent/action. Ce sera l'occasion de continuer une réflexion ancienne de ce séminaire sur l'intentionnalité et la naturalisation (neuro-)biologique de la vie mentale, que je nourrirai, à partir des textes classiques d'Anscombe, de remarques sur le problème bien connu de l'intentionnalité de l'action, et de la logique de l'action confrontée à celle (hypothétique) de l'acte. Mais il y a aussi celle, si particulière, et beaucoup moins connue, examinée par les philosophes néo-positivistes et par Wittgenstein, confrontés au problème de savoir ce que deviennent l'éthique et le sujet, dans un monde entièrement régi par sa structure logique. Car ceux-ci se sont tournés vers Freud, Kafka, ou Dostoevsky, entre autres, pour chercher ce qui pouvait bien en rester. L'éthique du bien dire sur quoi ils débouchent sera mise en relation avec ce que Lacan suggère; ses séminaires sur l'angoisse, l'alogique du fantasme et l'acte psychanalytique seront au premier plan.
Un premier point d'application clinique de ces recherches sera la question de ce qu'il en est de l'acte et de l'action dans la névrose obsessionnelle (ses inhibitions, son idéation suicidaire, ses luttes anxieuses en situation de compulsion, etc.). Le second point d'application clinique particulier de ces réflexions portera sur la responsabilité dans le passage à l'acte (question aujourd'hui redoutable vu ce qu'on impute désormais aux malades mentaux "criminels") qui pourrait bénéficier d'un éclairage plus théorique, moins naïf, en tout cas, sur la liberté de la volonté.
Année 2004-2005: La névrose obsessionnelle
(ce séminaire est associé au CESAMES)
Je continuerai les recherches commencées
l'an passé à partir du problème de l'acte et de l'action,
sur deux axes: 1° ce qu'apporte éventuellement d'un point de vue
clinique et théorique l'analyse logico-grammaticale des énoncés
d'acte et d'action (distinguée d'une analyse menée purement en
termes de chaîne signifiante), 2° son incidence sur la compréhension
de la névrose obsessionnelle.
Je prendrai mes ressources à la fois dans les débats philosophiques
contemporains sur la question de la volonté, de l'intentionnalité
et de l'action, et dans l'histoire même de la psychiatrie, avec l'idée
de mieux comprendre ce qui s'est joué dans la théorisation freudienne
de la névrose obsessionnelle, et comment cette névrose peut-être
aujourd'hui la cible d'un démembrement très parlant en termes
de TOC.
(ce séminaire est associé au CESAMES)
Cette année sera consacrée à poursuivre et éventuellement achever la relecture de "L'homme aux rats" entamée l'an dernier. Je tenterai de nouveaux développements sur le problème de la déconnexion de l'affect et de la représentation, en essayant de faire valoir combien le genre de psychologie que Freud déploie conduit inéluctablement à une théorie où les symptômes obsessionnels peuvent être compris comme des TOC, avec toutes sortes d'effets épistémologiques et pratiques sur la clinique. Je compte à cet égard entrer plus en détail dans les controverses contemporaines sur les thérapies cognitivo-comportementales qui assurent réussir là où la psychanalyse échouent. J'envisage encore d'illustrer sur de nouveaux objets ce que j'ai appelé la grammaire logique des affects. Je poursuivrai enfin les études consacrées à Kierkegaard, sans doute aussi à Kafka, toujours à la recherche d'une caractérisation du problème terminal de la cure de l'obsessionnel, et du point d'achoppement essentiel qu'elle rencontre.
Année 2006-2007: Lacan/Bion: qu'est-ce que "l'appareil psychique"?
Bion est presque inconnu en France,
du moins parmi les lecteurs de Lacan. Ce séminaire se propose donc
de poursuivre l'enquête des années précédentes
sur les raisons de Lacan (raisons cliniques, raisons épistémologiques)
en confrontant ses solutions et les nouvelles problématiques auxquelles
il a frayé la voie, à celles de Bion, un des plus difficiles
et de plus profonds psychanalystes post-kleiniens.
De Bion, on cite souvent une formule frappante, selon laquelle le but d'une
cure psychanalytique consiste à forger "une machine à
penser ses pensées". Comment cette idée d'appareil psychique
s'est-elle chez lui constituée? Comment son insistance à maintenir
une certaine rigueur dans l'usage de notions que Lacan a ou aurait rejetées
(contre-transfert, identification projective, self), rejaillit-il sur une
certaine façon de conduire les cures? Et qu'est-ce que l'appareil
psychique a même à voir avec la conduite de la cure? Enfin,
pourquoi chez Bion et Lacan la même insistance sur la rationalité
de la démarche freudienne, insistance liée à des prises
de position très articulées sur la nature de la subjectivité?
Ce séminaire avancera dans deux directions. Sur le plan clinique,
il cherchera à déterminer sous quelles conditions le traitement
psychanalytique des psychoses pourrait avancer au-delà des "préliminaires"
(un motif récurrent des travaux de l'école britannique). Sur
le plan conceptuel, il conduira à relire les références
constantes de Bion: Melanie Klein, Les deux principes du fonctionnement
psychique, en interrogeant ce qu'impliquent au juste les choix de lecture
divergents de Lacan et Bion. Mais c'est en tenant compte de l'authenticité
psychanalytique de l'expérience qu'on règlera la critique.
Année 2007-2008: Amour et sexe
Que la différence des sexes intéresse
la psychanalyse, c'est l'évidence. En même temps, les avertissements
de Freud et de Lacan sont formels: la psychanalyse n'a rien à dire
de cette différence en tant que telle, qu'elle trouve dans la réalité
(de l'anatomie, de la vie sociale, et peut-être dans la relation
passif/actif, qui conserve sa part d'énigme), parce que c'est l'articulation
phallique qu'elle y prélève et sur laquelle elle travaille
cliniquement. En revanche, la polémique anti-psychanalytique a
toujours tenté, de la naissance de la sexologie naturaliste aux
Gender Studies, de dénoncer en ce point précis
un échec, voire une imposture, la psychanalyse étant soit
une attitude sociale normative, soit le prolongement aveugle de préjugés
biologisants. En revanche, la psychanalyse, en toute hypothèse
déconnecte des notions que pour des raisons culturelles et/ou symptomatiques,
nous aurions une certaine inclination à faire jouer ensemble de
façon rigide: sexe et amour, au premier chef, sexe et jouissance
non moins.
Le séminaire de cette année rouvrira donc un certain nombre
de questions lacaniennes délicates concernant (avec le biais indispensable
à préserver la psychanalyse de fonctionner comme une nouvelle
idéologie morale du sexe, et donc en veillant à souligner
la qualité propre et l'origine dans le transfert des concepts psychanalytiques
dans le contexte des débats contemporains), la (les) jouissance(s)
sexuelles, l'homosexualité féminine, le transsexualisme.
On procédera en examinant critiquement quelques travaux récents
ou moins récents (en particulier en prenant connaissance des recherches
philosophiques contemporaines sur les affects, spécialement le
désir et l'amour), et diverses histoires de cas. On mettra aussi
à l'étude un certain nombre de classiques antiques (l'Art
d'aimer d'Ovide, L'âne d'or d'Apulée, le Satiricon
de Pétrone), dans l'idée de mesurer quelle latitude anthropologique
laisse l'articulation supposée "symboliquement" déterminante
de ces notions décisives: sexe, amour, phallus, jouissance(s).
Une question nous guidera: qu'est-ce que la psychanalyse, du sexe, ne
nous apprendra jamais?
Année 2008-2009: L'association libre
Enregistrement des séances (sauf la troisième), disponible ici.
Dans la suite du séminaire 2008-2009 sur l’espace qui s’ouvre entre « association libre » et « attention également flottante », j’examinerai comment différentes versions de la cure (Bion et Lacan) sont sensibles à des déterminations historiques et anthropologiques, en passant par une critique détaillée des lectures apocalyptiques récentes du Malaise dans la civilisation.
Enregistrement des séances disponible ici.
Année 2010-2011: A quoi reconnaît-on une psychose?
Le séminaire de cette année reviendra notamment sur Schreber, à partir de ma traduction des Paradoxes of Delusion: Schreber, Wittgenstein, and the Schizophrenic Mind, de Louis Sass, à paraître en janvier 2011. Comme les années précédentes, l’accent sera mis sur les critères, les enjeux psychanalytiques étant éclairés à partir de réflexions épistémologiques et historiques sur la notion de « psychose ». Le séminaire partira d'une analyse d'une nouvelle de Henry James, "The Altar of the Dead", qui aborde la question de la mélancolie.
Enregistrement des séances disponible ici.
Année 2011-2012: La fin des coupables?
Ce séminaire sera en quelque sorte le ban d'essai de la seconde partie de l'enquête commencée avec Âmes scrupuleuses, vie d'angoisse tristes obsédés. Je me propose d'y examiner comment la problématique de la "névrose obsessionnelle", invention nosographique freudienne appelé à un extraordinaire succès jusqu'aux années 1970, a lentement évolué vers ce qu'on appelle aujourd'hui les "troubles obsessionnels-compulsifs" (avec leur thérapie spécifique, cognitivo-comportementale et psychopharmacologique). L'approche sera à la fois historique, anthropologique et épistémologique, puisqu'il s'agira autant d'examiner les mutations du statut de la culpabilité dans les sociétés individualistes contemporaines, que les effets de la naturalisation scientifique sur la donnée même de la subjectivité. En contrepoint, et dans la mesure où ce sera possible, je mettrai au travail l'écriture d'un cas assez exemplaire de la différence qui force aujourd'hui à distinguer impérativement symptomatologie "obsessionnelle" et névrose obsessionnelle, du point de vue qui compte en psychanalyse, celui du transfert.
Année 2012-2013: Qu'est-ce qui est thérapeutique?
Un des modes les plus banals d'idéalisation de la psychanalyse consiste
à affirmer une différence qualitative absolue entre « l'or
pur » de son essence, et les « alliages » dégradants
avec autrefois la suggestion et désormais la psychothérapie auxquels
la voue, de facto, son existence sociale et ses affinités contraintes
avec la médecine et l'hygiène mentale.
Incontestablement, la dimension thérapeutique de psychanalyse pose problème.
Une entrée dans ce problème, cette année, sera de revenir
sur la question controversée de la réaction thérapeutique
négative, en lui donnant un statut de critère : c'est du
point de vue de la psychanalyse, et de son point de vue seul, que ce qui est
thérapeutique peut être, en soi, la cause d'une réaction
négative, et non, comme on pourrait s'y attendre, la réaction
négative le simple effet d'une entreprise thérapeutique qui échoue
(auquel cas il n'y a pas de thérapeutique du tout). Or le problème
de la réaction thérapeutique négative communique par des
voies qu'on explorera à nouveau frais avec les questions de la compulsion
de répétition, du surmoi, et de la pulsion de mort. Il n'est donc
pas très difficile d'en faire un portail pour considérer la signification
pratique de la systématisation de la psychanalyse chez Freud dès
les années 1920.
Ce séminaire continue toutefois celui de l'année passée
en interrogeant les conditions historiques et anthropologiques du développement
de la psychanalyse, notamment dans l'entre-deux-guerres. L'hypothèse
que je voudrais développer est la suivante : la méfiance
à l'égard du thérapeutique ne serait-elle pas l'effet d'une
certaine donne anthropologique, celle que dans mon récent travail sur
la contrainte intérieure et l'histoire de la névrose obsessionnelle
(Âmes
scrupuleuses, puis La
Fin des coupables), j'ai appelé l'autonomie-aspiration ?
Dans ce dispositif, le poids donnait à l'angoisse et à la culpabilité
est absolument central. La tension entre le moi, l'idéal du moi et le
surmoi est un organisateur de la condition humaine. Mais dans la mesure où
l'on peut soutenir émerge depuis un certain nombre de décennies
une autre modalité de l'autonomisation individuelle dans nos sociétés,
celle que j'ai baptisée l'autonomie-condition, la question du thérapeutique
pourrait peut-être se poser dans d'autres termes. Si l'autonomie-condition
n'est rien d'autre qu'une contrainte absolutisée, immédiate et
sans tension, alors on pourrait revenir sur la constitution fondamentale de
l'homme coupable.
J'essaierai ainsi de montrer, chez Melanie Klein, combien la position dépressive
et l'intégration de la culpabilité n'est en réalité
qu'une des options possibles de la fabrique du soi. J'essaierai de montrer que
certains phénomènes cliniques liés à l'autonomie-condition,
qui mettent l'accent beaucoup plus sur la honte que sur la culpabilité,
sur la dépression que sur la névrose ou la mélancolie classique,
sur l'hypocondrie plutôt que sur l'intériorisation mentale, sont
bien des modes d'organisation alternative et pas du tout des dégradations
structurales d'un sujet freudien éternel.
Mais alors, dans ce cadre précis, ne pourrait-on pas envisager une véritable
nécessité interne à la thérapie par la psychanalyse ?
Dit crûment, la férocité du surmoi et le style d'êtres
humains auxquels l'histoire nous confrontent n'exigent-ils pas d'en démordre
sur certaines idéalisations puristes et, de façon ordonnée,
de réfléchir à la dimension thérapeutique bien-fondée
de nos pratiques ?
Comme d'habitude, je doublerai cette réflexion proprement psychanalytique
d'une enquête de nature épistémologique et philosophique.
Son premier volet consistera à examiner ce que l'on sait aujourd'hui
de la notion de psychothérapie, en particulier à travers l’œuvre
austère de Bruce Wampold. Le second volet mettra une fois encore à
l'honneur Stanley Cavell, et sa lecture profonde des ambitions thérapeutiques
d'un Wittgenstein : j'avançais doucement vers l'idée que
c'est moins d'une psychothérapie qu'il s'agit, que d'une thérapie
du dire, ou du discours, ou du langage ordinaire peut-être, mais qui en
tout cas à cette singulière propriété de devoir
alors se servir de ce qui est malade, le langage, comme instrument de soin appliqué
à lui-même.
Enregistrement des séances accessible en ligne.
Année 2013-2014: Le rêve, entre Freud et Bion
Comme Jean-Pierre
Lefebvre vient de (re-)traduire la Traumdeutung, le séminaire
de cette année sera consacré au rêve, “entre” Freud et Bion.
Que nous apprend au juste la transformation de la problématique du rêve
en psychanalyse, du fondateur à Bion (qui l'un et l'autre considèrent
le rêve comme une voie royale pour accéder à l'inconscient,
mais sûrement pas pour les mêmes raisons, ni non plus avec la même
idée de la cure) Le point de départ sera un retour critique sur
un travail ancien, mon Introduction
à L’interprétation du rêve de Freud: une philosophie de
l’esprit inconscient. Le fil conducteur era l'examen de l'idée
de "réalité psychique" en psychanalyse, entre une approche,
disons, psychologisante, et une approche davantage centrée sur la parole
et le langage. L'esprit qui rêve, le récit de rêve et la
grammaire logique du "rêver", dans leurs relations compliquées,
nous offrent les moyens d'une première triangulation. L'idée de
"rêverie" chez Bion et quelques autres sera l'horizon que nous
tenterons d'approcher.
En guise de hors-d’œuvre: La
subversion du « psychisme » chez Bion et sa signification
pour lʼestablishment
psychanalytique en France
Enregistrement des séances accessible en ligne.
Année 2014-2015: Une lecture de Bion
À partir du travail collectif de traduction de James Grotstein entrepris
l’an passé, je me livrerai à une lecture critique de son approche
de Bion, que j’élargirai à l’examen de thèmes particuliers
de la pensée de Bion, en me concentrant sur la notion d’intuition en
psychanalyse. Le séminaire de cette année partira donc de la traduction
collective du livre de James Grotstein, A Beam of Intense Darkness,
dont les premières séances seront consacrées à finaliser
le texte.
Gilles Delès a obligeamment mis en ligne les enregsitrements des séances sur ce site.
Année 2015-2016: Questions techniques en psychanalyse après Bion: transfert, contre-transfert et association libre
Le thème général
de cette année demeurera bionien, au moins dans l’esprit. Je voudrais
explorer l’incidence des idées de Bion non plus sur l’intuition, comme
l’an passé, mais sur la façon dont transfert (contre-transfert)
et association libre se coordonnent.
Or c’est l’objet d’un vif débat, dont le livre de C. Bollas, Le
Moment freudien, porte la trace. C’est donc de ce livre que je vais
partir.
Je retrouverai aussi plusieurs motifs esquissés ces deux dernières
années: la question des actes de langage “indirects” en séance
(de ce qui est exprimé, mais qui n’est pas dit), notamment. Quant à
la question du transfert et de l’amour de transfert, je l’aborderai par un biais
inédit: non plus l’amour du patient pour l’analyste, mais ce qu’il en
est de l’“amour” du psychanalyste pour le patient (entendu comme son “prochain”),
en un sens tout à fait particulier. Car c’est un amour “sans désir
ni mémoire”, tout l’inverse de l’éros.
Je me réfèrerai à ce sujet deux ouvrages que je vous recommande
fortement: Les Œuvres de l’amour, de Kierkegaard (dans le volume 14
des Œuvres complètes) et L’Amour et la justice comme compétences,
de Luc Boltanski.
Gilles Delès a obligeamment mis en ligne les enregistrements des cinq premières séances sur ce site.
Le séminaire tâchera d'aborder d'un œil neuf, autant que faire se peut, la question du jeu et du dessin dans la psychanalyse des enfants, en mobilisant certaines avancées et certaines hypothèses de l'iconologie contemporaine, notamment les travaux d'Alfred Gell (L'art et ses agents. Une théorie anthropologique, traduction française aux Presses du réel en 2009), et Horst Bredekamp (Théorie de l'acte d'image, traduction française aux éditions la découverte en 2015). À cette première indication bibliographique, j'en ajouterai deux autres, le livre d'Antonino Ferro, L'enfant et le psychanalyste (traduction française chez ERES en 2009), et celui de Domenico Chianese et Andreina Fontana, Imaginons. Le visible et l'inconscient (traduction française aux éditions d'Ithaque en 2015), notamment parce que ce dernier livre fait explicitement référence à Aby Warburg, dont le nom revient souvent dans les problèmes fondamentaux de l'iconologie actuelle.
Ce sera l'occasion d'explorer la zone un peu mystérieuse où de nombreux auteurs psychanalytiques contemporains, et notamment les psychanalystes d'enfants, pressentent une proximité essentielle entre Winnicott et Bion. Comme je l'ai dit l'an dernier, je trouverais donc particulièrement bienvenu que ceux et celles d'entre vous qui ont rencontré dans des expériences de jeu ou de dessin avec les enfants des situations susceptibles de poser un problème de principe contribuent au séminaire en versant leur matériel et leur réflexion au débat. Et tant pis si cela me force à remettre à l'année prochaine le développement de mes intentions théoriques.
Comme vous l'indique d'entrée de jeu le titre de Bredekamp, mon approche des questions d'image et de jeu (dans la psychanalyse des enfants) s'inscrit dans la continuité des propositions que j'ai faites l'an passé sur la théorie des actes de langage, et notamment sur les actes de langages dits « indirects ». Y a-t-il des « actes d'image » comme il y a des actes de langage ? Et s'il y a, comme on le tient souvent pour acquis sans en déplier toute la finesse conceptuelle, un lien intrinsèque entre l'image et le jeu, alors, par extension, qu'est-ce que cela nous apprend sur la possibilité de traiter une image ou un jeu d'enfant (ou cette combinaison de l'image et du jeu représenté par le squiggle chez Winnicott) comme l'équivalent fonctionnel de l'association libre chez l'adulte ? « Faire image » (et jouer à faire image), est-il pour autant un équivalent fonctionnel de l'énonciation (transférentielle) ?
Or l'idée m'est venue de donner un préalable à l'ensemble de ces considérations (sur lesquelles vous me permettrez de faire planer le suspens). Et ce préalable sera anthropologique. Si nous voulons prendre au sérieux, scientifiquement, la question de la psychanalyse des enfants, il paraît judicieux d'approcher la question de l'enfance d'un point de vue anthropologique et donc comparatif, ce qui revient à se demander sur quoi reposent nos rituels thérapeutiques avec l'enfant qui va mal. Or il y a un ensemble de textes, auquel j'ai déjà fait allusion, qui m'aideront imposer en détail ce problème. Ils ont pour horizon Oedipe Africain, des Ortigues (L'harmattan, 1984). Il s'agit du livre de Jacqueline Rabain, L'enfant du lignage. Du sevrage à la classe d'âge (réédité chez Payot en 1994), et de l'article qu'elle a écrit avec Andras Zempleni sur l'enfant nit ku bon chez les Wolofs. Je ne désespère pas d'obtenir d'Andras Zempleni qu'il vienne nous dire son sentiment, après coup, sur ce travail, mais nous aurons peut-être un travail de groupe, plus psychanalytique, autour de la contribution de Jacqueline Rabain.
Je voudrais en effet aborder la psychanalyse d'enfant, et à l'intérieur de cette psychanalyse le jeu, l'image, le rêve et le langage, dans le cadre des « rituels thérapeutiques » propres aux sociétés individualistes. On verra en quoi cette façon de procéder se démarque des conceptions psychologiques dominantes. Ce sont les connexions conceptuelles mais aussi cliniques entre l'enfance, l'activité imaginative, la production d'images et de rêves, le rêve et le transfert entre l'enfant et l'adulte qui sont censées en ressortir métamorphosées. La différence entre la compréhension habituelle du jeu, des images, voire des tests projectifs avec les enfants, n'en sera que plus sensible. Au carrefour de toutes ces recherches sur les actes de langage et, de façon plus hypothétique, les « actes d'image » entendus comme de quasi énonciations, on pourra enfin tester de façon inédite les célèbres propositions du travail de Winnicott auquel je me référerai abondamment (La consultation thérapeutique et l'enfant, traduction française chez Gallimard, 1971). Voir aussi Aby Warburg, Fragment sur l'expression et L’Atlas Mnémosyne, publiés chez l'écarquillé. Du même, Le Rituel du serpent, chez macula. De Georges Didi-Huberman, L’Image survivante : histoire de l'art au temps des fantômes selon Aby Warburg, aux éditions de minuit. Chez Ithaque, Imaginons, de Dominico Chianese et Andreina Fontana. Aux presses du réel, trois volumes sur les nouvelles théories écologiques et leurs applications, sous le titre Penser l’image.
Séance n°2, 17 novembre 2016. Schéma des jeux d'enfants ("squiggle du squiggle").
Voir aussi "Winnicott chez les Wolofs, ou la psychanalyse d'enfant comme rituel thérapeutique" (exposé au séminaire "Le nouvel esprit de la psychiatrie et de la santé mentale")
Séance n°4, 19 janvier 2017, avec Andras Zempleni
Séance n°8, 18 mai 2017
Le séminaire de cette année continuera celui de l'année précédente, qui avait été surtout consacré à une comparaison de nature anthropologique. Il repartira de mon examen du livre fondateur de D. Widlöcher, L'Interprétation des dessins d'enfant. Mais il s'engagera davantage dans le volet iconologique du projet, que je commencerai par rappeler, avant d'expliciter davantage en quoi Warburg (lu notamment par Didi-Huberman et Carlo Severi) peut nous éclairer sur les enjeux et les moyens du dessin d'enfant en psychanalyse.
Séance n°2, 16 novembre 2017 et nouveau schéma du "squiggle du squiggle"
Un texte d'Edmond Ortigues difficile à trouver : Le message en blanc, dans les Cahiers internationaux de symbolisme, 1964, n°5, p.75-93: récit d'une cure d'un adolescent sérère, avec la description verbale d'un certain nombre de ses dessins.
Séance n°4, 18 janvier 2018 (sur Carlo Severi), également au format MP3
Séance n°5, 15 février 2018 avec le "cycle de la chimère-squiggle"
Séance n°8 (avec discussion générale)
Lettre aux participants sur l'interruption de ce séminaire, le 11 septembre 2018
Chers tous, chers amis et collègues,
Comme vous avez pu le remarquer, je n'ai pas communiqué cette année
de thème pour mon séminaire. C'est que je le suspends au moins
pour cette année. J'ai décidé en effet de renoncer à
être membre de l'Association lacanienne internationale, et par conséquent
à y abriter mon séminaire, le très mauvais procès
fait à mon camarade Jean-Jacques Tyszler, avec qui je travaille depuis
maintenant presque 15 ans, étant la goutte qui a finalement fait déborder
le vase. Je ne me sens tout simplement plus en sécurité, intellectuellement
comme moralement, dans une institution que j'ai pourtant fréquentée
pendant 25 ans, et à laquelle je dois ma formation de psychanalyste.
Mais il n'y a pas que des raisons de cet ordre à ma décision.
Le séminaire de l'année dernière m'a en effet confronté
à de telles difficultés conceptuelles, et à de telles lacunes
de mon information à la fois psychanalytique et scientifique, qu'il m'a
paru nécessaire, sous peine de radoter, de prendre une sorte d'année
sabbatique de lecture et d'approfondissements.
Je me suis également chargé de responsabilités nouvelles,
fort lourdes, dans mon université (à l'EHESS). Comme vous pourrez
le voir sur ma page personnelle, j'ouvre cette année un séminaire
de philosophie et de sciences sociales. Mais le travail entamé devant
vous et avec vous (car je n'oublie pas ceux et celles qui ont bien voulu faire
cadeau de tant d'heures d'un dur labeur pour traduire des auteurs méconnus),
ce travail ne s'arrête pas, puisque j'ai décidé de consacrer
la moitié des séances de ce séminaire à poursuivre
l'enquête sur la psychanalyse des enfants dont vous avez eu la primeur.
Bien sûr, il s'agira plus de philosophie des sciences que de clinique,
mais c'est encore le même objet, que j'approche par une autre face.
C'est quand même un crève-cœur, je ne vous le cache pas. Je quitte
des gens qui ont beaucoup compté pour moi. Et ceux qui partagent mon
sentiment de dégoût et d'indignation sont bien loin de former un
groupe uni, prêt à une nouvelle aventure commune. Mais enfin, c'est
la vie parisienne de la psychanalyse ! Peut-être même est-ce une
opportunité. J'espère que dans les mois qui viennent, émergera
une autre structure susceptible de m'accueillir, et où je me sente suffisamment
soutenu pour pouvoir honorer comme il se doit la confiance que vous m'avez montrée
toutes ces années. Si c'est le cas, je vous tiendrai bien sûr au
courant.
Cordialement,
Pierre-Henri Castel